Selon l’IEA (International Energy Agency), les besoins en production de chaleur représentent un peu plus de la moitié de la consommation mondiale d’énergie dans le monde. L’industrie y tient une place importante, puisqu’à elle seule, elle contribue à près d’un tiers de cette consommation. Dans ce secteur, les niveaux de chaleur nécessaires aux procédés industriels sont étendus. Ainsi, les cimentiers ont besoin de très hautes températures, supérieures à 500 degrés, tandis que d’autres secteurs tels que celui de la chimie, de la métallurgie, du bois, du plastique et du textile, sont à la recherche de températures inférieures à 300 degrés. Débuté en 2020, un projet de recherche européen, coordonné par le CEA-Liten et baptisé FriendSHIP, a pour objectif de produire cette chaleur à basse et moyenne température de manière décarbonée à partir de plusieurs briques technologiques.
Pour limiter le besoin en électricité, une part importante de la chaleur sera produite grâce à des capteurs solaires thermiques, dont le rôle sera de préchauffer le système. Les capteurs à concentration seront fabriqués par deux entreprises, partenaires de ce projet, à savoir Industrial Solar et Absolicon, respectivement situées en Allemagne et en Suède. Afin d’augmenter le niveau de chaleur produit, deux solutions complémentaires seront proposées. La première reposera sur une pompe à chaleur à haute température et permettra d’obtenir une température de 200 degrés. « Actuellement, la plupart des pompes à chaleur atteignent des températures inférieures à 100 °C, explique Pierre Dury, ingénieur solaire thermique au sein du projet FriendSHIP pour l’INES (Institut National de l’Énergie Solaire). Pour aller au-delà, plusieurs pistes sont envisagées et l’une d’elles consiste à utiliser, non pas un seul, mais plusieurs cycles de compression, afin d’optimiser le ratio théorique de compression. Sur le plan mécanique, un travail est notamment mené sur la lubrification, l’étanchéité, et les matériaux résistant à la pression et à la chaleur. Tout ce travail est réalisé par l’institut de recherche norvégien SINTEF ». La deuxième solution reposera sur une technologie de capteurs solaires à plus forte concentration, de type Fresnel, et permettra d’atteindre 300 degrés.
Le CEA développe une méthode de stockage latent de la chaleur
Face à l’intermittence de la ressource solaire, un système de stockage thermique à haute densité sera couplé à la production de chaleur. Pour obtenir une densité énergétique très élevée, une méthode de stockage appelée latent sera utilisée et reposera sur l’enthalpie de changement de phase d’un matériau, c’est-à-dire sa capacité à passer d’une phase solide à une phase liquide. Elle nécessite beaucoup plus d’énergie que la méthode dite sensible, qui consiste à faire monter en température des matières comme l’eau ou la roche. Le CEA développe en ce moment cette méthode de stockage latent et utilise un couple de matériaux composés de nitrate de potassium et de nitrate de calcium. « Il ressemble à un agglomérat de sels et lorsqu’il chauffe, il devient liquide, puis lorsque l’on évacue sa chaleur, il se solidifie à nouveau, complète l’expert de l’INES. La densité énergétique d’un stockage latent est au moins trois fois supérieure à celle d’un stockage sensible classique. À noter que ce système de stockage permettra aussi de stocker la chaleur fatale de l’industrie, celle qui n’est pas utilisée par les process, et qui sera renvoyée dans le dispositif de stockage ».
Et parce qu’en plus de la chaleur, les industriels ont souvent besoin de froid dans leurs process, un groupe froid à absorption thermique basé sur un cycle GAX (Generator-Absorber heat eXchange) est en cours de développement, là encore au CEA. Il permettra la production de froid avec des températures qui devrait atteindre jusqu’à -40 degrés à l’issue du projet. À l’heure actuelle, ce type d’équipement n’existe pas à l’échelle industrielle. Ce froid étant produit grâce à la chaleur, le système solaire sera donc dimensionné pour assurer la production de chaleur et de froid. Comparé à des systèmes de climatisations classiques fonctionnant par compression mécanique, et pour une compression équivalente, la consommation électrique est divisée par un coefficient de l’ordre de 100.
D’ici à la fin de cette année, un démonstrateur pilote de l’ensemble du système doit être mis en service au CEA de Grenoble. Actuellement, les scientifiques mènent une enquête auprès des industriels pour connaître l’acceptabilité et la comptabilité d’un tel système sur leurs sites. « Nous réalisons une étude sous la forme d’un questionnaire pour connaître leurs besoins exacts, afin de leur proposer dans le futur des solutions clés en main, ajoute Pierre Dury. Nous travaillons également avec deux industriels pilotes, l’allemand Clariant et le portugais Sonae, pour étudier l’installation d’un tel système chez eux. À la fin de ce projet, qui doit se terminer en 2024, nous allons également proposer des formations aux industriels pour les accompagner à transférer notre technologie sur leurs sites ».
Pour plus d’informations sur ce projet, des vidéos explicatives sont accessibles en cliquant sur ce lien.
Crédit de Une : Absolicon
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