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Photovoltaïque : l’hétérojonction dans les starting-blocks industriels

Posté le 29 mai 2019
par Sophie Hoguin
dans Innovations sectorielles

Avec l’annonce en début d’année d’un nouveau record de rendement de cellules photovoltaïques basées sur la technologie d’hétérojonction au silicium et les premiers projets industriels, cette technologie confirme son potentiel et propose des perspectives très intéressantes combinées à des cellules pérovskites.

Le Laboratoire d’Innovation pour les Technologies des Energies Nouvelles et les nanomatériaux (Liten) du CEA travaille depuis plus de 15 ans sur la technologie hétérojonction de silicium pour développer des cellules photovoltaïques à haut rendement. Début 2019, le CEA annonçait ainsi un nouveau record certifié, de 23,9 %, sur la globalité de la surface d’une cellule de taille standard (244cm2) avec une métallisation réalisée par sérigraphie classique. La cellule a été fabriquée sur la ligne pilote du CEA basé à l’INES (institut national de l’énergie solaire). Par ailleurs, le CEA a aussi annoncé la fabrication d’un module hétérojonction d’une puissance de crête de 348W en partenariat avec l’industriel suisse Meyer Burger, spécialiste des technologies solaires. Les cellules à hétérojonction présentent de nombreux avantages en termes de fabrication, de rendement et de cycle de vie qui suscitent aujourd’hui l’intérêt de plusieurs industriels.

Haut rendement, fabrication simplifiée

Les cellules à hétérojonction de silicium sont constituées d’un cœur de silicium monocristallin de type N dopé au phosphore et rendu semi-conducteur. A partir de cette base, les étapes de fabrication sont limitées et simplifiées : gravure par bain chimique pour former des pyramides sur les wafers, nettoyage, dépôt par plasma de couches nanométriques de silicium amorphe, puis d’une couche de silicium amorphe dopée N sur une face et dopée P sur l’autre face. Le process s’effectuant à 200°C (beaucoup moins que les autres process utilisés pour la fabrication de cellules photovoltaïques qui nécessitent des étapes à des températures de 400°C voire 800°C). Il reste ensuite à déposer un oxyde transparent conducteur sur les deux faces et sérigraphier un motif de lignes métalliques pour la collecte des charges électriques. Les cellules ainsi fabriquées sont donc quasiment symétriques et permettent des applications bifaciales (récupération de la réflexion de la lumière en sous-face des modules avec amélioration du rendement de 8 à 15%). Ces cellules sont aussi plus efficaces qu’une cellule standard quand la température s’élève (elles perdent 0,25 % par degré contre 0,35 % pour une cellule classique). Par ailleurs, l’analyse de leur cycle de vie est aussi meilleure : moindre empreinte écologique et énergétique, meilleure recyclabilité. Seule la présence d’Indium, une terre rare chère pour le moment, est un frein, mais les quantités mises en jeu restent modestes comparées aux secteurs de la télévision ou de la téléphonie et les gisements mondiaux sont encore peu exploités. Du point de vue de la fabrication, le CEA a réussi à fabriquer des cellules 5 busbars avec une cadence de 2400 cellules/heure permettant d’envisager réellement des concrétisations industrielles.

Des configurations et des couplages à explorer

Afin de produire des solutions photovoltaïques à haut rendement, les cellules à hétérojonction de silicium ont été assemblées en module complet grâce à un partenariat entre le CEA et Meyer Burger. Un module de 120 cellules a réussi à atteindre 348W de puissance nominale (en comparaison, les meilleurs modules du marché utilisant 60 cellules présentent des puissances de l’ordre de 320W). Pour profiter des atouts de l’hétérojonction, Charles Roux, chef du laboratoire CEA-Ines Grenoble, explique dans les colonnes de Bâti Actu qu’une installation avec des panneaux placés verticalement et orientés Est-Ouest pourrait permettre de profiter de deux pics de production (à 10h et à 16h) pour compléter une installation classique orienté sud (pic à midi) et ainsi lisser la production sur la journée. Par ailleurs, le couplage avec d’autres technologies comme les cellules photovoltaïques avec contacts en face arrière, ou les cellules à pérovskites, permet d’envisager des rendements de 32 %. Cependant, pour les cellules à pérovskite (qui captent le spectre dans l’ultra-violet et le début du visible, et sont donc complémentaires de l’hétérojonction qui capte dans le spectre visible et l’infra-rouge), il faudra encore attendre qu’on réussisse à les produire sur des surfaces plus importantes et qu’on assure leur stabilité dans le temps.

Des projets industriels en vue

Le modèle et le coût des cellules à hétérojonction pourraient rapidement devenir compétitifs, surtout pour des usines de grande envergure. Ils font déjà l’objet de deux projets industriels en Europe. En Italie, tout d’abord, où la société 3Sun, filiale d’Enel Green Power, a lancé l’an dernier la reconversion de son usine de panneaux photovoltaïques de Passo Martino pour en faire le premier site de production de modules avec des cellules solaires bifaciales en technologie à hétérojonction dans le monde. L’investissement total de 100 millions d’euros est partiellement cofinancé par le programme européen Ampere (Automated photovoltaic cell and Module industrial Production to regain and secure European Renewable Energy market) auquel participe le CEA. Le plan de montée en puissance de l’usine prévoit d’atteindre une capacité de production de 200MWc au 3e trimestre 2019. Vingt millions d’euros du budget ont été alloué à la création d’un campus de recherche et d’innovation de plus de 100 000m2 autour des énergies renouvelables et des nouvelles technologies (IoT, IA, réalité virtuelle, big data, automatisation…). Côté français, Recom-Silia a annoncé début mars 2019 (interview actu-environnement) un projet d’une usine de grande envergure (1GW) à Lyon dont la production concernerait notamment des modules à hétérojonction.

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Visuel d’illustration de l’article : ©CEA


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