La section 15, dans ses recherches, est soucieuse de correspondre aux enjeux sociétaux. Pour cette raison, les problématiques d’importants domaines tels que celui de l’énergie, l’environnement, l’habitat, les technologies de l’information et de la communication, les matériaux de structure et la santé sont pris en compte. Voici un tour d’horizon non exhaustif des différentes fonctionnalités et objectifs des nouveaux matériaux.
La création de matériaux
« Créer de nouveaux matériaux, déterminer leur structure, étudier et optimiser leurs propriétés constituent le fondement de l’activité du chimiste. » La créativité est primordiale; c’est par elle que les chercheurs parviennent à faire émerger de nouvelles perspectives chimiques. En effet, qu’ils explorent la chimie du solide et de la métallurgie ou qu’ils se tournent vers la découverte de nouvelles voies de synthèse comme la chimie douce; les chimistes dégagent de nouvelles formules, de nouvelles textures, de nouvelles structures, qui elles-mêmes conduisent à des matériaux auparavant inimaginables. Ainsi donc, le chimiste s’appuie sur l’observation et la manipulation de la nature des relations chimiques créées lors de la synthèse et de la mise en forme des matériaux.
Un travail d’autant plus difficile que les paramètres à prendre en compte sont extrêmement abondants. Parmi ces paramètres, citons au moins la stabilité intrinsèque des liaisons chimiques ainsi que la compétition qui règne entre elles. Pour cela, les techniques de modélisation et de simulation s’avèrent efficaces car elles guident les chimistes qui peuvent s’en servir pour approfondir leurs intuitions. Les chimistes se doivent de considérer tout type de matériaux, quelle que soit leur morphologie ou leur propriété car ils jouent, chacun à leur manière, un rôle essentiel dans différents domaines.
L’un des aspects de la recherche consiste à définir la caractérisation structurale des matériaux. La tâche est complexe, mais heureusement des outils sont à disposition. L’association de techniques est courante dans ce genre d’opération. La diffraction des rayons x, ou la méthode de Rietveld, développée en 1969 se révèle être fréquemment employée. Elle peut être couplée à la microscopie électronique, la RMN du solide, l’absorption X, l’XPS, la spectroscopie Mössbauer et la spectroscopie Raman. Ces techniques amènent à une connaissance multi-échelles des matériaux. Mais les chimistes ont d’autres outils pour enrichir leur connaissance. En grande partie parce qu’ils bénéficient des avancées technologiques constantes. Sans elles, impossible d’étudier aussi précisément les structures et compositions des nouveaux matériaux et nanomatériaux. Les instruments servent les techniques de recherche, il est normal qu’ils évoluent. Ainsi les grands instruments, les instruments de mesure optique, les plateformes de haut niveau sont sans cesse perfectionnées.
L’élaboration des nouveaux matériaux doit se faire en concordance avec l’attrait qu’ils représentent ainsi que la demande sociétale. C’est-à-dire qu’ils doivent répondre aux attentes définies lors d’une production à grande échelle et être respectueux de l’environnement et du développement durable. La section 15, qui est au cœur de la recherche sur les nouveaux matériaux, poursuit ces objectifs. Par les talents qu’elle regroupe, les stratégies qu’elle développe et les relations qu’elle entretien avec d’autres sections, elle connaît plusieurs succès dans le domaine des nanomatériaux (NTC), des céramiques et de la métallurgie. Les nombreuses expérimentations, par méthodes combinatoires, simulation et modélisation, bien que coûteuse, vont dans ce sens. Son champ d’études comprend également les matériaux connus, auxquels les chimistes développent leurs procédés d’élaboration, de transformation et de mise en forme.
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Les matériaux et les enjeux sociétaux
L’environnement joue un rôle désormais majeur dans le développement des matériaux. Compte tenu des problématiques telles que la diminution des réserves en énergie fossiles ou le réchauffement climatique, de nouvelles techniques de production, de conversion et de stockage ont été mises en place afin de réduire les émissions de CO2 et de mieux maîtriser la consommation dans chaque secteur.
