Techniques de l’ingénieur : Pouvez-vous nous présenter le fonctionnement de votre plateforme?
Olivier Gambari : iNex Circular est une plateforme qui cartographie les besoins en matières premières sur une zone, ainsi que les déchets qui y sont produits. Elle permet de faire de l’écologie industrielle et territoriale, l’un des sept piliers de l’économie circulaire. Les sociétés qui nous intéressent sont celles qui ont des besoins en matières premières et celles qui mettent leurs déchets en décharge ou les envoient à l’incinération. Plutôt que de consommer uniquement de la matière brute, elles pourront, grâce à notre solution, s’échanger des déchets.
Grâce à notre base de connaissance sur la substitution des matières, la plateforme sait quelle matière première peut être remplacée par quel déchet présent sur la zone. L’intérêt même du système est de faire « matcher » les entreprises pour que les déchets des unes, deviennent les matières premières des autres. Pour ce faire, nous utilisons des données à disposition en open-data. Cela nous permet de ne pas avoir à contacter les entreprises une par une ! Il existe ainsi de nombreuses bases de données déclaratives sur les déchets. Les syndicats et réseaux professionnels nous fournissent également des informations sur les matières premières utilisées et les déchets produits.
E.T.I : Qui sont vos clients ?
O.G : Nous travaillons avec des entreprises industrielles : il en existe 235.000 en France dont certaines ont une obligation légale de déclarer les déchets qu’elles produisent, ainsi que certaines matières premières qu’elles consomment. Nous avons également récolté directement des données auprès des 3.000 entreprises avec qui nous avons travaillé en direct. Enfin, nous intégrons les fermes et de la restauration collective lors de démarches de bio-méthanisation.
La plupart de nos clients sont des acteurs locaux de développement qui veulent mettre en place une écologie industrielle et territoriale (EIT). Ce sont des collectivités, des gouvernements, des communautés de communes ou des régions. Nous travaillons avec plus de 1.000 entreprises en Belgique, avec le gouvernement wallon, depuis novembre dernier. Cela va très vite grâce au soutien politique : plusieurs synergies ont déjà été mises en place. Nous sommes aussi implantés sur trois zones industrielles en Espagne. En France, nous avons travaillé uniquement sur le projet Rhône Médian. Un fabricant de films plastique va y récupérer les films de plusieurs acteurs sur la zone. Nous sommes en discussion avec une chaîne de magasins nationale pour valoriser localement ses films. En revanche, il n’y a pas d’appel d’offre depuis plus d’un an sur l’économie circulaire et notamment sur l’EIT. La feuille de route sur l’économie circulaire n’en prévoit pas non plus.
E.T.I : Concrètement, comment accompagnez-vous les entreprises ?
O.G : Le travail se fait en trois étapes. La première phase est d’utiliser notre outil pour savoir quelles sont les grandes tendances sur le territoire. Cela permet de savoir quelles sont les matières sur lesquelles il y aura le plus de rentabilité . Ce bilan est automatique grâce à nos bases de données.
Nous organisons ensuite des ateliers avec les entreprises ciblées autour d’une thématique matière. À ce moment, les acteurs ont tout intérêt à travailler entre elles. Suite à ces ateliers, nous créons des réseaux sur la plateforme entre les entreprises désireuses de se lancer. Nous essayons alors d’inciter les entreprises qui ne se sont pas manifestées à faire partie de cette synergie. Nous accompagnons les entreprises pour leur fournir les moyens techniques. Nous trouvons notamment un logisticien local et les technologies nécessaires.
E.T.I : Quelles sont les matières les plus échangées via iNex Circular ?
O.G : Les entreprises qui utilisent la plateforme échangent notamment des plastiques, des cartons, du bois pour faire du bois-énergie ou des palettes. Il y a également tout ce qui est lié à la méthanisation. Ce sont les déchets issus de l’alimentation collective ou des fermes.
Nous travaillons également sur des déchets plus spécifiques. Nous avons récemment travaillé avec une enseigne de supermarchés pour valoriser les épluchures de ses oranges pressées. Nous travaillons par ailleurs sur un projet de valorisation du phosphore contenu dans des tensio-actifs d’eaux de lavage.
E.T.I : Y a-t-il une distance maximale de parcours pour les déchets ?
O.G : Le transport est généralement au maximum de 100 km. Ce sont les coûts de transports qui imposent la distance maximale. Les acteurs qui passent le cap le font parce que cette solution coûte moins cher que les méthodes d’élimination traditionnelles. Cela permet également de baisser leurs émissions de CO2.
Enfin, je tiens à dire que la feuille de route de l’économie circulaire est extrêmement généraliste et n’apporte pas de solutions concrètes. Toutefois, le triplement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) va aider à la mise en place de ce genre de démarches. La mise en décharge des déchets va commencer à coûter extrêmement cher. Cela fait et va faire venir vers nous de plus en plus d’entreprises.
Propos recueillis par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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