Le site hydroélectrique de Grand’Maison est une station de transfert d’énergie par pompage. Depuis l’an dernier, EDF y réalise des opérations simultanées de pompage et turbinage pour apporter des services au réseau.
Dans le paysage magnifique de la vallée de l’eau d’Olle, près de Grenoble, la station de transfert d’énergie par pompage (Step) de Grand’Maison trône à deux endroits. À 1 695 m d’altitude, le barrage contient les 140 millions de m3 d’eau de la retenue amont, principalement alimentée par la fonte des neiges. À une petite dizaine de kilomètres en aval, à 770 m d’altitude, se trouve la retenue du Verney contenant un volume d’eau dix fois moindre. Entre les deux, l’usine hydroélectrique gérée par EDF peut produire de l’électricité quand ses turbines utilisent la force motrice de la chute d’eau. Elle peut aussi pomper l’eau dans l’autre sens, du bas vers le haut, lorsqu’il faut soulager le réseau d’un trop-plein d’électricité. Depuis 2023, elle est la seule Step à pouvoir faire le turbinage et le pompage en même temps. Un atout au service du réseau électrique.
Mise en service entre 1985 et 1987, l’installation de Grand’Maison est la plus grande Step d’Europe, avec une puissance de 1 800 MW. Elle surpasse largement ses petites sœurs françaises de Montézic (910 MW), Revin (800 MW), Super-Bissorte (730 MW), Cheylas (480 MW) et La Coche (380 MW). L’usine dispose de moyens de production sur deux étages. Au niveau supérieur de ce bâtiment situé juste avant la retenue du Verney, quatre groupes classiques, avec des turbines Pelton, sont en mesure de turbiner l’eau avec une puissance de 157 MW chacun. Au niveau inférieur, huit groupes de type Francis de 160 MW chacun peuvent fonctionner en turbinage ou en pompage.
Évolution du mode de fonctionnement
À l’origine, ce genre de Step est prévu, schématiquement, pour produire de l’électricité en journée la semaine et pour remonter l’eau vers le barrage amont les nuits et les week-ends. Grâce au pompage dans ces périodes nocturnes et dominicales, la Step peut absorber la surproduction du parc nucléaire aux heures creuses de consommation et reconstituer une partie du stockage d’eau du barrage amont. Au fil du temps, avec la montée en puissance des parcs éolien et solaire photovoltaïque, ce cycle hebdomadaire a été complété par un cycle journalier : quand il y a besoin, la Step turbine désormais préférentiellement aux pointes de consommation le matin et en fin d’après-midi ; et elle pompe autour de l’heure méridienne lorsque les productions du vent et du soleil sont à leur maximum.
Deux autres évolutions viennent compléter ce premier changement. Tout d’abord, EDF a l’ambition d’augmenter la puissance de ses ouvrages hydroélectriques lorsque c’est possible. Dans le cas de Grand’Maison, trois des quatre turbines Pelton ont été changées avec de nouvelles roues permettant de porter leur puissance unitaire à 170 MW. Un des huit groupes réversibles a par ailleurs été démonté : le constat a été fait que la turbine-pompe a bien supporté les fortes charges qu’elle subit, et sa révision a permis de lui redonner son rendement initial. Début juin, ce groupe de 19 mètres de haut était en cours de remontage, un exercice qui doit être fait avec grande précision malgré le poids des composants (l’arbre à lui seul pèse 19 t, et le stator et le rotor de l’alternateur pèsent respectivement 180 et 160 t !).
Un soutien à la régulation de fréquence
Au gain de puissance s’ajoute un nouveau mode de fonctionnement. Des études menées dans le cadre d’un projet européen appelé XFlex Hydro ont validé l’idée que la Step peut pomper et turbiner en même temps. Cela est rendu possible par le fait que certaines conduites amenant l’eau vers l’usine se croisent. Au niveau de ces « nœuds », l’eau pompée ne remonte pas jusqu’au barrage amont, car elle bifurque par un piquage vers une turbine. Les simulations menées dans le cadre de XFlex Hydro ont montré que le pompage turbinage simultané (PTS), avec de forts débits et pressions, est supportable par les équipements (conduites, cheminée d’équilibre). Des tests menés en 2021 à Grand’Maison ont confirmé l’opérationnalité de ce mode de fonctionnement qui a dès lors été intégré dans les algorithmes du centre de conduite EDF de Lyon.
Mais à quoi sert ce PTS ? En fait, seules les turbines ont une puissance variable qui permet à la Step d’apporter du réglage en fréquence au réseau électrique. Auparavant, toutes les périodes de pompage ne permettaient donc pas d’apporter ce service. Grâce au PTS, Grand’Maison se trouve en situation de réguler la fréquence plus souvent, tant sur les réserves primaires (en moins de 30 secondes) que secondaires (en moins de 3 minutes). De fait, désormais, le pompage est réalisé 40 % du temps en PTS. En plus de ce soutien essentiel au réseau, le PTS fonctionne souvent en remplacement de centrales à énergies fossiles, ce qui évite des émissions de gaz à effet de serre.
Avec ce nouvel atout, l’hydroélectricité reste plus que jamais un mode de production à renforcer. D’ailleurs, EDF envisage de mettre en œuvre le PTS dans sa Step de Super-Bissorte.
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