Le 24 avril, le Conseil d’administration du groupe LafargeHolcim a reconnu sa responsabilité dans les accusations de financements illégaux en Syrie. Son Directeur général Eric Olsen a été remercié.
La cimenterie de Jalabiya, à 150 km au nord-est d’Alep a été inaugurée en 2010 et abandonnée en septembre 2014, une fois aux mains des terroristes. LafargeHolcim avait confié une enquête indépendante à deux cabinets d’avocats pour répondre aux accusations révélées par le journal Le Monde en juin 2016. Après avoir nié les faits dans un premier temps, le Conseil d’administration avait reconnu le 2 mars dernier que « rétrospectivement, les mesures prises pour poursuivre les activités de l’usine étaient inacceptables ».
Aujourd’hui, le Conseil d’administration reprend ces termes et ajoute que « bien que ces mesures aient été prises à l’initiative la direction locale et régionale, certains membres de la direction du Groupe ont eu connaissance de situations indiquant des violations du code de conduite des affaires de Lafarge ». Néanmoins, il blanchit Eric Olsen, actuel Directeur général depuis la fusion de Lafarge et du suisse Holcim en septembre 2015. Ce dernier a toutefois remis sa démission tout en précisant qu’il n’était « en aucune manière impliqué, ni même informé d’actes répréhensibles ». Il espère que son départ prévu le 15 juillet prochain apaisera les « fortes tensions ».
Lorsque Lafarge finance les groupes armés en Syrie
Le journal Le Monde avait révélé que Lafarge « a payé des taxes à l’organisation Etat islamique entre 2013 et 2014, afin de continuer à fonctionner pendant la guerre ». Il s’est acquitté de « droits de passage aux checkpoints tenus par les djihadistes pour ses camions » et a acheté du pétrole auprès de négociants « dont les champs étaient tenus par l’EI ». LafargeHolcim précise désormais que ces « arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés, dont des tiers visés par des sanctions » avait pour but de « maintenir l’activité et d’assurer un passage sûr des employés et des approvisionnements vers, et, depuis l’usine ». Les responsables des opérations en Syrie pensaient agir « dans le meilleur intérêt de l’entreprise et de ses employés ». Le Conseil d’administration estime que ces mesures relèvent d’ « erreurs de jugement significatives ».
Le groupe précise qu’il ne s’est pas enrichi durant cette période, les activités en Syrie fonctionnant à perte. Son communiqué veut rassurer les actionnaires : « rien n’indique que les allégations dont il a été fait état sont susceptibles d’avoir un impact financier négatif significatif sur le Groupe ». Pour éviter que cette situation se reproduise, le groupe a notamment annoncé la création d’un nouveau Comité Éthique, Intégrité et Risques, supervisé par un membre du Comité exécutif.
Plusieurs plaintes déposées
Lafarge ne devrait pas s’en sortir si facilement. L’entreprise devra répondre de ses actes devant la justice. Une plainte a été déposée contre le groupe par l’ONG Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR). Une autre par le ministre de l’Economie Michel Sapin. Les accusations portent notamment sur le financement du terrorisme, complicité de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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