Depuis son survol par la sonde New Horizon en juillet 2015, Pluton ne cesse d’étonner. De fil en aiguille, les données révèlent un astre étonnamment vivant du point de vue géologique et chimique et dont les découvertes balayent la conception qu’on en avait jusqu’alors.
Le système Pluton : plus complexe que prévu
Ce n’est que depuis 2012 que nous savons que Pluton possède 5 satellites, le dernier découvert étant Styx. Grâce à New Horizon, une meilleure caractérisation de l’ensemble du système et de ces satellites a été possible. Autour du système binaire formé par Charon et Pluton, gravitent donc, sur des orbites à peu près circulaires quatre petites lunes (Nyx, Hydra, Styx et Kerberos) qui sont de formes plutôt allongées et dont le diamètre (équivalent sphérique) est de l’ordre de 40 km pour les deux premières et 10 km pour les deux secondes. Toutes quatre ont un albedo élevé (50-90%) suggérant la présence de glace d’eau à leur surface. La densité des cratères d’impact suggèrent un âge de l’ordre de 4,5 milliards d’années. L’orientation de leurs pôles, le fait qu’elles soient non synchronisés laisse à penser qu’elles ont été formées juste après la collision qui a créé le couple Charon-Pluton. Les données concernant la composition chimique de ces lunes ne sont pas encore parvenue à la Terre.
Modélisation simplifiée du système de Pluton
Crédit : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute/Mark Showalter
Une prison pour l’azote
Les observations de l’atmosphère de Pluton ont réservé bien des surprises aux scientifiques : une atmosphère composée de couches successives comme on le pensait mais avec une couche supérieure très froide et plus compacte que prévue. Conséquences : un échappement atmosphérique bien moindre que modélisé et qui concernerait surtout le méthane et non l’azote. Il semblerait que la couche supérieure contiennent des composés agissant comme des réfrigérants qui absorbent les radiations solaires et empêchent l’azote de se réchauffer et de s’échapper. Pluton se comporterait comme une véritable prison pour l’azote. Celui-ci semble piégé dans les basses couches de l’atmosphère dont il est l’élément essentiel (99%). Cependant, on ne sait pas encore si cette observation est représentative de l’atmosphère de Pluton sur les temps astronomiques car Pluton présente par ailleurs des changements climatiques majeurs.
New Horizon et les vents solaires
Les conclusions concernant l’échappement atmosphérique ont notamment été faites à partir des mesures de vitesses des vents solaires autour de Pluton par un instrument baptisé SWAP. Les données relevées par SWAP (seul instrument à n’avoir pas hiberné) depuis son passage par Jupiter ont permis de découvrir que les vents solaires devenaient plus uniformes au fur et à mesure que l’on s’éloignait du Soleil. Les événements particuliers tels que les éruptions solaires donnent des structures moins détaillées, qui peuvent fusionner ou être gommées avec avec l’éloignement. C’est ce qui ressort d’une publication du 6 avril dernier dans Astrophysical Journal Supplement.
Climat : Pluton la désaxée
Comme la Terre, Pluton a un axe de rotation incliné par rapport à son orbite. Il y existe donc des saisons. Très longues puisque Pluton fait le tour du Soleil en 247,7 ans. Mais l’inclinaison est bien plus importante que sur notre planète (120° actuellement contre 23° chez nous). Si bien que la zone tropicale peut être aussi une zone arctique selon les saisons. En outre, l’axe de rotation de Pluton varie beaucoup, pas seulement de 1° comme sur Terre mais de près de 25°, passant de 13 à 127° en quelques millions d’années. Un changement qui bouleverse le climat périodiquement en influant par exemple sur les propriétés de l’atmosphère comme la pression atmosphérique. Aujourd’hui mesurée à 10 microbars, elle a certainement atteint 1000 à 10 000 fois plus. Ce qui implique, avec une température moyenne de l’ordre de 40°K (-223°C) : l’existence possible d’un cycle de l’azote avec de l’azote liquide qui s’écoulerait à sa surface. Ce qui expliquerait un certain nombre de formes géologiques révélées par New Horizon.
Géologie : une planète encore active
On a longtemps pensé que les astres de la ceinture de Kuiper avaient peu changé depuis leur formation. Pluton nous prouve le contraire. La planète naine semble avoir été géologiquement active tout au long de ses 4,5 milliards d’années. L’activité géologique la plus récente semble centrée sur un grand bassin, baptisé Spoutnik, et recouvert d’une épaisse couche de glace d’azote, de méthane et de monoxyde de carbone dont la formation est estimée à il y a 10 millions d’années. Les terrains qui le bordent dévoilent des traces d’écoulement, de transport de blocs de glaces d’eau, que les scientifiques attribuent à de l’érosion par sublimation ou par effondrements. Ailleurs, le relief est plus mouvementé avec des crêtes, des montagnes de glaces et ce qui semble être des cryovolcans qui auraient été actifs récemment (à une échelle de temps géologique). De vastes zones sont aussi recouvertes de glaces de méthane. Sur l’autre face de la planète, on trouve une zone, ancienne de 4 milliards d’années, fortement érodée et parsemée de cratères et de failles et recouverte de tholines (substance de couleur rouge/brun qui se formerait par l’action du rayonnement ultraviolet sur des composés organiques comme les hydrocarbures en présence d’azote ou d’eau). De son côté Charon, étonnamment riche en glace d’eau et NH3 ne semble plus être aussi active. Ce qui semble sûr c’est que la surface des deux astres a été largement remaniée depuis leur formation car le nombre de cratères d’impact n’est pas du tout en accord avec l’activité de collisions supposée dans la ceinture de Kuiper.
Cette vidéo montre un échantillon de la richesse géomorphologique de Pluton en simulant le survol d’une bande de terre de 80 km de large et 800 km de long. Depuis les montagnes Al-Idrisi jusqu’aux glaces de la plaine de Spoutnik en passant par ses rives.
Crédit : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Par Sophie Hoguin
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