La section 15 dirige donc une partie de ses recherches vers la conversion de l’énergie des matériaux. Quelques matériaux sont d’ores et déjà à l’étude et ouvrent des voies nouvelles de recherche. Notamment les matériaux de type photovoltaïque car « la conversion de l’énergie lumineuse en énergie chimique représente une voie très prometteuse et riche. » À cet effet, diverses technologies sont développées comme les technologies du silicium et la voie « cellule de Grätzel ». Les piles à combustibles présentent elles aussi un bon rendement de conversion. Encore en développement, les PEMFCS fonctionnant à basse température (60-120°C), les SOFCs fonctionnant à haute température (700-1000°C), les piles céramiques à conduction protonique (PCFC) devraient ouvrir quelques portes de recherche. C’est également le cas pour les matériaux de type thermoélectrique, c’est-à-dire ayant la capacité de « transformer réversiblement l’énergie thermique en électricité ».
Les chimistes de la section 15 poursuivent la recherche de nouveaux matériaux plus performants ou tendent à améliorer ceux existant via la nanostructuration. « Parmi les nouveaux matériaux prometteurs, on peut citer les composés dérivés de Mg2Si et les travaux sur les systèmes composites. » Enfin, les scientifiques explorent l’effet magnétocalorique (EMC). Cette technique, employée pour la réfrigération, peut échauffer ou refroidir un solide lorsqu’il est soumis à un champ magnétique. Or la réfrigération se révèle très intéressante parce qu’elle « peut offrir une alternative moins énergivore et plus écologique aux systèmes thermiques classiques en raison d’une plus grande efficacité thermodynamique et de l’absence de polluant atmosphérique. »
Nous le savons, les ressources en énergies fossiles s’amenuisent. Les chercheurs se tournent par conséquent vers des matériaux de stockage. Dans le cas de la production d’électricité, les chercheurs se penchent principalement sur l’amélioration des batteries. Car le stockage du vecteur « électricité » présente quelques difficultés, dont celle d’être lissé sur une échelle de temps voulu. L’exemple le plus parlant est la production d’électricité par origine éolienne ou photovoltaïque. En effet, l’énergie ainsi produite fluctue selon les conditions météorologiques et est donc imprévisible. C’est pourquoi des systèmes à base de lithium, des systèmes au sodium, des systèmes lithium-air, des accumulateurs organiques éco-compatibles sont travaillés et optimisés afin d’offrir des performances accrues. Sans oublier le stockage d’hydrogène, dont les recherches pourraient se révéler particulièrement intéressantes. On constate une nouvelle fois que le développement des nouveaux matériaux – ici de matériaux d’électrode – joue un rôle majeur.
Et il y a le nucléaire. Face à la demande énergétique en constante augmentation, les chercheurs de la Section 15 se sont impliqués dans le nucléaire « durable ». Cela signifie que le développement des systèmes nucléaires ne peut se faire qu’en accord avec ces trois axes : économies de ressources naturelles, gestion optimisée des déchets et leur réduction ainsi que minimisation des risques de prolifération. La Section 15 contribue à la réussite de ces objectifs par les diverses recherches fondamentales qu’elle entreprend. Notamment celles portant sur la construction de matériaux de structure (cuves de réacteurs et circuits de refroidissement primaires et secondaires), la construction de matériaux de gainage du combustible, le confinement des déchets, les combustibles innovants, le retraitement et le recyclage du combustible usé…
« Les matériaux sont également incontournables pour l’amélioration de la qualité de vie dans l’habitat. » Les recherches sur les nouveaux matériaux destinés à l’habitat s’intensifient d’année en année tout en étant sensibilisées aux problématiques écologiques, environnementales et technologiques. Les grandes familles de matériaux fonctionnels se doivent d’ailleurs de répondre à deux exigences : la sobriété énergétique des bâtiments et la qualité de vie des occupants. Ainsi de nombreux matériaux sont à l’étude et permettent d’enrichir les connaissances des chercheurs. Citons entre autres les méso poreux, les matériaux à changement de phase, les matériaux catalytique, les matériaux actifs en photo catalyse et en électro catalyse… Les chimistes du solide travaillent sur la science des matériaux, la thermodynamique, l’ingénierie.
