Les changements en cours en Arctique sont des perturbations majeures de l’environnement. « En Arctique, les températures s’élèvent 2,5 fois plus vite que dans le reste du monde», rappelle Alain Fuchs, Président du CNRS.
La banquise, la glace et la neige arctiques reculent à des vitesses vertigineuses. « Au cours des dernières décennies, la surface couverte par la glace estivale a décliné d’environ 50 %, l’épaisseur de cette couche de glace se réduisant d’environ 40% », précise-t-il.
Un nouveau record de fonte des glaces a été observé en 2012 avec une banquise ne recouvrant plus que 3,41 millions de kilomètres carrés au16 septembre. C’est 18 % de moins que le record de 2007 qui avait pris les scientifiques par surprise !
Les pertes de glace sont plus rapides que ce que prévoyaient les différents modèles numériques. À ce rythme, la banquise pourrait complètement disparaître en été dès 2030.
Evolution annuelle de la banquise arctique entre les années 1980 et 2013. Source : Institut de Physique Environnementale (IUP) de l’Université de Brême
La glace de mer devient aussi plus vulnérable. La glace de première année prédomine, les périodes d’eau libre s’accentuent et les taux de fonte de surface augmentent. Parallèlement à la baisse de son étendue, la glace devient plus jeune et plus fine. D’après les recherches de Julienne Stroeve, du National Snow and Ice Data Center (NSIDC) à l’Université du Colorado à Boulder, en 2013, moins de 5 millions de km2 de couverture de glace (qui ne comprend pas que la banquise !) a 5 ans ou plus.
Cette part était 20 % plus élevée dans les années 1980 et le début des années 1990. Les glaces âgées qui restent, sont aussi moins épaisses qu’auparavant.
De façon plus générale, Alain Fuchs rappelle que « la couverture de neige de début d’été de l’hémisphère nord est en train de disparaître à un rythme sans précédent d’environ 18 % par décennie » et que « la calotte glacière du Groenland fond à un taux 5 fois plus important que dans les années 90, contribuant significativement à l’élévation du niveau de la mer ».
Mais les perturbations ne s’arrêtent pas là. Si « le pergélisol fond et libère des gaz à effet de serre, comme le méthane, à un rythme alarmant », il ne faut pas oublier que « de nombreux organismes vivant dans l’Océan Arctique sont très bien adaptés à un type de banquise plus épaisse et plus âgée, les rendant eux et l’écosystème arctique bien plus vulnérables aux changements », ajoute-t-il.
Maigre consolation : les changements en cours ouvrent de nouvelles perspectives économiques pour l’exploitation de la pêche, les minéraux rares, le pétrole et le gaz et le tourisme. L’ouverture d’une route maritime réduirait la distance entre l’Europe et l’Asie d’environ 25 %.
Pour comprendre l’ensemble de ces mutations, une base de données scientifique est nécessaire. C’est l’objectif de « Chantier Arctique », un programme national de recherche sur les grands enjeux scientifiques de l’Arctique en sciences de l’environnement, écologie, géosciences, sciences humaines et sociales et sciences de la santé.
Pour lancer la phase de prospective de ce chantier, un premier congrès national a été organisé du 3 au 6 juin au Collège de France. Les objectifs étaient de réunir pour la première fois toutes les disciplines impliquées en Arctique, attirer de nouveaux chercheurs et développer des approches innovantes.
Les chercheurs présents ont réalisé un premier inventaire interdisciplinaire des compétences, et des activités scientifiques en cours et projetées afin de définir les priorités de recherche et préparer la rédaction d’un livre blanc sur la recherche en Arctique. Le premier appel à propositions sera publié au deuxième semestre 2014.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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