Après dix ans de travaux, le Groupement d’Intérêt Scientifique sur les sols, le Gis Sol, dresse le premier bilan scientifiquement quantifié de l’état des sols de France métropolitaine et d’Outre-mer. Présentation.
Les sols constituent une ressource naturelle non renouvelable. Leurs usages et leur devenir représentent un enjeu collectif majeur, tant pour les activités agricoles ou sylvicoles que pour la préservation de la qualité de notre environnement.
Ce rapport fournit aux citoyens et à tous les acteurs de l’environnement les clés pour comprendre les fonctions des sols, les services qu’ils rendent et les pressions qu’ils subissent. Il établit un diagnostic de leur état chimique, biologique et physique. Il en souligne les points positifs et met en évidence les principales inquiétudes.
Les sols font partie intégrante de nos paysages, mais leur présence est le plus souvent occultée par les forêts, les cultures, les habitations ou les infrastructures qui les recouvrent. Souvent considérés comme un simple support, ils restent assez largement méconnus. Les sols sont en réalité au cœur de grands enjeux planétaires comme la sécurité alimentaire, le changement climatique, la disponibilité en eau de qualité, la production de bioénergie ou la biodiversité. La connaissance de leur état et de leur évolution possible est donc primordiale dans un contexte de développement et de gestion durables.
Des points positifs : des teneurs faibles pour la majorité des contaminants, une bonne gestion de certaines propriétés des sols
Malgré l’identification de contaminations avérées (plomb, cadmium), la grande majorité des sols de France présente des teneurs en éléments traces métalliques plutôt faibles. Parmi les nombreux polluants organiques analysés, beaucoup ne sont pas – ou ne sont que très rarement – observés dans les sols. Si certains peuvent poser de réels problèmes sanitaires, la plupart d’entre eux ne présente qu’un risque minime de transfert dans la chaîne alimentaire.
L’état des réserves minérales dans les sols est un bon indicateur de leur aptitude à fournir les minéraux nécessaires à la croissance et au développement des plantes. Les sols agricoles ne présentent pas d’évolution mesurable de leur acidité, ce qui indique une bonne gestion à l’échelle nationale. Ils ne montrent pas non plus de baisse mesurable de leurs teneurs en potassium, malgré une diminution importante des apports minéraux externes.
L’analyse réalisée sur l’ADN microbien des sols, tant en quantité qu’en biodiversité, montre qu’aucun sol ne paraît stérilisé. Ces micro-organismes représentent un potentiel considérable pour une gestion plus écologique des sols et de la production agricole.
Des inquiétudes sur certains contaminants et le maintien des sols
En position d’interface dans l’environnement, les sols sont susceptibles de recevoir ou d’émettre des contaminants potentiellement préjudiciables à la santé humaine. Certains contaminants sont présents dans les échantillons de sols de tous les sites analysés, même dans ceux où ils n’ont manifestement jamais été épandus : les exemples types concernent le DDT et le lindane, deux insecticides interdits en Europe mais fortement rémanents. Un autre exemple de contamination avérée par un polluant organique particulièrement persistant et préoccupant est le cas de la chlordécone dans les sols de bananeraies des Antilles.
Reliées à des phénomènes de contamination diffuse, les distributions géographiques de certains éléments traces métalliques (plomb, cadmium) sont également étonnantes : ces contaminations dépassent le seul secteur des zones urbaines et industrielles pour gagner des auréoles plus larges comme en région parisienne et dans le Nord-Pas-de-Calais.
Au plan de la fertilité chimique, le rapport fait état de teneurs en phosphore relativement faibles pour de nombreux sols ; à long terme la question de la durabilité du système agricole actuel reste donc posée. A l’inverse, l’augmentation des teneurs en phosphore des sols dans les régions d’élevage concentré, reste très préoccupante en raison de son impact sur la qualité des eaux et sur l’eutrophisation des milieux. Cette juxtaposition de situations d’excédents et d’insuffisances potentielles soulève la question d’une meilleure valorisation des effluents d’élevage pour corriger les unes et les autres.
Une inquiétude majeure concerne la progression de l’artificialisation des sols qui s’est accélérée durant la dernière décennie (elle concerne 8,9 % des sols en 2010), au détriment des sols agricoles. De ce point de vue, la gestion des sols périurbains est un enjeu important. L’érosion des sols est également menaçante car susceptible de remettre en cause la durabilité à long terme de certains agro-écosystèmes. Elle pourrait en outre s’accélérer sous l’effet du changement climatique.
Des connaissances à acquérir
Si la connaissance de l’état des sols de France a considérablement progressé grâce à ces travaux, de nombreuses incertitudes et interrogations dues à un manque de connaissances subsistent encore. Elles portent par exemple sur le stockage du carbone et son devenir sous l’effet du changement climatique, sur l’évolution de la biodiversité ou celle de l’état physique des sols (évolution du tassement des sols agricoles et forestiers par exemple).
Ce bilan souligne le besoin d’une politique de gestion durable des sols. Au-delà du diagnostic national, l’amélioration et le maintien de la qualité des sols nécessitent des réponses plus locales par les acteurs concernés. A ce titre, les opérations régionales d’inventaire cartographique des sols, en voie d’achèvement, devraient constituer des outils précieux d’aide à la décision pour une gestion des sols garantissant le maintien de leur multifonctionnalité.
Source : INRA
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