[Publié le 27 octobre 2011]
En matière d’environnement, la France a décidé d’engager une démarche particulièrement volontariste. Le plan Bâtiment est à l’image de cet engagement et fait figure de référent au niveau international. Un objectif ambitieux donne le cap à horizon 2050 : diviser par cinq la consommation moyenne d’énergie dans l’ensemble des bâtiments.
Le terrain d’action, pour le moins hétérogène, ne simplifie pas la tâche : il s’agit des parcs résidentiels (maisons individuelles, logements en copropriété et HLM) et du tertiaire privé et public (locaux, bureaux administratifs, écoles, commerces, entrepôts…). Cet ensemble devra progressivement être conduit vers une nouvelle norme de construction, à l’horizon 2020 : des bâtiments à énergie positive (c’est-à-dire qui consomment moins d’énergie qu’ils n’en produisent).
Alors que l’utilité économique du projet n’est plus à démontrer, la question, aujourd’hui, est la suivante : la France a-t-elle les moyens de son ambition ? Autrement dit, comment faire évoluer la demande d’habitations HQE alors que le taux de renouvellement du parc par la construction est de 1 % par an, que la population concernée est très hétérogène et que les maîtres d’ouvrage de la rénovation énergétique sont principalement des non professionnels ? Faut-il inciter ou obliger, mobiliser ou contraindre ?
Le dispositif actuel a fait le choix de la mobilisation en s’appuyant sur plusieurs leviers. Le premier est la recherche de la maîtrise des charges de fonctionnement – préoccupation importante pour les ménages qui peuvent consacrer jusqu’à 10 % de leurs dépenses en frais de chauffage ! Le second levier est l’impact du diagnostic de performance énergétique (DPE) sur la valeur des biens immobiliers. Enfin, les engagements pris en matière de développement durable par les grands groupes impliquent que les grands propriétaires d’actifs tertiaires s’engagent sur des parcs de qualité en matière énergétique.
Cependant, au-delà de ces facteurs incitatifs, plusieurs interrogations demeurent.
La première d’entre elles : le financement. Ne faut-il pas faire intervenir des tiers investisseurs, alors qu’entreprises et ménages restent peu enclins à dégager du budget pour ce type de dépense, et qu’aucune incitation n’est prévue pour le parc tertiaire ? À l’heure actuelle, le crédit d’impôt et l’ éco prêt à taux zéro sont des leviers incitatifs pour le parc privé. La rénovation des bâtiments publics de l’État est financée principalement par l’administration utilisatrice. En revanche, pour les autres biens, l’État recherche la participation d’opérateurs privés sous forme de contrat de performance énergétique notamment, en partenariat public-privé, nécessitant flux financiers ou tiers-investisseurs. La Caisse des dépôts a, d’ailleurs, amorcé une réflexion à ce sujet.
Ensuite, l’épineuse question de la garantie de performance et sa potentielle réglementation : sur quels critères évaluer l’évolution de la consommation ? De quelle manière mesurer le ROI ? Une première piste consiste en une garantie réelle de consommation au compteur. En cas de dépassement, l’entreprise de rénovation dédommage le propriétaire qui rétrocède une partie de la somme aux locataires pour compenser le dépassement de charges. Quant à la réglementation, elle est sans doute nécessaire, mais non urgente et très complexe.
Dernière interrogation majeure : de quelle manière ordonnancer des actions de rénovation souvent engagées de manière anarchique, sans vision de long terme ?
Quoi qu’il en soit, cette « révolution énergétique » ne pourra s’opérer sans la transformation d’une offre principalement portée par de petites entreprises artisanales. Trois axes de travail majeurs se dégagent pour les acteurs du bâtiment :
- apprendre à mieux travailler ensemble afin de développer un véritable processus industriel ;
- lancer à grande échelle de nouvelles actions de formation pour qualifier la plupart des entreprises ;
- et mettre en réseau les différents acteurs pour garantir une plus grande rigueur et qualité de service.
Dans cette optique, les travaux ont déjà commencé, les fédérations du bâtiment ayant accepté le principe selon lequel seules les entreprises qualifiées pourront réaliser des travaux subventionnés, et qu’il leur revenait de définir le moyen d’identifier clairement ces dernières. Par ailleurs, les appels d’offres publics devraient aussi intégrer cette exigence de qualification.
Au cœur de cette transformation de l’offre, la capacité des entreprises du bâtiment à penser et à accomplir différemment leur mission, et sans nul doute, l’émergence de nouveaux métiers, sinon de nouveaux acteurs : à titre d’exemple, des architectes, ou encore des assistants à maîtrise d’ouvrage qui accompagneraient les choix et veilleraient à l’efficacité des processus de rénovation.
Par Philippe Pelletier, avocat spécialisé en droit immobilier et président du comité stratégique du « Plan Bâtiment Grenelle »
(Source : La Fabrique de la Cité)
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