Le continent africain a une large place à prendre dans la transition énergétique mondiale. Bénéficiant de ressources importantes pour développer les énergies renouvelables, notamment solaire, son potentiel est mis en avant dans un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur une « Afrique durable ». La COP27 qui se tiendra en Égypte fin 2022 sera l’occasion pour les dirigeants africains de défendre ce point de vue et d’appeler aux financements nécessaires, estimés à 190 milliards $ entre 2026 et 2030 par l’AIE. La Banque africaine de développement y travaille, mais d’autres institutions financières doivent participer à cet effort d’investissement vital pour l’Afrique.
L’effort doit être porté sur les énergies propres, mais pas seulement. Bien qu’il faille réduire l’usage des énergies fossiles, l’AIE n’hésite pas à dire que l’Afrique a besoin de développer la production, les infrastructures et l’usage du pétrole et surtout du gaz. Ce dernier doit spécialement servir à développer l’industrie africaine (engrais, acier, ciment, dessalement de l’eau) avec une bonne dose d’efficacité énergétique et peut s’appuyer sur des gisements locaux dont les réserves sont estimées à plus de 5 000 milliards de m³. Le gaz pourrait aussi être plus exporté vers l’Europe : la hausse des prix actuels commence à amorcer ce mouvement, en pleine tension géopolitique avec la Russie.
Par ailleurs, l’AIE pointe les vastes ressources minérales africaines qui pourraient aider à la transition énergétique dans le monde. En effet, 40 % des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine sont en Afrique. Le scénario de l’AIE montre qu’en investissant dans l’exploration minière, l’Afrique pourrait doubler ses revenus issus de la production de minéraux critiques d’ici 2030… sous réserve d’en minimiser les impacts environnementaux et sociaux.
Priorité aux énergies renouvelables
La situation de départ de l’Afrique diffère grandement des autres continents. 600 millions de personnes (43 % de la population) n’ont pas accès à l’électricité. 900 millions n’ont pas de moyens de cuissons propres (les foyers ouverts au bois émettent beaucoup de particules). La flambée actuelle des prix des énergies fossiles rend le GPL inabordable pour 30 millions de personnes. La priorité immédiate et absolue est donc de donner un accès universel à l’énergie, ce qui représenterait un effort de 25 milliards $ par an, soit moins de 1 % des investissements énergétiques mondiaux actuels.
Deux enjeux sont cruciaux. Le premier est de donner accès à des moyens de cuissons efficaces et non polluants, via des foyers à biomasse améliorés (foyers fermés), de la cuisson électrique ou des biodigesteurs pour de la cuisson au biogaz. L’impact sanitaire, social et environnemental serait énorme : 500 000 décès prématurés seraient évités chaque année d’ici 2030, du temps serait dégagé pour que les femmes puissent mieux s’éduquer et trouver un emploi, et la déforestation serait moindre.
Le second enjeu est d’étendre l’accès à l’électricité à 90 millions de personnes par an, soit un rythme trois fois plus élevé que les dernières années. L’analyse de l’AIE établit que l’option la moins coûteuse est d’étendre les réseaux nationaux existants pour pouvoir déjà atteindre 45 % de ces nouveaux accédants. Pour les zones rurales, les mini-réseaux et les systèmes autonomes, principalement photovoltaïques, sont plus pertinents.
Alors que la consommation totale d’énergie primaire baisserait de 13 % entre 2020 et 2030 (grâce à la suppression de la cuisson au bois traditionnelle), la demande d’électricité augmenterait de 680 à 1 180 TWh. Cette électrification à marche forcée passe par le déploiement important de la production des énergies renouvelables (cf. graphe). En moins de 10 ans, il faudrait ainsi installer 125 GW de solaire photovoltaïque, environ 50 GW d’éolien et plus de 40 GW d’hydroélectricité. Des niveaux élevés, mais rendus possibles par le haut potentiel de ressources renouvelables en Afrique.
Un fort besoin d’adaptation
L’Afrique est touchée de plein fouet par le bouleversement climatique et cela risque malheureusement de s’aggraver sans action drastique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les travaux du Groupe indépendant d’experts sur le climat (GIEC) montrent la fragilité de ce continent et le besoin d’adapter rapidement ses différents pays aux évolutions du climat et à leurs conséquences (pertes de biodiversité, manque d’eau, réduction de la production alimentaire, décès prématurés, baisse de la croissance économique). Avec un réchauffement planétaire moyen contenu à 2°C, la hausse de la température médiane en Afrique du Nord serait de 2,7°C, et le PIB africain réduirait de 8 % par rapport à un scénario sans impact climatique. En Afrique de l’Est, cette baisse serait presque le double. Pour éviter de trop forts impacts, l’AIE recommande d’investir rapidement dans l’adaptation, à hauteur de 30 à 50 milliards $ par an d’ici 2030.
La situation est d’autant plus injuste que l’Afrique est historiquement un des plus faibles émetteurs de GES : moins de 3 % des émissions globales de CO2 liées à la combustion d’énergie, alors que 20 % de la population mondiale y vit. Pourtant, malgré cette dissymétrie, la plupart des pays africains ont ratifié l’Accord de Paris et douze d’entre eux se sont engagés en mai 2022 à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
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