L’ADEME a réalisé quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050, compilés dans le rapport Transitions 2050 : choisir maintenant, agir pour le climat. L’objectif : « contribuer aux délibérations pour la prochaine stratégie française énergie-climat qui va construire notre prochaine stratégie nationale bas carbone », a rappelé Valérie Quiniou-Ramus, directrice exécutive prospective et recherche de l’ADEME, à l’occasion du 19e forum international de la météo le 17 mai à l’Hôtel de Ville de Paris.
Faire le pari d’une trajectoire plutôt qu’une autre suppose en effet des choix sociétaux importants. Quelle part donner à la sobriété ? Quelle place accorder à l’innovation et à l’industrie ? Faut-il s’appuyer uniquement sur des puits de carbone naturels ou accepter des puits technologiques pour atteindre la neutralité carbone ? Valérie Quiniou-Ramus souligne l’urgence pour le gouvernement de déployer une action concertée sur le sujet. « Il faut accorder nos violons pour aller sur une trajectoire qu’on choisira et qu’on va suivre, déclare-t-elle. C’est de la planification qui concerne tous les acteurs économiques, les collectivités locales et le grand public. »
La neutralité carbone est possible pour la France
« La neutralité carbone est possible [en 2050, NDLR], mais il est impératif d’agir dès maintenant », affirme Valérie Quiniou-Ramus. La réduction de la demande en énergie, ainsi que la place accordée à la consommation est le facteur clé pour l’atteindre. La pression exercée sur les ressources naturelles ainsi que la quantité totale des émissions de gaz à effet de serre générés jusqu’en 2050 dépendent en effet des scénarios.
Valérie Quiniou-Ramus explique : « Le scénario frugal est celui où on agit au plus vite. Entre le scénario 1 [« génération frugale » reposant sur la sobriété et les puits naturels, NDLR] et le scénario 4 [« pari réparateur », qui conserve les modes de vie actuels en pariant sur des solutions technologiques, NDLR], les émissions de gaz à effet de serre cumulées entre aujourd’hui et 2050 diffèrent : il y a environ cinq années d’émissions de gaz à effet de serre actuelles de la France en plus en 2050 dans le scénario 4. »
Lever les freins à une action concertée
Céline Guivarch, directrice de recherche au CIRED et co-autrice du troisième volet du sixième rapport du GIEC, confirme l’urgence à agir. Pour ce faire, elle invite à changer d’échelle les investissements dans la transition écologique. « À l’échelle mondiale, les flux d’investissements actuels dans les solutions d’efficacité et de transformation des différents secteurs sont d’un facteur 3 à 6 inférieurs à ce dont nous avons besoin le long des trajectoires compatibles avec un réchauffement de 2°C ou 1,5°C. Les secteurs où le facteur est le plus grand sont les transports, l’agriculture et la foresterie. »
Pourtant, comme l’a rappelé le troisième volet du rapport du GIEC, le monde a déjà à sa disposition des technologies pour baisser de moitié les émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs d’ici 2030. Et il ne manque pas de capitaux et d’épargne à l’échelle internationale. « C’est une question de réorientation : on investit encore trop dans les énergies fossiles qu’il s’agit de réorienter vers les solutions d’atténuation », poursuit Céline Guivarch.
On revient ainsi à la question de la planification au sommet de l’État, en concertation avec les acteurs économiques. « Le fléchage des investissements passera nécessairement par des politiques publiques pour augmenter les risques dans les placements polluants et faire baisser les risques de l’investissement dans la transition écologique », rappelle Céline Guivarch. Et ce sans oublier la société civile. « Les gens sont prêts à faire un effort, mais il y a vraiment la notion d’effort partagé entre citoyens, entreprises et État et volonté de planification et de transparence sur la cible et la trajectoire », conclut Valérie Quiniou-Ramus.
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