A moins de cinquante jours du premier tour de l'élection présidentielle, les candidats ont tour à tour fait des propositions à destination du monde agricole. Vrais projets ou mesurettes ? Difficile à dire tant la grogne est vivace chez les agriculteurs.
À l’instar des années précédentes, 2017 s’annonce sous de mauvais hospices pour les agriculteurs. Avec une retraite moyenne de 831€ et un salaire horaire à 12,31€, le secteur ne s’en sort plus. Après le 54ème Salon de l’Agriculture, les agriculteurs n’ont globalement pas été conquis par les candidats à la présidentielle. « Si demain nous voulons des campagnes vivantes, des paysages diversifiés, une alimentation de qualité, il n’y a pas d’autres solutions que de maintenir des agriculteurs nombreux sur les territoires » avertit Jérémy Decerle, président du syndicat Jeunes Agriculteurs.
« Pas un candidat n’est venu nous dire : « Voilà ma vision pour l’agriculture, la production, l’exportation, la fiscalité« . Les agriculteurs ont envie de vivre de leur métier et la question des revenus n’a pas été abordée » regrette le président du Salon, . Un mécontentement partagé par Ségolène Royal. La ministre de l’Environnement a souhaité rappeler aux candidats que « la question agricole doit être intégrée à la question globale de la société, parce que l’alimentation, c’est un sujet crucial ».
Des produits plus accessibles et plus bio
Les candidats à la présidentielle ont tout de même fait des propositions discrètes au monde agricole. Marine Le Pen, Emmanuel Macron, François Fillon et Benoît Hamon se rejoignent sur l’idée qu’il faudrait alléger les charges et redéfinir les prix. « Il faudrait renégocier les prix de vente avec la grande distribution » suggérait Hamon au Salon de l’Agriculture. « Les prix agricoles sont la clé de voûte de la rémunération du travail paysan, rappelle Jean-Luc Mélenchon, dans des marchés dérégulés, la majorité des paysans ne vivront jamais dignement de leur métier ». Pour y remédier, Marine Le Pen propose par exemple une TVA incitative à 0% sur les produits bio pour attirer les consommateurs.
Macron, Mélenchon et Hamon prévoient d’aider et de récompenser financièrement les exploitations qui se convertiraient au bio. Avec des programmes d’investissements de 5 milliards d’euros sur le quinquennat, Hamon et Macron comptent investir dans une agriculture plus propre. Le candidat PS compte poursuivre le travail de Stéphane Le Foll, actuel ministre de l’agriculture, sur « l’agro-écologie ». Ils projettent aussi d’aider les jeunes à s’installer notamment grâce à des prêts plus accessibles et des exonérations de charges. Benoît Hamon souhaite par ailleurs développer les circuits courts, tout comme François Fillon.
Les perturbateurs endocriniens se sont également invités dans le débat. Alors que l’Union européenne peine à définir clairement leur nature, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon veulent voir leur part diminuée. Ils souhaitent aussi limiter les pesticides et interdire les OGM. Marine Le Pen les rejoint sur ce dernier point. A l’inverse, François Fillon ne souhaite pas lutter contre les OGM et envisagerait de « supprimer le principe de précaution de la Constitution ».
L’agriculture chahutée entre Union européenne et patriotisme
Malgré les 9,1 milliards d’euros versés l’an dernier aux agriculteurs français, la PAC fait grincer des dents. Marine Le Pen souhaite passer de la Politique Agricole Commune à la Politique Agricole Française (PAF). « On a toujours mieux commercé quand il y n’avait pas l’Union européenne » pense-t-elle. Son idée est d’opter pour le « patriotisme économique et la francisation des aides ». Enfin, la candidate du Front National veut interdire toute importation de produits étrangers qui ne répondraient pas aux normes françaises, dans une logique protectionniste.
Le repli souhaité par Marine Le Pen fait réagir jusqu’à Bruxelles. Le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a dénoncé cette idée comme étant « mauvaise ». Pour lui, la candidate frontiste « adopte la position britannique de faire peur aux agriculteurs et de leur faire croire que tout ira bien si on se débarrasse de l’Europe ». Il rappelle les difficultés auxquelles seront confrontés les agriculteurs britanniques après 2020. Suite au Brexit, ils ne toucheront plus d’aides de la PAC à cette date. Néanmoins, Hogan affirme que l’Europe doit réformer et simplifier la PAC.
En affirmant vouloir que « le budget de la PAC soit préservé, mais que son fonctionnement soit rénové », Emmanuel Macron se place sur la même ligne que Phil Hogan. François Fillon surenchérit en disant que « l’agriculture est une priorité nationale et européenne ». Pour Benoît Hamon, il n’est pas question d’abandonner la PAC, mais simplement de la rendre plus « verte ». Du côté des agriculteurs, se passer de l’Union européenne semble difficile. « Au niveau agricole, malheureusement, l’Europe on en a besoin », ont répondu deux producteurs à Marine Le Pen.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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