« Aujourd’hui, je suis de plus en plus optimiste quant à l’avenir de l’énergie propre dans le monde, malgré les graves défis auxquels nous sommes confrontés. La PTE-2020 montre que nous savons ce qu’il faut faire pour développer et déployer les technologies qui peuvent placer les émissions sur une voie durable », indique Fatih Birol, le directeur général de l’AIE dans l’introduction du rapport.
Le rapport de l’AIE sur les nouvelles technologies de l’énergie insiste : « Pour parvenir à des émissions nettes nulles, il faut transformer radicalement la manière dont nous fournissons, transformons et utilisons l’énergie. La croissance rapide de l’éolien, du solaire et des véhicules électriques a montré le potentiel des nouvelles technologies d’énergie propre pour réduire les émissions ».
Néanmoins, « l’objectif d’émissions nettes zéro nécessitera le déploiement de ces technologies à une bien plus grande échelle, parallèlement au développement et au déploiement massif de nombreuses autres solutions d’énergie propre qui en sont actuellement à un stade de développement plus précoce, telles que les nombreuses applications de l’hydrogène et du captage du carbone. »
L’AIE présente un scénario « développement durable » qui permet d’atteindre ces objectifs pour le système énergétique à l’horizon 2070, soit 20 ans après les objectifs 2050 visés par l’accord de Paris. Mais elle passe également en revue quelque 800 options technologiques afin de voir ce qu’il faudrait faire pour atteindre cet objectif dès 2050.
L’électricité à la rescousse
« L’extension de l’utilisation de l’électricité à un plus grand nombre de secteurs de l’économie est le facteur qui contribue le plus à l’obtention d’émissions nettes nulles », rapporte l’AIE. Cependant, la transformation du seul secteur de l’électricité ne permettrait au monde de parcourir qu’un tiers du chemin vers des émissions nettes zéro.
Ce n’est pas sans enjeux, puisque dans le scénario de développement durable, « la demande finale d’électricité fait plus que doubler » pour répondre aux usages : alimenter les voitures, les bus et les camions, produire des métaux recyclés et fournir de la chaleur à l’industrie, et fournir l’énergie nécessaire au chauffage, à la cuisson et aux autres appareils dans les bâtiments, insiste le rapport.
En outre, pour atteindre des émissions nettes nulles en 2050, il faudrait déployer beaucoup plus rapidement la production d’électricité à faible teneur en carbone. Dans le scénario « d’innovation accélérée », la production d’électricité serait environ 2,5 fois plus élevée en 2050 qu’aujourd’hui, soit un taux de croissance équivalent à l’ajout de l’ensemble du secteur électrique américain tous les trois ans. Les ajouts annuels de capacité d’électricité renouvelable, quant à eux, devraient être, en moyenne, quatre fois supérieurs au record actuel, qui a été atteint en 2019.
Mais l’électricité ne peut tout seule
L’électricité seule ne pourra cependant pas répondre à tous les enjeux. Ainsi, l’AIE juge que l’hydrogène doit permettre d’étendre la portée de l’électricité. Là encore, avec une montée en puissance des besoins. « Une grande quantité de production supplémentaire est nécessaire pour l’hydrogène à faible teneur en carbone. La capacité mondiale des électrolyseurs, qui produisent de l’hydrogène à partir de l’eau et de l’électricité, passe de 0,2 GW aujourd’hui à 3 300 GW dans le scénario de développement durable ». Et pour atteindre le niveau nécessaire pour aboutir à des émissions nettes nulles, ces électrolyseurs consommeraient deux fois la quantité d’électricité que la République populaire de Chine produit aujourd’hui…
Développer le CCS et les bioénergies
L’AIE revient ainsi à la charge sur le captage et stockage du carbone (CCS) et les bioénergies qui doivent pouvoir jouer des rôles multiples. « Le captage des émissions de CO2 en vue de les utiliser de manière durable ou de les stocker est une technologie cruciale pour atteindre des émissions nettes nulles », insiste l’agence de l’OCDE.
« Dans le scénario de développement durable, le CCS est utilisé pour la production de carburants synthétiques à faible teneur en carbone et pour éliminer le CO2 de l’atmosphère. Elle est également essentielle pour produire une partie de l’hydrogène à faible teneur en carbone nécessaire pour atteindre des émissions nettes nulles, principalement dans les régions disposant de ressources en gaz naturel à faible coût et d’un stockage de CO2 disponible. », rappelle le rapport.
En outre, il faut dans le même temps multiplier par trois par rapport aux niveaux actuels le recours aux bioénergies modernes, à la fois pour remplacer directement les combustibles fossiles (biocarburants pour le transport) ou pour compenser indirectement les émissions par son utilisation combinée avec le CCS.
In fine, indique l’AIE, alors que « la sécurité du système énergétique mondial actuel repose en grande partie sur la maturité des marchés mondiaux des trois principaux combustibles – charbon, pétrole et gaz naturel – qui représentent ensemble environ 70 % de la demande énergétique finale mondiale », demain « l’électricité, l’hydrogène, les combustibles synthétiques et la bioénergie » doivent représenter une part de la demande similaire à celle des combustibles fossiles dans le scénario de développement durable.
Rôle des gouvernements
« Le succès spectaculaire de l’énergie solaire photovoltaïque, qui est devenue la source d’énergie la moins chère dans de nombreuses économies, et l’essor impressionnant de l’éolien en mer démontrent la capacité des technologies énergétiques propres à percer si les gouvernements mettent en place les politiques adéquates pour soutenir leur expansion », insiste le directeur générale de l’agence de l’OCDE.
Si les marchés sont essentiels pour mobiliser des capitaux et catalyser l’innovation, ils ne permettront pas à eux seuls d’atteindre un niveau d’émissions nettes zéro, martèle le rapport NTE 2020. Les gouvernements ont un rôle énorme à jouer dans le soutien des transitions vers des émissions nettes zéro. Et l’AIE d’estimer que « pour être efficaces, les outils politiques doivent porter sur cinq domaines essentiels : s’attaquer aux émissions des actifs existants ; renforcer les marchés des technologies à un stade précoce de leur adoption ; développer et mettre à niveau les infrastructures qui permettent le déploiement des technologies ; renforcer le soutien à la recherche, au développement et à la démonstration et enfin développer la collaboration technologique internationale ».
Optimiste, Fatih Birol signale que « de plus en plus de gouvernements dans le monde entier soutiennent les technologies énergétiques propres dans le cadre de leurs plans de relance économique en réponse à la crise Covid-19, comme l’ont clairement indiqué les 40 ministres qui ont participé au sommet de l’AIE sur les transitions en matière d’énergie propre le 9 juillet 2020. »
Cet article se trouve dans le dossier :
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