Le 12 janvier 2010, le CNRS et L'INRIA ont rendu publics leur rapport respectif sur la nécessité de réfléchir à l'éthique des sciences et technologies du numérique. Un vaste programme qui, selon les deux organismes, doit déboucher sur la création d'un comité d'éthique.
» La jeunesse de l’informatique est terminée. Désormais, elle a atteint l’âge de raison et des responsabilités. » Tels étaient les mots utilisés par Michel Cosnard, PDG de l’INRIA, pour conclure son allocution, lundi 12 janvier 2010, lors de la réunion de présentation des rapports de l’INRIA et du CNRS sur la nécessité d’examiner attentivement les questions éthiques soulevées par la recherche en sciences et technologies du numérique et par ses applications. Et d’ajouter : » Lorsque j’ai rejoint le comité de direction de l’INRIA en 1997, la question se posait déjà. 13 ans plus tard, force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire, il y a urgence à créer un comité d’éthique de la recherche dans ce secteur pour examiner et donner des avis, au nom de la société, sur l’opportunité de conduire tels ou tels travaux… Ce sujet dépasse d’ailleurs l’INRIA, poursuit-il. Il englobe toute la problématique de la recherche dans ce domaine et concerne non seulement la France, mais aussi l’Europe. «
Des questions éthiques nombreuses et complexesCar le sujet est vaste ! Aujourd’hui, les sciences et technologies du numérique occupent une place de plus en plus importante dans la société ainsi que dans la vie privée et professionnelle des individus. Il est donc normal, qu’au fil du temps, cette question se pose avec de plus en plus d’acuité et qu’elle mobilise, progressivement, des institutions généralistes comme le COMETS, le comité d’éthique du CNRS, qui s’est auto-saisi sur cette question il y a un an.Le résultat est un rapport qui vient renforcer et compléter celui de l’INRIA. A commencer par l’inventaire des questions éthiques soulevées par les technologies numériques. Et force est de constater qu’elles sont nombreuses et complexes. Pour les identifier de manière systématique, le COMETS a d’ailleurs élaboré une cartographie. Celle-ci part des questions afférentes à la personnalité (protection de la vie privée, impact sur l’homme, droits des robots), pour s’étendre à celles ayant trait à la société et à l’environnement au sens large (risques sanitaires, environnementaux et techniques – impact sur la formation et l’accès au savoir – impact sur les relations de travail, les relations économiques, la vie collective et les institutions qui la régulent, – impact sur l’information et la connaissance. Un travail qui rejoint d’ailleurs les différents exemples présentés par le rapport de l’INRIA puisqu’y sont abordés le développement des outils de profilage, la bioinformatique et la détection des maladies génétiques, la médecine numérique l’étude des virus informatiques, la gouvernance d’Internet, les échanges internationaux de données sur l’humain ou encore le droit de la société numérique. Autant de domaines où les technologies de l’information et de la communication sont en train, progressivement, de changer les conditions de vie des hommes en société et où il est nécessaire de repenser ce qui est bien et juste pour définir le nouveau système de règles auquel chercheurs et industriels devront dans l’avenir se conformer.De ce constat, les deux entités, COMETS et INRIA, tirent la même conclusion et la même recommandation : l’urgence de créer un comité d’éthique sur la recherche en sciences et technologies du numérique.
Le rôle et la mission de ce comité d’éthiqueCertes, les recommandations des deux organismes sur cette question ne sont pas stricto sensu identiques, mais elles se rejoignent sur de nombreux points. Toutes deux insistent sur la composition pluridisciplinaire du comité d’éthique afin d’intégrer des chercheurs en sciences et technologies du numérique, mais aussi des chercheurs en sciences humaines et sociales ainsi que des représentants du monde politique et industriel. Objectif : prendre en compte toutes les dimensions d’une problématique, mais aussi sensibiliser et faire adhérer les diverses parties à la décision. A ce titre, plusieurs voix se sont élevées pour proposer que ce comité soit intégré au sein de l’alliance pour les sciences et technologies du numérique, Allistene (voir l’article Les sciences et technologies du numérique ont leur Alliance du 21 décembre 2009).Ils recommandent également d’intervenir très en amont des technologies, c’est-à-dire, au niveau de la recherche et des laboratoires. Car dans ce secteur, comme les développements sont très rapides, intervenir a posteriori, lorsque les problèmes surgissent, est souvent inefficace. La mission du comité d’éthique est également largement partagée. Elle consisterait, en premier lieu, à mieux identifier les incidences éthiques des recherches menées dans le domaine, de sensibiliser les chercheurs mais aussi les décideurs et la société civile à ces enjeux, et de s’assurer que les recherches menées satisfont aux critères éthiques qu’il aura mis en avant. Au delà, il aurait également pour rôle de donner à l’ensemble de la société une information objective sur l’avancée des recherches et leurs conséquences potentielles afin d’éviter les effets d’annonces ou encore la propagation de rumeurs.Le comité d’éthique pourrait également encourager, en France, les recherches en STIC permettant de prendre en compte ces questions éthiques, y compris s’il s’agit de projets de recherche communs STIC-SHS.Enfin, il aurait également un rôle à jouer en terme de formation des jeunes chercheurs à l’éthique des sciences et technologies du numérique.Un vaste chantier, mais qui pour le COMETS et l’INRIA ne souffre plus d’attendre. Tous deux préconisent une mise en place dès 2010. Une mise en oeuvre qui aujourd’hui est entre les mains de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse à qui ces deux rapports ont été transmis en octobre et novembre 2009.En savoir plusLe rapport du COMETS : » Pour une éthique de la recherche en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication « . Voir le site du CNRSLe rapport de l’INRIA : » Rapport sur la création d’un comité d’éthique en sciences et technologies du numérique « . Voir le site de l’INRIAA.L B
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