Selon Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, « ramener le débat énergétique à la seule question du nucléaire est très réducteur, alors que la question majeure est celle du mix énergétique et de ses impacts environnementaux et économiques. »
Le débat actuel crispe les positions sur deux visions manichéennes : sortir en quelques années d’une filière nucléaire désormais vouée aux gémonies ou rester accroché ad vitam aeternam à un modèle monolithique du siècle passé.
Entre ces choix extrêmes, nous pourrions suivre des chemins médians plus crédibles, plus souhaitables, et permettant de conserver la possibilité de faire de vrais choix à l’horizon 2030. Mais pour rédiger une feuille de route ambitieuse et réaliste, encore faut-il revenir sur la longue liste des préjugés qui entourent les énergies renouvelables. Comme le nucléaire, les énergies renouvelables sont prisonnières d’une logique du tout ou rien nourrie par les intégristes des différentes chapelles. La réalité est plus complexe et se prête mal aux choix guidés par l’idéologie.
La réflexion sur notre avenir énergétique doit être précise et rationnelle. Les bénéfices attendus constituent le cahier des charges que le bouquet énergétique devra remplir. Nous devons donner la priorité à quatre préalables pour construire un mix énergétique performant :
- Garantir un taux élevé d’indépendance énergétique et un haut niveau de sécurité d’approvisionnement ;
- Prémunir tous les consommateurs de fortes hausses de prix ;
- Préserver l’environnement par le développement de productions propres et sûres dont les risques sont maîtrisés ;
- Assurer la sûreté du système énergétique et garantir l’équilibre entre l’offre et la demande.
Les énergies renouvelables peuvent relever en partie ce défi, même si elles ne répondront pas seules, à court terme, à ces exigences, dans la mesure où :
- Elles sont produites localement et peu sujettes à une quelconque tension géopolitique ;
- Leurs coûts diminuent avec leur développement et leur exploitation. C’est le principe des systèmes aux coûts d’investissement élevés et aux coûts d’exploitation faibles. Elles suivent une courbe d’apprentissage inverse de celle des énergies conventionnelles dont le coût ne cesse d’augmenter ;
- Les énergies renouvelables ne produisent ni CO2 ni déchet. Leur réversibilité est avérée. Quoi de plus simple que de démonter un parc éolien ou solaire ? ;
- Leur intermittence est gérable, selon le réseau de transport d’électricité, d’autant que des progrès dans le domaine du stockage et des réseaux intelligents sont déjà une réalité ;
- Les équipements domestiques utilisant une source de chaleur renouvelable, chauffage au bois, chauffage solaire ou pompe à chaleur performante diminuent, en hiver, l’appel de puissance et réduisent les importations d’électricité.
Ne considérons pas avec arrogance les pays qui ont déjà fait le choix de s’engager dans la voie des renouvelables, mais tirons-en des leçons des retours d’expérience. J’ajouterai que le développement d’un mix énergétique performant doit contribuer à la réindustrialisation de notre pays, à l’heure où, quels que soient les choix énergétiques qui seront faits, nous devrons investir dans le renouvellement des outils de production. Le décrochage industriel, souligné par Patrick Artus dans son dernier ouvrage, ne fait plus débat. Il est urgent de construire de nouvelles filières industrielles. Les énergies renouvelables nous offrent cette opportunité. Avec déjà 100 000 emplois, et des projections à 250 000 emplois en 2020, elles répondent à cet enjeu et entrent dans la catégorie des filières industrielles d’avenir. Ce sont des filières technologiques où PMI et grands groupes peuvent jouer un rôle majeur sur les produits haut de gamme.
Elevons le débat pour que nous puissions jouir des bénéfices de ces énergies. La guerre de religion à laquelle se livrent les pourfendeurs des renouvelables d’un côté et du nucléaire de l’autre ne permet ni de convaincre nos concitoyens ni d’arbitrer de façon sensée un choix de société qui nous engagera pour plusieurs décennies. Nous devons construire un nouveau modèle énergétique, basé sur une consommation rationnelle, dans une Europe exemplaire dans la préservation du climat. C’est autour de cet enjeu que le débat doit s’articuler.
Par Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables
(Source : Le Monde)
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