Patricia Yang est une post-doctorante de l’institut de technologie de Géorgie avec une drôle de spécialité scientifique : l’ingénierie mécanique des fluides corporels (sang, flux alimentaires, urine…). Du coup, ses recherches sont régulièrement sous le feu des projecteurs. Eh oui, comment résister à un titre « pipi caca » ?
Après avoir obtenu l’Ig Nobel de physique* en 2015 pour des recherches sur le temps d’urinement comparé des mammifères (qui soit dit en passant est de 21 secondes à 13 secondes près pour tous ceux pesant plus de 3kg…), elle vient une fois de plus de s’attirer l’intérêt de la communauté scientifico-médiatique mondiale pour ses explications sur les raisons de la forme cubique des selles des wombats. Ces petits marsupiaux australiens si particuliers qui sont les seuls animaux connus à faire des cacas carrés !
C’est lors d’une conférence, tout ce qu’il y a de plus sérieux, d’un congrès de l’American Physical Society consacrée à la dynamique des fluides que Patricia Yang a présenté ses avancées en la matière, le 18 novembre dernier.
Une rareté biologique
Faire des crottes cubiques semble a priori assez contre-nature. Les scientifiques, depuis plusieurs années, se sont donc interrogés sur ce phénomène unique en émettant plusieurs hypothèses :
- l’intestin et/ou l’anus de l’animal sont cubiques ;
- c’est plus pratique pour empiler les crottes qui ainsi forment des pyramides plus hautes et marquent mieux le territoire des wombats ;
- le milieu très aride dans lequel ils vivent poussent leur organisme à assécher au maximum les selles.
La troisième hypothèse a le plus de crédibilité, d’autant que les wombats en captivité, où le milieu est moins sec, sont plus sphériques. Pour en avoir le cœur net, Patricia Yang et ses collègues ont décidé d’aller voir au plus profond des entrailles de ces animaux. Ils ont donc disséqués deux animaux morts accidentellement (percutés par des voitures) en Tasmanie.
Résultat : non, leur système digestif n’est pas cubique mais il présente des particularités par rapport à un intestin de cochon.
Une question d’élasticité
Les chercheurs ont comparé l’élasticité des intestins des wombats avec ceux des cochons. Pour ce faire, ils ont gonflé les intestins avec un très long ballon. Alors que l’intestin de cochon s’est révélé uniformément élastique, celui du wombat comportait des sections différenciées avec des variations notables de pression de la paroi intestinale dans les derniers 8 % de l’intestin, là où les selles sont asséchées et prennent leur forme de cube d’environ 2cm de côté. Les chercheurs expliquent « que la pression intestinale varie de 20 % au niveau des coins du cube à 75 % sur les arêtes », précisant que l’intestin s’étend préférentiellement sur ce qui deviendra les parois des cubes d’excrément.
Ces travaux, non seulement éclairent les raisons de la forme unique des selles des wombat mais pourraient aussi ouvrir un nouveau champ de recherches technologiques. En effet, précisent les chercheurs, les objets de formes cubiques sont aujourd’hui fabriqués par extrusion et coupe ou par moulage, les intestins des wombats montrent que l’on peut fabriquer des objets cubiques, ou asymétriques à partir de tissus mous. Reste juste à trouver des applications…
Sophie Hoguin
*Parodie des prix Nobel récompensant les recherches scientifiques les plus insolites.
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