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Produire en France une fibre de carbone économique et biosourcée

Posté le 21 juillet 2021
par Nicolas LOUIS
dans Chimie et Biotech

La fibre de carbone est un matériau onéreux, ce qui le rend difficile d'emploi pour fabriquer des objets en masse. Un projet de recherche baptisé Force développe une fibre de carbone à base de cellulose, et dont le coût de production se situerait autour de 8 euros le kg.

Utilisée pour fabriquer des matériaux composites, la fibre de carbone possède de nombreux atouts, dont sa légèreté et son importante résistance aux contraintes mécaniques. Malgré tout, son coût élevé la rend difficilement compatible avec la fabrication d’objets en masse, comme les voitures. Depuis 6 ans, l’IRT (Institut de recherche technologique) Jules Verne mène un travail de recherche pour fabriquer une fibre de carbone économique issue de matériaux biosourcés. D’abord initiées par des entreprises du secteur automobile (PSA, Renault et Faurecia), d’autres filières sont venues progressivement se greffer à ce projet comme celles de l’aéronautique (Airbus, Safran), du naval (les chantiers de l’Atlantique) ainsi que des sports et loisirs (Decathlon).

Actuellement, une grande majorité des fibres de carbone vendues sur le marché est obtenue à partir de polyacrylonitrile (PAN), un matériau onéreux. « Nous avons testé plusieurs matériaux alternatifs pour remplacer le PAN, notamment la lignine, mais sans parvenir à atteindre les performances mécaniques recherchées, déclare Céline Largeau, la cheffe de ce projet baptisé Force. Nous avons finalement retenu la cellulose car elle offrait le meilleur compromis entre le coût et les propriétés de résistances mécaniques. C’est aussi un matériau biosourcé, l’un des plus abondants sur terre. Il présente également des qualités de stabilité, ce qui signifie que, quel que soit le mode d’approvisionnement, on obtient les mêmes caractéristiques mécaniques. »

Les équipes de recherche sont parvenues à fabriquer une fibre de carbone issue de cellulose présentant une résistance à la rupture de 2 500 Mpa (mégapascal). « Cette performance est légèrement en dessous de celle de la fibre de carbone issue de PAN mais nous avons atteint notre objectif initial car nous ciblons des applications qui ne demandent pas des résistances à la rupture supérieures. Dans le futur, il y aura encore du potentiel pour l’augmenter si nous le souhaitons ». En termes d’élasticité, cette fibre de carbone en cellulose offre la même propriété que celle de PAN car elle atteint 250 Gpa (gigapascal).

Des discussions en cours avec de futurs industriels

Ces travaux de recherche ont aussi consisté à optimiser le processus de fabrication de cette nouvelle fibre de carbone, qui se déroule en deux étapes. Les fibres sont d’abord oxydées pour obtenir une fibre blanche puis intervient une seconde étape dite de « carbonisation » à l’aide de différents traitements thermiques. Plusieurs équipements ont été mis au point afin d’améliorer la productivité et de réduire le coût de production. « Le processus de traitement thermique est un peu différent de celui utilisé pour la fabrication d’une fibre de carbone classique, complète Céline Largeau. Par exemple, avec la fibre de PAN, il y a des rejets de cyanure d’hydrogène (HCN), un gaz hautement toxique et qui demande l’ajout d’un système de traitement de ces composés volatils. L’un des points positifs de la cellulose est que nous ne sommes pas confrontés à cette problématique. »

Le projet Force s’est fixé l’objectif de diviser par deux le coût de production de cette fibre de carbone à base de cellulose, et il devrait se situer autour de 8 euros le kg. « Sur le marché, le prix de vente d’une fibre de PAN démarre entre 13 et 1 euros le kg, mais son prix peut grimper à plus de 50 euros sur certaines gammes de fibres », ajoute Céline Largeau. Plusieurs pilotes de laboratoires ont déjà été développés au centre technique CANOE (Centre technologique Nouvelle-Aquitaine des composites et des matériaux avancés) à Lacq (Pyrénées-Atlantiques) et différents essais ont été réalisés afin de tester différents types d’approvisionnement en cellulose, notamment le papier recyclé. Ce projet entre dans sa dernière phase puisque des discussions sont actuellement en cours avec des investisseurs potentiels en vue d’industrialiser le procédé. « Parallèlement, nous travaillons encore sur toutes les étapes des différents procédés de fabrication afin de fournir au futur investisseur le maximum d’informations pour designer les lignes de productions industrielles et optimiser tous les coûts d’installation. »

Une première unité industrielle devrait sortir de terre à l’horizon 2025 sur le territoire français pour produire environ 4 000 tonnes par an. Ailleurs dans le monde, d’autres programmes de recherche tentent eux aussi de fabriquer une fibre de carbone biosourcée. « Il y a des initiatives, surtout en Europe du Nord, qui se sont mises en place, mais après le démarrage du projet Force, et certaines équipes travaillent sur la cellulose et la lignine, déclare Céline Largeau. Nous restons bien placés comparés à d’autres consortiums, nous ne sommes pas en retard et même en avance. »


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