La pompe à chaleur sera-t-elle la technologie incontournable du XXIe siècle ? Son utilisation est déjà promue par les acteurs de la transition énergétique pour les besoins de chauffage et d’eau chaude dans les bâtiments résidentiels et tertiaires. Dans l’industrie, son intérêt est tout aussi important : les rendements élevés des pompes à chaleur et leur capacité à « prélever » de l’énergie sans épuiser de ressource naturelle en font un allié de choix pour décarboner les activités industrielles. Le cycle thermodynamique de ces machines permet en effet de « piocher » des calories dans l’environnement (air, sol ou liquide) et les faire monter en température pour un usage dédié. « L’intérêt des pompes à chaleur sera d’autant plus grand pour un industriel que le niveau de température sera élevé, typiquement au-delà de 100°C pour alimenter certains process en air chaud, vapeur, ou eau surchauffée. Nous avons lancé un état de l’art en 2021 afin de lister les technologies existantes ou en cours de développement, et les points d’attention sur ce marché encore émergent », explique Eliéta Carlu, directrice de l’Alliance ALLICE.
Être vigilant sur les COP et les fluides frigorigènes
Le premier constat du rapport publié par ALLICE mi-octobre sur les pompes à chaleur très haute température (PAC THT) est que le marché est dominé par la technologie à compression électrique. La petite dizaine de fabricants de PAC THT recensés dans le monde actuellement (Enertime, Kobe Steel, Ochsner, Hybrid Energy, Mayekawa, Engie, Combitherm, Oilon, Frigopol) met à disposition une quinzaine de machines de ce type. Le cycle thermodynamique est classique : compression, condensation, détente, évaporation. Le coefficient de performance (COP) de la machine est le rapport entre la chaleur fournie au condenseur (source chaude utilisable) et l’énergie électrique de compression. Souvent entre 2 et 4, le COP montre que la PAC restitue deux à quatre fois plus d’énergie que celle consommée pour la compression. « Néanmoins, les industriels ne doivent pas se contenter du COP seul. Ils doivent aussi savoir comment il évolue selon deux paramètres : la différence de température entre la source froide (captée à l’évaporateur) et la source chaude (diffusée au condenseur) ; et le taux de charge de la PAC, c’est-à-dire la capacité réellement utilisée par rapport à la puissance thermique maximale », détaille Lucille Payet, coordinatrice de projets collectifs chez ALLICE.
Une petite vingtaine de prototypes de PAC THT sont testés actuellement dans le monde (Chine, Japon, Allemagne, Suisse, Autriche, France, Espagne, Norvège, Corée du Sud, Pays-Bas) pour étendre leurs plages thermiques et leur efficacité. En France, EDF soutient plusieurs projets, dont Transpac qui utilise un fluide en état supercritique (un fluide chauffé au-delà de sa température critique et comprimé au-dessus de sa pression critique).
L’autre point d’attention concerne les fluides frigorigènes utilisés pour le cycle thermodynamique des PAC THT. Comme dans toutes les pompes à chaleur, il existe deux enjeux :
- leur pouvoir de réchauffement global (PRG) : ce sont des gaz à effet de serre et si les plus émetteurs d’entre eux ont été interdits par la réglementation F-Gas (n°517/2014), il faut privilégier les fluides à faible PRG ;
- leur inflammabilité et leur toxicité, au regard de la norme NF EN 378:2017.
Certains fluides de type HFC sont très pratiques mais gardent un PRG élevé (858 dans le cas du R245fa, fréquemment utilisé dans les PAC THT). D’autres fluides dits « naturels » comme le R717 (ammoniac), le R718 (eau) ou le R744 (CO2) ont un PRG très faible ou nul mais imposent des contraintes techniques d’exploitation (étages de compression successifs pour l’eau, pressions élevées pour le CO2, conception adéquate des compresseurs pour l’ammoniac à cause de pressions de refoulement importantes). Le R600 (butane) dispose d’un faible PRG de 4 et de bonnes caractéristiques thermodynamiques mais il est extrêmement inflammable. Chaque fabricant fait son choix avec toutes ces contraintes. De nouveaux fluides frigorigènes en cours d’essai semblent prometteurs dans la gamme des HCFO et des HFO.
Trois technologies alternatives
Trois autres technologies de PAC THT sont en cours de développement. La première est celle du transformateur de chaleur à absorption, où le couple de fluides (souvent bromure de lithium et eau) assure la compression par réaction chimique d’absorption / désorption. Il faut nécessairement une source de chaleur fatale (calories non utilisées dans un process) qui verra son niveau de température relevé par le transformateur. Cette technologie ne dispose pas encore de retour d’expérience en France (et peu en Europe) mais une société comme Thermax présente une offre mature.
La deuxième solution est une PAC thermochimique à adsorption, reposant sur un principe de stockage de chaleur entre deux réacteurs contenant chacun un sel adsorbant, et entre lesquels circule un fluide frigorigène. Le réacteur basse température (par exemple avec du MnSO4) sert de réservoir de chaleur : il stocke le fluide frigorigène (par exemple de l’ammoniac) pendant la phase de charge. Le réacteur haute température (par exemple avec du NiCl2) joue le rôle d’échangeur de chaleur et fournit la chaleur THT pendant la phase de décharge (réaction exothermique de l’adsorption du fluide frigorigène). Encore au stade de la R&D, ce système ne peut que transformer une chaleur fatale existante, comme la PAC à absorption.
La troisième technologie étudiée est la PAC équipée d’un moteur Stirling et dont le fluide frigorigène est l’hélium (R704). Le fonctionnement est analogue à une PAC à compression (la compression et la détente étant réalisées dans le piston du moteur Stirling) mais il n’y a pas de changement d’état du fluide frigorigène gazeux. C’est la variation d’énergie sensible qui permet de puiser et de céder de la chaleur. Ce système est au stade de démonstrateur en Norvège et Suède sur deux sites industriels. Sa puissance est modeste mais permet des montées en température importantes, avec la possibilité de travailler à charge partielle.
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