Avec des déchets plastiques qui s'accumulent, la Commission européenne souhaite mettre en place de nouveaux moyens de les traiter. Les industriels proposent une technologie de recyclage par voie chimique, capable de rendre circulaires des déchets auparavant enfouis ou incinérés. Mais qu’en est-il vraiment ?
La production de plastique n’a cessé de croître ces dernières décennies, passant de 1,5 million de tonnes en 1950 à 391 millions de tonnes en 2021. La pollution plastique, quant à elle, suit le même mouvement. Pour y remédier, l’Union Européenne souhaite que 55 % des déchets d’emballages plastiques soient recyclés d’ici 2030 dans le cadre de son Pacte vert. Le gouvernement français, lui, vise 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025. Mais les marges de progrès restent importantes puisque le taux de recyclage en France n’atteint que 25% en 2020 (contre 35% en Europe).
Le recyclage mécanique permet déjà de traiter une partie de ces déchets, notamment le PET. Toutefois, ce procédé ne tolère que des produits constitués d’un seul thermoplastique. Que faire alors des plastiques thermodurcissables, à plusieurs couches de polymères, ou ayant des propriétés particulières conférées par des additifs techniques ? Pour relever ces défis, des industriels de la chimie proposent de nouveaux procédés de recyclage.
Le recyclage chimique, c’est quoi ?
Le recyclage chimique consiste à modifier les structures des polymères présents dans les déchets afin de les transformer en une nouvelle matière première. Différentes méthodes sont possibles comme la dépolymérisation, la dissolution, ou la plus connue : la pyrolyse. A l’issue de cette transformation, les nouveaux plastiques sont identiques aux vierges, issus de ressources fossiles et sont aptes au contact alimentaire. Au contraire du recyclage mécanique, qui ne le permet que pour un seul polymère, le PET.
Si plusieurs des technologies sont encore à l’échelle pilote, de nombreuses unités sont en cours de construction en France. Dow Polyuréthane recycle le polyuréthane des matelas dans le Loiret, Ineos Styrolution a annoncé la construction d’une unité commerciale de recyclage du polystyrène dans le Pas-de-Calais, TotalEnergies va produire de l’huile de pyrolyse en Seine-et-Marne. Plus récemment, c’est le chimiste américain Eastman qui a défrayé la chronique en annonçant un investissement de 1 milliard d’euros pour implanter son usine de recyclage de polyesters.
Une réglementation qui évolue
Alors que les investissements abondent sur le territoire français, la législation commence tout juste à s’adapter. Après des années d’incertitudes sur le cadre légal du recyclage chimique, la Commission européenne a tranché le 15 septembre 2022 en reconnaissant le recyclage chimique dans le règlement sur les matériaux plastiques recyclés destinés au contact alimentaire. « C’est une évolution importante. Désormais, le recyclage chimique est reconnu de manière formelle par l’Union Européenne », se réjouit Jean-Yves Daclin, directeur général France de l’association des producteurs de plastiques Plastics Europe.
Auparavant, les industriels pouvaient produire des résines à partir du recyclage chimique, sans toutefois avoir la possibilité de promouvoir la partie recyclée de leurs produits. « Cela va permettre aux industriels de contribuer aux objectifs de l’Union Européenne en matière de contenu recyclé », précise Jean-Yves Daclin. Cependant, cette révision n‘homologue aucune des technologies de recyclage en particulier. Chacune devra être validée, après avoir démontré que les résines recyclées ne présentent pas de risques pour la santé au contact des aliments.
Si la législation évolue, les industriels souhaitent aller encore plus loin et faire reconnaître le mass balance par crédit, un moyen de calculer la part de recyclé dans un produit fini. C’est la même méthode que celle employée pour l’énergie verte.
Par exemple, au sein d’un processus qui aurait en entrée 50 % de déchets plastiques, et qui produirait deux produits finaux, le pétrochimiste pourrait choisir d’attribuer tout le caractère recyclé à un produit, qui serait alors 100 % recyclé et l’autre 0 % recyclé. D’après Jean-Yves Daclin, « cela va tirer l’économie circulaire vers le haut en proposant des produits recyclés chimiquement, que les clients seront prêts à payer plus cher ». Des négociations sont en cours au niveau européen et un acte d’exécution dans le cadre de la directive sur les emballages uniques devrait aborder le sujet en 2023.
Des questions encore en suspens
Avec un cadre législatif plus inclusif pour les spécialistes du recyclage chimique, certaines questions demeurent. En effet, ces technologies sont particulièrement énergivores et produisent aussi des déchets ultimes, en faible quantité, mais qui devront être incinérés. Les défenseurs de l’environnement craignent que cette solution n’ait un trop mauvais bilan carbone. Mais les industriels se veulent rassurants. Certains d’entre eux, comme BASF et Sabic, ont réalisé des analyses de cycle de vie qui montrent que leur recyclage chimique est moins impactant que la production de résines vierges.
Même si le recyclage chimique est une solution complémentaire au mécanique, certains acteurs redoutent que son essor ne vienne durcir la compétition sur le marché des déchets, déjà exacerbée par la crise sanitaire. Pour Polyvia, « le risque le plus important étant que les déchets plastiques les plus faciles à traiter mécaniquement ne prennent le chemin des sites de recyclage chimique ».
Enfin, l’Echa (Agence européenne des produits chimiques) rapporte des inquiétudes « sur la capacité des différents procédés de recyclage chimique à éliminer les substances préoccupantes ». Certains additifs nocifs pourraient ainsi se retrouver dans les produits finaux. L’agence recommande donc de « mener des enquêtes dans les usines de recyclage chimique », afin d’étudier ces questions.
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