Jean-Luc Fugit, député LREM du Rhône, vient de présenter « L'agriculture face au défi de la production d'énergie », un rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST*), rédigé avec le sénateur de l’Aude, Roland Courteau (Soc). Ce rapport a été voté à l’unanimité, insiste Jean-Luc Fugit.
Le document rappelle tout d’abord : « À la croisée des enjeux climatiques et énergétiques, l’agriculture doit relever les défis de la production végétale et animale indispensable pour notre alimentation, de la moindre émission de gaz à effet de serre, du stockage du carbone dans les sols, du maintien voire de la reconquête de la biodiversité, de la récupération des déchets mais aussi de la production d’énergies renouvelables. L’agriculture permet de mobiliser des terres et des matières premières nécessaires à la production d’électricité, de gaz, ou de carburants. »
Les rapporteurs énoncent 20 propositions pour développer la production d’énergie dans le secteur agricole ; un secteur qui représente déjà environ 20 % de la production renouvelable en France répartis sur quelque 50 000 exploitations, soit 3,5 % de la production nationale d’énergie. Certaines énergies sont davantage produites dans le secteur agricole : 96 % de la production nationale de biocarburants, 83 % pour l’éolien, 26 % pour le biogaz, 13 % pour le solaire photovoltaïque et 8 % pour la biomasse (bois, déchets, etc.) productrice de chaleur.
Des mesures sectorielles
L’OPECST énonce 11 propositions d’ordre sectoriel. D’abord (5 propositions sur les onze), les parlementaires jugent qu’il faut développer de manière prioritaire la méthanisation (fabrication de méthane à partir de déchets organiques) et la coupler le plus souvent possible à la méthanation (fabrication de méthane, en associant hydrogène et CO2). Il est donc nécessaire d’accroître les ambitions « trop modestes » de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sur le biogaz. Il faut en outre défendre le droit à l’injection du biogaz dans le réseau national. En parallèle, les parlementaires réclament une traçabilité des intrants, notamment pour la bonne qualité des digestats (pour l’épandage), ainsi qu’un suivi régulier de ces installations. Enfin, l’OPECST souligne la nécessité de réduire les fuites indésirables lors du process.
Parmi les autres mesures sectorielles, deux intéressent le stockage. L’OPECST estime que le stockage constitue le seul moyen de résoudre les problèmes d’intermittence des filières photovoltaïque et éolienne. Par ailleurs, l’OPECST juge qu’il faut développer les technologies et les infrastructures de stockage d’énergie via le « power-to-gas », notamment en produisant plus particulièrement de l’hydrogène voire du méthane de synthèse. Reste qu’il faut que ceux-ci soient issus de sources d’énergie renouvelable, voire du nucléaire, option que n’exclut pas l’Office parlementaire, car bas-carbone, a indiqué Jean-Luc Fugit.
En matière d’électricité, l’Office propose de « rehausser les limites des travaux de renforcement prévus par le compte d’affectation spéciale (CAS), nommé Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé). »
Le rapport mise par ailleurs, pour le solaire, sur l’agrivoltaïsme. Rappelant que l’agriculture représentait, en 2015 quelque 13% de la production PV (photovoltaïque) du pays, le rapporteur indique en effet que ce type de déploiement du PV ne va pas à l’encontre de la consommation de terres de qualité (première proposition du rapport), limitant ainsi l’artificialisation des sols.
Il permet en outre de mettre l’accent sur l’innovation. Le rapporteur juge ainsi que les seuils proposés lors des appels d’offres pourraient être relevés en la matière.
Côté biocarburants, l’Office signale qu’il faut passer aux technologies innovantes, notamment pour l’aéronautique, en prenant en compte le retour d’expérience de la première génération de biocarburants.
Enfin, l’OPECST s’interroge sur le bien-fondé de continuer à soutenir autant l’éolien terrestre.
Ces mesures impliquent de redéployer les soutiens aux différentes filières, signale Jean-Luc Fugit, par exemple en « donnant » moins pour l’éolien terrestre alors que la R&D, l’agrivoltaïsme et la méthanisation nécessitent plus d’aides.
Neuf propositions d’ordre général
Au titre des mesures d’ordre général, le rapporteur a souligné d’abord la nécessité de concilier la production destinée à l’alimentation et l’artificialisation des sols avec les besoins énergétiques. Ensuite, l’OPECST estime qu’il faut clarifier la stratégie de développement énergétique dans le monde agricole et avoir une meilleure cohérence des politiques, avec un renforcement du rôle du parlement, notamment au moment de la deuxième période de la Programmation pluriannuelle des investissements (PPE), en 2023. Il faut plus de « transversalité », estime le rapporteur, entre les différents ministères concernés (Transition écologique, Agriculture et Economie), évoquant la possibilité de travailler en « mode projet ». Troisième point évoqué, la nécessité d’un soutien plus fort à la recherche en la matière. Ensuite, « il faut des données quantitatives, avec une approche cycle de vie (ACV) » insiste le rapporteur. La cinquième proposition vise à mettre en avant des circuits courts dans l’énergie, à l’image de ce qui se fait dans d’autres domaines ; ce qui impliquerait d’adapter les tarifs réglementés, insiste Jean-Luc Fugit. Puis, il faudrait déployer un projet de territoire, afin de concilier les différents acteurs. Et de demander, en outre, une « démarche de certification », en mettant en avant un « label agroénergie », par exemple. Egalement, il est nécessaire, estime l’OPECST, de disposer d’une offre de formation ad hoc pour répondre à l’enjeu. Et enfin, une réforme du foncier agricole doit pouvoir être envisagée d’ici à la fin du quinquennat.
*L’OPECST est composé de 18 députés et de 18 sénateurs. Son président est le sénateur de la Meuse, Gérard Longuet (LR), et le vice-président est le député de l’Essonne, Cédric Villani.
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