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Politiques d’innovation : un soutien très fort mais illisible

Posté le 1 février 2016
par Sophie Hoguin
dans Entreprises et marchés

La Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation vient de rendre son premier rapport. Verdict : beaucoup de moyens (10 Md €) mais un système instable, complexe et trop morcelé (plus de 60 dispositifs nationaux !).

La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) installée depuis fin juin 2014 a pour ambition d’émettre des recommandations pour rendre plus efficaces et efficients les efforts publics en matière de soutien à l’innovation. Sa première tâche a consisté à établir un état des lieux des dispositifs existants. Le fruit de ce travail a fait l’objet d’un rapport présenté le 21 janvier 2016.

Plus de 10 milliards d’euros sur la table

Premier constat : après consolidation, l’ensemble des aides à l’innovation représente 10 Md€. « Un montant considérable, supérieur de plus de 25% au budget de la justice par exemple », explique les rapporteurs. L’évolution sur 15 ans montre que le soutien financier à l’innovation a doublé en euros constants. Et que l’effort a été maintenu quelque soit la tendance politique au pouvoir. La nécessité pour les acteurs économiques d’innover pour rester compétitifs fait en effet consensus.

Trop de dispositifs

Malheureusement, le financement par les pouvoirs publics de l’innovation passe par de multiples dispositifs et instruments, trop souvent instables dans le temps ou dans leur forme. Le rapport illustre ce propos par des chiffres effarants : « en 2000, l’Etat et ses opérateurs géraient près de 30 dispositifs nationaux. Aujourd’hui il y en a 62 ! Et ce sans compter ceux qui sont gérés par les collectivités territoriales. » On se doute qu’il y a alors redondance et impossibilité pour la plupart des acteurs publics ou privés de maîtriser les instruments à leur disposition.

Moins d’aides directes, plus d’incitations fiscales

Alors qu’il y a 15 ans, plus de 80% des aides étaient directes, celles-ci représentent maintenant moins de 20% des aides (une division par 2 à peu près en termes de montants réels). A la place, le gros des aides passe par le crédit impôts recherche (CIR) ou d’autres formes d’incitations fiscales : 6,4 Md € soit quelque 60% du soutien total. Il est à noter que ses aides passent désormais par deux grands acteurs financiers : le commissariat général à l’investissement (CGI) qui gère notamment les programmes d’investissement d’avenir (PIA) et la banque publique d’investissement (BpiFrance). Mais les aides viennent aussi des collectivités, notamment des régions (5,4% du total mais surtout 15,2% des aides directes) et de l’Union européenne (4,5% du total et 12,7% des aides directes).

Le soutien va à la R&D et aux entreprises innovantes

Le rapport souligne que les dispositifs poursuivent 5 objectifs principaux. Le plus soutenu d’entre eux est l’augmentation des capacités privées de R&D qui mobilise à lui seul deux tiers des moyens alloués à l’innovation (6 Md €). Loin derrière, le soutien au développement des entreprises innovantes pour 16,4% des soutiens. Les trois autres objectifs (accroître les retombées économiques de la recherche publique ; développer les projets de coopérations entre acteurs ;
promouvoir l’entrepreneuriat innovant) ne profitent que de 13,4% du total des aides mais sont concernés par 32 dispositifs.

Beaucoup de questions en suspens

En conclusion le rapport souligne surtout que cet état des lieux n’est pas suffisant à lui seul pour guider des changements en matière de politique de soutien à l’innovation. Trop de questions restent en suspens quant à l’efficience réelle des dispositifs, la capacité des acteurs à se les approprier ou encore la pertinence d’un système palliatif d’aide quand des actions pourraient être menées plus en amont par des réformes structurelles par exemple.

Par Sophie Hoguin


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