Incubée à Télécom ParisTech, cette start-up créée en 2017 a bénéficié d’une levée de fonds de 5,5 millions d’euros en 2021. Explications avec Pierre-Emmanuel Dumouchel, fondateur de Dessia
Techniques de l’Ingénieur : Comment des « bots » peuvent-ils aider des ingénieurs dans leurs prises de décision ?
Pierre-Emmanuel Dumouchel : je vais prendre comme exemple le cas de Renault avec lequel nous avons travaillé à définir l’architecture de refroidissement. Lorsque vous placez votre moteur thermique, la boîte de vitesse et d’autres éléments comme la climatisation, les ingénieurs ont le choix entre des millions de façons de router tous les systèmes de refroidissements, de placer les échangeurs… Dans ce cas précis, nous avons développé un bot qui va générer de façon exhaustive tous les chemins possibles et qui en proposent au final une centaine qui sont très intéressants, dont les trois premières qui sont considérées comme les plus optimisées. C’est ce qu’on appelle l’aide à la décision.
L’intégration de ces « compagnons virtuels » a-t-elle été facilement acceptée ?
Au départ, notre objectif était de tout automatiser dans la recherche d’une solution optimale. Cependant, nous avons réalisé qu’il était crucial de permettre à l’ingénieur de choisir la solution à adopter afin de garantir l’acceptabilité de l’approche. En général, nous constatons que les ingénieurs sont disposés à adopter de nouvelles méthodes de travail en déléguant certaines tâches de génération exhaustive à un bot. Toutefois, il est essentiel pour eux de reprendre le contrôle en fin de processus.
En réduisant la durée d’une itération de design, votre solution pourrait inciter les entreprises à réduire leurs équipes d’ingénieurs ?
C’est une façon de voir les choses, mais toutes les grandes entreprises avec lesquelles nous travaillons dans l’automobile (Renault), l’aéronautique (Airbus) et le ferroviaire ne sont pas dans cette logique-là. Elles veulent libérer les ingénieurs des bureaux d’études et autres pour pouvoir les mobiliser sur des tâches à plus forte valeur ajoutée telle la recherche et l’innovation de rupture à plus long terme comme la propulsion à l’hydrogène. Pour les constructeurs français, le principal défi est de ne pas prendre trop de retard par rapport à Tesla et aux marques chinoises qui arrivent sur le marché.
Il faut repenser la façon de concevoir les produits si l’on veut être compétitif
Oui. Pour l’instant, nous déployons des bots chez nos clients sur des métiers isolés dans un premier temps. Mais rapidement, les industriels se rendent compte que cette intégration présente des avantages. Avec une reformulation du savoir de leurs différentes équipes, l’entreprise est amenée à des réflexions plus profondes afin de revoir sa façon de travailler des différents métiers et de modifier ses interfaces.
Quels nouveaux métiers pourraient apparaître grâce à l’IA ?
Dans l’industrie, il y a déjà des distinctions entre département « méthodes » et « opérationnel ». Nos clients veulent évoluer en augmentant considérablement la taille des départements « méthodes » et réduire l’autre partie opérationnelle. Celle-ci serait de plus en plus avec des processus automatisés. Les départements « méthodes » comprendraient des data scientists qui seraient en quelque sorte les « artisans » chargés d’outiller tous les processus automatisés. Si l’on regarde la façon de travailler chez Tesla, on constate que les services qui pensent à l’intégration de l’IA sont très développés.
Quels sont vos projets ?
Dans un premier temps, notre objectif est de nous développer à l’échelle européenne. Notre défi technique consiste à améliorer nos approches pour nous orienter vers le Low-code, de manière à ce que les ingénieurs généralistes, qui ne sont pas des experts en data-science et qui travaillent dans des ETI où il y a peu, voire pas du tout, de profils de data scientist, puissent utiliser nos outils pour développer leur propre bot. En proposant des solutions Low-code, nous visons à améliorer l’accessibilité et l’usage de nos bots dans les entreprises.
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