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Pompes à chaleur : le marché en quête d’un nouveau souffle

Posté le 20 mai 2024
par Matthieu Combe
dans Énergie

En septembre 2023, le gouvernement annonçait sa volonté de produire 1 million de pompes à chaleur chaque année en France d’ici 2027. Le 16 avril 2024, Bruno Le Maire présentait son plan d’action pour atteindre cet objectif. Cela suffira-t-il à donner un nouveau souffle au marché, en berne depuis 2023 ?

En 2022, les ventes de pompes à chaleur (PAC) continuaient de décoller en France et en Europe. Sur l’année, 2,77 millions d’unités ont été vendues en Europe, 621 780 en France. Mais l’année 2023 a été plus morose. « La baisse de 5 %, passant de 2,77 millions d’unités vendues en 2022 à 2,64 millions en 2023, inverse une décennie de croissance », met en garde l’Association européenne des pompes à chaleur (EHPA).

Plus en détail, la France représente actuellement le premier marché européen pour les pompes à chaleur (610 830 ventes en 2023, – 2 %), devant l’Allemagne (438 800 ventes en 2023, + 59 %), l’Italie (343 800, – 33 %), l’Espagne (209 680, + 13 %) et la Suède (195 550, – 9 %). Les ventes se portent particulièrement bien en Allemagne, grâce à une politique de soutien très poussée.

L’Europe s’est engagée à installer 30 millions de PAC d’ici à 2030 dans le cadre du plan REPowerEU. En France, le gouvernement a annoncé en septembre 2023, sa volonté de produire 1 million de pompes à chaleur en France par an d’ici 2027. Cet objectif suppose de tripler le niveau de production actuel. Le 16 avril dernier, Bruno Le Maire présentait son plan d’action pour atteindre cet objectif. Malgré la monotonie ambiante, le plan compte bien atteindre ses objectifs.

Le marché des pompes à chaleur en berne

En début d’année, l’EHPA soulignait l’importance des soutiens publics pour assurer leur compétitivité dans le contexte énergétique actuel. Pour expliquer ce recul dans la plupart des pays européens, l’EHPA accusait en premier lieu l’évolution des politiques et des subventions gouvernementales, avec des signaux contradictoires pour les particuliers. Elle demandait à l’Europe de finaliser son plan d’action pour les pompes à chaleur avant les élections de juin 2024. Cela ne sera pas le cas.

Après une analyse menée dans 16 marchés européens, l’association relève deux causes complémentaires : « le gaz bon marché et les prêts bancaires coûteux ». Le prix du gaz a eu tendance à baisser, lorsque l’électricité a eu tendance à rester plus élevée. « C’est le cas en Pologne, par exemple, où l’électricité est maintenant quatre fois plus chère que le gaz, sans clarté sur les niveaux futurs de prix de l’électricité, tandis que les prix du gaz sont “gelés” par le gouvernement, souligne l’EHPA. La Slovaquie, où les prix de l’électricité sont trois fois plus élevés que ceux du gaz, vit une expérience similaire. »

En Finlande et en France, le ralentissement est dû à la baisse des nouveaux projets de logements causée par les taux d’intérêt élevés. En Espagne, le taux de rénovation a ralenti et les chaudières à gaz ne sont donc plus remplacées par des pompes à chaleur.

« Des politiques européennes et nationales favorables et stables sont cruciales », commente Jozefien Vanbecelaere, responsable des affaires de l’UE à l’EHPA. L’association appelle à jouer sur la fiscalité pour réduire la différence de prix entre le gaz et l’électricité et supprimer progressivement les subventions aux énergies fossiles.

Un plan pour booster le marché national

Le plan d’action présenté par Bruno Le Maire compte créer 45 000 emplois, dont 30 000 installateurs. Il vise notamment à soutenir la création d’usines de production en France, via un crédit d’impôt. Le gouvernement entend aussi mettre en place dès 2025 une « écoconditionnalité » sur les aides aux PAC, pour privilégier les installations de « pompes à chaleur produites sur notre territoire national et européen », prévient le ministre de l’Économie.

« Nous allons contrôler au minimum une pompe à chaleur installée sur deux, en appelant ou en allant voir les consommateurs » a également annoncé Bruno Le Maire. Philippe Notargiacomo, président de HomeServe Energies Services, division dédiée au confort thermique et la performance énergétique du groupe HomeServe, s’interroge sur la faisabilité de cette mesure sans plan de formation massif. « Pour remplir cet ambitieux objectif, la France a besoin de bras formés à ces technologies. La formation des installateurs ne peut plus attendre, elle doit être accessible et massifiée », souligne-t-il.

Toute la question désormais est de savoir si ce plan sera suffisant pour contrer la tendance baissière. PhilippeNotargiacomo l’espère, mais n’en est pas convaincu. « Bien que ce plan soit louable dans son intention, les mesures évoquées soulèvent cependant des questions de fond : cette énième modification des critères ne risque-t-elle pas de renforcer l’illisibilité et le blocage du marché ? L’heure doit être à la simplification, à la clarification et à la stabilité des règles pour lui donner un nouveau souffle ! »


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