Comment aller plus loin dans sa démarche artistique et donner au spectateur un angle nouveau sur l’œuvre ? Comment apporter du neuf dans la manière d’exposer son œuvre, quand finalement toutes les galeries finissent par se ressembler ? Si la réponse ne se trouve pas au sol, elle se trouve peut-être dans le ciel. C’est ce qu’a pensé Jisbar. Ce jeune artiste peintre parisien de 30 ans a voulu repousser les limites de sa création artistique en envoyant sa version de la Joconde dans l’espace. Le jeune homme a réalisé sa performance le 11 décembre dernier, en voulant rendre hommage à Léonard de Vinci. Le voyage s’est fait à bord d’une nacelle en carbone, spécialement conçue pour l’occasion, et équipée d’un ballon propulsé à l’hélium.
Rebaptisée pour l’occasion « Punk Mona », l’égérie du maître italien a effectué un voyage de trois heures, en direction de l’espace. C’est ainsi que cette Joconde s’est envolée depuis une base de lancement spatiale à Sheffield en Angleterre. Après une phase d’ascension d’une heure, l’œuvre est restée en orbite durant environ une heure et demie, avant de revenir sur Terre. «Mon tableau s’est élevé à 33,4 kilomètres au-dessus du sol, à peine moins que Félix Baumgartner» s’enorgueillit le jeune artiste. En 2012, l’Autrichien avait effectivement réalisé un saut en parachute depuis l’espace, à pratiquement 39 kilomètres d’altitude.
Ingénieurs et météorologues mis en œuvre
«Le lieu d’exposition influe sur la perception d’une œuvre. Et après deux années de tournée mondiale, je commençais à trouver le classique mur blanc de la galerie assez répétitif» confie Jisbar, pour expliquer la genèse de son projet. C’est ainsi qu’est né le projet spatial, appelé «First painting in space». Lors d’un séjour à Bangkok, Kostar, un ami également artiste, a proposé à Jisbar de l’aider à réaliser son projet d’exposition spatiale en le mettant en relation avec la société aérospatiale Sent into space. Cette dernière, spécialisée dans l’envoi d’objets dans l’espace, lui a permis de mettre en orbite sa version miniature de la Joconde, pour environ 10 000€. Pendant six mois, dix-sept personnes ont été mobilisées pour mener à bien ce projet.
Ainsi, ingénieurs, techniciens et météorologues se sont réunis autour de l’artiste pour répondre aux exigences techniques du défi. «En temps normal, la firme britannique est habituée à mettre en orbite des objets comme des smartphones ou des casques, pas des tableaux. Là, le défi était plus difficile, car l’objet plus fragile» déclare l’artiste. Ainsi, toute l’équipe s’est attelée à trouver des solutions pour que le voyage de Mona Lisa ne soit pas stoppé net à cause des conditions climatiques extrêmes. Pour cela, au lieu de travailler sur une classique toile en lin, Jisbar a réalisé sa production sur un support en bois.
De nombreux défis techniques
Les peintures et pastels ont, eux aussi, dû être adaptés. L’artiste a remplacé ses pastels secs par des huiles en stick habituellement utilisées en sidérurgie pour faire du marquage industriel. «L’intérêt majeur de ces huiles est qu’elles résistent à des températures extrêmes, comprises entre -200°F et +392°F, (entre -128°C et 200°C, NDLR)» justifie Jisbar. La peinture a, quant à elle, été boostée par l’ajout d’un liant en vinyle, pour lui permettre de résister à des vents puissants. «La peinture, c’est un pigment et un liant. Cependant les liants qui composent généralement la peinture acrylique n’auraient pas résisté, c’est pourquoi j’ai dû ajouter ce vinyle.»
Autre contrainte : il ne fallait pas que l’objet pèse plus d’un kilogramme. C’est pourquoi Jisbar a dû revoir les dimensions de son tableau. «Je suis habitué à travailler sur des toiles de 1,5x2m ; là le support en bois mesurait 40x30cm. Avec le cadre en bois creusé, l’objet pesait 821 grammes». Une fois achevé, le tableau a été solidifié à l’arrière avec du gaffeur et des cordelettes. La firme Sent into space a ajouté des accroche-nacelles en carbone. En définitive, l’opération s’est parfaitement déroulée. Après ce séjour en orbite, la Punk Mona a rejoint le sol sans le moindre accroc.
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