La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines est aujourd’hui un enjeu majeur, qui impacte tous les secteurs de l’industrie.
Les données du SDES permettent de dresser la liste des grands secteurs de l’économie et de la responsabilité relative dans les émissions de CO2 au niveau mondial, en 2019. Dans l’ordre, on trouve :
- La production de chaleur et d’électricité (39% des émissions totales) ;
- les transports (24%) ;
- l’industrie (19%).
Le secteur des transports est donc responsable d’un quart des émissions de CO2 au niveau mondial. Si auprès du grand public les différents modes usuels de transport ont une image très dégradée, il en est un qui cristallise des débats : le transport aérien.
En témoigne le “flight shaming” (honte de l’avion), phénomène apparu il y a un peu plus d’un an en Europe du Nord et qui trouve aujourd’hui des sympathisants aux quatre coins du globe : ce mouvement invite à éviter au maximum, et même plutôt à bannir l’idée même de prendre l’avion, considéré comme une aberration écologique.
La diabolisation du secteur aérien est-elle exagérée ?
Si on se réfère aux données de l’ITF pour 2020 (International Transport Forum), l’aviation est responsable d’environ 11% des rejets de GES du secteur des transports. Au final, la part de l’aviation, en termes d’émissions de GES au niveau mondial se situe entre 3 et 4,5 % selon les estimations. C’est moins que les émissions liées à l’usage d’internet (5%), ou aux activités de l’industrie textile (8%). Pour autant, 80% des personnes interrogées pensent que le secteur aérien émet plus de GES que les deux secteurs que nous venons de citer.
Même si le secteur aérien est une source non négligeable d’émissions de GES, sa responsabilité reste relative, en décalage avec l’image que véhicule désormais l’avion auprès du grand public.
Au-delà de l’image, il y a les faits. Le secteur aérien n’émet pas seulement du CO2. Il y a donc une différence entre l’impact écologique du secteur aérien lié à ses émissions de CO2, et son impact global. Il faut ajouter les effets non CO2 aux effets CO2, pour avoir une idée globale de l’impact du secteur aérien sur le climat.
Le fruit de ces calculs diverge : pour ce qui est admis concernant les émissions CO2, celles du secteur aérien représentent 2 % des émissions mondiales.
En y ajoutant les effets non CO2, on arrive, comme cité plus haut, à des estimations allant de 3 à 4,5 %. Mais les modèles de simulations concernant les effets non CO2 sont très discutés, et les incertitudes restent grandes quant à leur fiabilité. Ces résultats sont obtenus notamment grâce aux méthodes de forçage radiatif, qui permettent d’évaluer la contribution d’une activité en terme de réchauffement global (voir les simulations faites par le GIEC).
Les effets non CO2
Le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre émis par l’activité du secteur aérien. En effet, il faut ajouter au bilan :
- Des oxydes d’azote
Ce ne sont pas des gaz à effet de serre à proprement parler, mais ils réagissent en altitude avec d’autres substances chimiques, pour produire de l’ozone, qui est lui un GES puissant. Il provoquent également la destruction du méthane, également un GES : ceci a plutôt tendance à refroidir l’atmosphère.
- La vapeur d’eau
Emise par les réacteurs d’avions, elle peut former des traînées de condensation persistantes lorsque l’atmosphère est saturée en glace, et que la température est inférieure à -40 °C. Ces traînées sont constituées de cristaux de glace, dont la taille est inférieure à celle des cristaux constituant les cirrus naturels. Leur présence tend à réchauffer l’atmosphère.
Etablir avec certitude les effets concrets de l’ensemble du trafic aérien sur le climat est donc encore aujourd’hui très compliqué, et l’objet de beaucoup de controverses.
Une croissance du trafic de 3,5% par an projetée pour les années à venir
Pour autant, le décalage existant entre l’impact réel du transport aérien et sa réputation ne doit pas cacher une autre réalité : la croissance du secteur aérien et notamment du nombre de passagers transportés n’a cessé d’augmenter, jusqu’au mois de mars dernier et la pandémie mondiale de coronavirus, qui se poursuit encore aujourd’hui.
D’ailleurs, la crise actuelle pour le transport aérien est d’autant plus terrible que beaucoup de compagnies, désireuses de profiter de l’augmentation régulière (3,5 % par an) du volume de passagers transportés, avaient dans les mois précédents la crise sanitaire investi pour agrandir leur flotte.
Il y a aujourd’hui environ 28 000 avions de ligne dans le monde. Depuis les années 2000, la multiplication des compagnies low cost a, entre autres, participé à une hausse spectaculaire du trafic aérien, de l’ordre de 140 % en 20 ans.
Entre 2013 et 2018, les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien ont ainsi augmenté de 32 % même si dans le même temps les avions émettent 2 fois moins de CO2 que dans les années 90, grâce aux innovations technologiques successives.
Les compagnies aériennes et les constructeurs se sont fixés un cap clair : réduire de moitié en 2050 les émission par rapport à leur niveau de 2005.
Le secteur aérien, dont la quantité des émissions de GES a tendance à être surévaluée par le grand public, s’est fixé des objectifs de réduction d’impact très ambitieux.
Les innovations technologiques vont permettre de continuer à faire baisser les émissions par passager transporté. Les feront-elles suffisamment diminuer pour permettre à l’ensemble de l’activité aérienne d’atteindre ses objectifs écologiques ? Pour répondre à cette question, il faudra d’abord connaître les pistes technologiques retenues par le secteur aérien mondial pour relever ce défi.
Ce qui paraît certain, c’est qu’une réelle rupture doit s’opérer en termes d’innovations pour que le secteur aérien atteigne ses objectifs, en se projetant sur une reprise de la croissance du trafic aérien, dès que la situation sanitaire le permettra.
Par P.T
Cet article se trouve dans le dossier :
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