Depuis 2006, la recherche est capable de générer, à partir de cellules adultes spécialisées, des cellules pluripotentes induites (cellules iPS) aux applications potentielles immenses notamment pour la médecine régénératrice. Cependant, le processus n’est toujours pas entièrement maîtrisé. Deux équipes de chercheurs ont découvert une molécule qui favoriserait la production de ces cellules souches induites.
Reprogrammer une cellule déjà spécialisée en cellule souche incarne une prouesse scientifique que de nombreux chercheurs convoitaient. En 2006, le japonais Shinya Yamanaka a réussi pour la première fois à produire ces « cellules pluripotentes induites », dites cellules iPS, capables de devenir n’importe quelle cellule du corps humain, par un procédé nécessitant l’introduction d’un cocktail de quatre gènes dans des cellules différenciées. Jusqu’à présent, seules les cellules souches humaines d’origine embryonnaire possédaient une telle caractéristique. Les cellules iPS représentent une avancée prometteuse. Grâce à elles, il serait, à terme, possible de remplacer des organes malades du patient par de nouveaux organes dérivés de ses propres cellules en écartant ainsi tout risque de rejet. Elles éviteraient aussi les problèmes éthiques soulevés par l’utilisation de cellules provenant d’embryons humains.
Malgré ce succès, la reprogrammation cellulaire n’est pas encore complètement contrôlée. Elle est limitée par certaines barrières, dont un phénomène de mort cellulaire programmée qui restreint le nombre de cellules produites. Dans ce contexte, l’équipe de Fabrice Lavial, en collaboration avec l’équipe de Patrick Mehlen, a tenté d’identifier de nouveaux régulateurs de la genèse des cellules iPS.
Dans ce but, les chercheurs ont porté leur attention sur les facteurs impactés par les quatre gènes inducteurs au tout début de la reprogrammation. Ils ont ensuite sélectionné dans cette liste ceux connus pour avoir un rôle dans la mort cellulaire programmée et dont l’expression varie au cours de la reprogrammation. A l’issu de ce tri, une molécule apparaît : la nétrine-1.
La nétrine-1 est une protéine sécrétée naturellement par l’organisme. De façon intéressante, elle est en particulier capable d’empêcher la mort programmée des cellules. Dans les premiers jours de la reprogrammation de cellules de souris, les chercheurs observent que leur production de nétrine-1 est fortement réduite. Cette déficience limite l’efficacité du processus. Les chercheurs ont alors testé l’ajout artificiel de nétrine-1 pour compenser son insuffisance dans les premières étapes de la reprogrammation.
Cette fois, la quantité de cellules iPS produites à partir de cellules de souris est beaucoup plus importante. Une constatation retrouvée lors de l’étude des cellules humaines, à partir desquelles quinze fois plus de cellules iPS sont produites grâce à l’addition de nétrine-1.
Dans une perspective thérapeutique, il était important de déterminer si ce traitement n’affectait pas la qualité de la reprogrammation cellulaire.
« Après plusieurs vérifications, le traitement avec la nétrine-1 ne semble pas avoir d’impact sur la stabilité génomique et la capacité des cellules iPS à se différencier en d’autres tissus », souligne Fabrice Lavial, chargé de recherche Inserm.
Les travaux de l’équipe continuent afin de tester l’effet de la nétrine-1 dans la reprogrammation d’autres types cellulaires et pour mieux comprendre le mode d’action de cette molécule dans la physiologie des cellules souches.
Sources
CNRS
Netrin-1 regulates somatic cell reprogramming and pluripotency maintenance, Nature communications, 8 juillet 2015
Duygu Ozmadenci1, Olivier Féraud2, Suzy Markossian3, Elsa Kress4, Benjamin Ducarouge1, Benjamin Gibert1,Jian Ge5, Isabelle Durand6, Nicolas Gadot7, Michela Plateroti4, Annelise Bennaceur-Griscelli2, Jean-Yves Scoazec7,Jesus Gil8, Hongkui Deng5, Agnes Bernet1, Patrick Mehlen1,* & Fabrice Lavial1,9,*
1 Apoptosis, Cancer and Development Laboratory – Equipe labellisée ‘La Ligue’, LabEx DEVweCAN, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, Inserm
U1052-CNRS UMR5286, Université de Lyon, Centre Léon Bérard, 69008 Lyon, France.
2 INSERM U935, ESTeam Paris-Sud, Université Paris-Sud, Villejuif, France.
3 Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, Université de Lyon, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut National de la Recherche Agronomique, École Normale Supérieure de Lyon, 69364 Lyon, France.
4 CGjMC UMR 5534 – Université Lyon 1, Campus de la Doua, Bâtiment Gregor Mendel 16, Rue Dubois, 69622 Villeurbanne, France.
5 College of Life Sciences, Peking University, Beijing, China.
6 Cytometry Facility, Centre de Cancérologie de Lyon, INSERM U1052-CNRS UMR5286, Université de Lyon, Centre Léon Bérard, 69008 Lyon, France.
7 Anipath, Université de Lyon, Hospices Q1 Civils de Lyon, Hôpital Edouard Herriot, Anatomie Pathologique, 69437 Lyon, France.
8 Cell Proliferation Group, MRC Clinical Sciences Centre, Imperial College London, London, UK.
9 Cellular Reprogramming and Oncogenesis Laboratory, ATIP/Avenir Laboratory, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, INSERM U1052-CNRS UMR5286, Université de Lyon, Centre Léon Bérard, 69008 Lyon, France.
* These authors contributed equally to this work.
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