En phase avec l’essor des technologies de l’information et de la communication (TIC), la section 15 n’a de cesse d’en faire innover et améliorer les matériaux. Dans ce domaine, le développement des technologies liées à l’optique et la photonique, comme les guides d’ondes, occasionne de nombreuses avancées. La raison tient au fait que le champ d’applications apparaît très vaste et plein de possibilités.
Les matériaux multifonctionnels. Une dizaine de laboratoires de la section 15 oriente ses recherches vers les matériaux multiferroïques, c’est-à-dire les matériaux à la fois ferromagnétiques et ferroélectriques. À cela rien d’étonnant, car « le magnétisme et la ferroélectricité sont les deux piliers des technologies actuelles pour le stockage ». Le sujet a connu quelques découvertes grâce à l’utilisation des méthodes de synthèse et de caractérisation structurale.
L’étude des méta-matériaux et des cristaux photoniques laisse entrevoir de nouvelles perspectives pour les chimistes. L’élaboration de ces matériaux est certes complexe, car elle nécessite d’être pluridisciplinaire, toutefois elle peut aboutir à de nouvelles propriétés. « Les défis que se proposent de relever les chercheurs sont à la hauteur de la complexité des systèmes à construire : matériaux à indice de réfraction négatif pour super-lentilles, lasers sans seuil accordables, cavités photoniques bidimensionnelles formant des guides d’ondes planaires et bien d’autres applications en optique. » Parmi les techniques permettant d’obtenir des structures méta-cristallines, on retrouve les techniques d’auto-assemblages naturels, orientés ou dirigés ainsi que la technique Langmuir-Blodgett.
Malgré le déclin progressif de la métallurgie en France, les chimistes, poussés à la fois par des institutions académiques et des industriels, s’ingénient encore à découvrir de nouveaux matériaux. Les acteurs du secteur métallurgique désirent tous plus ou moins la même chose : faire des économies d’énergie et préserver l’environnement. Pour ce faire, les matériaux sont allégés par divers procédés, les polluants remplacés. Encore une fois, la simulation sur ordinateur et la modélisation se sont révélés efficace.
Dans le domaine de la santé maintenant, les chimistes de la Section 15 s’emploient à créer de nouveaux matériaux et biomatériaux. « Ce domaine de recherche des «Matériaux pour la santé» concerne la conception, la synthèse et la caractérisation d’un champ très vaste de matériaux (isolant, semi- conducteur ou métallique ; cristallisé ou amorphe) de morphologie pouvant aller du massif au nano-objet. » Ainsi, cristaux scintillateurs, scintillateurs inorganiques, oxydes mixtes denses (LSO, LYSO) et céramiques transparentes font partie de ces matériaux particulièrement intéressants. Et la recherche s’articule aussi autour des films minces inorganiques, hybrides, méso structurés, nanostructurés ou à structures hiérarchisées car les applications dans le domaine de la santé sont nombreuses. Les nanomatériaux inorganiques s’avèrent particulièrement utile dans l’imagerie médicale. La thématique Biomatériaux, développée par les chimistes, offre de belles promesses. L’Homme vit plus longtemps mais ses tissus, ses organes, son corps dépérissent tout de même avec le temps. Voilà pourquoi le développement des matériaux synthétiques est si important. D’autant qu’ils présentent des avantages non négligeable tels que la diminution des risques d’infections, le faible coût, l’alternative à un prélèvement de greffon de soi… Enfin, l’un des derniers pans de la recherche s’appelle «Bio mimétisme et matériaux»; lorsque la nature est le modèle qui inspire les chercheurs. « Il s’agit de l’approche bio-inspirée du chimiste du solide. »
Par Sébastien Tribot, journaliste scientifique
- Voir le rapport du CNRS : ‘Chimie des matériaux Nanomatériaux et procédés’
Cet article se trouve dans le dossier :
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