Sur la ligne pilote du CEA Liten à l’Institut national du solaire (Ines), à Chambéry, vient d’être produit un lot de cellules au rendement record de 24%, avec un pic de 24,25% certifié par le CalTec pour les meilleures cellules. La voie vers les 25% est plus que jamais à portée… Ainsi que le retour d’une industrie du photovoltaïque européenne.
Un subtil millefeuille
Comme le rappelle le CEA, l’hétérojonction, c’est faire un subtil millefeuille de cellules de matériaux différents (silicium monocristallin et silicium amorphe notamment) contrairement à l’homojonction qui repose sur un seul matériau (silicium monocristallin). L’ajout de couches, dopées P et N+, de silicium amorphe (d’une dizaine de nanomètres), de part et d’autre du silicium monocristallin (dopé N), favorise l’attraction des électrons vers les zones de collecte. Ce dépôt est réalisé en phase vapeur assisté par plasma (PECVD).
Ces couches sont elles-mêmes recouvertes, toujours en phase vapeur, d’un oxyde transparent conducteur qui permet le transport latéral des électrons et améliore le confinement optique des photons. Enfin, les surfaces actives de la cellule sont texturées : des pyramides micrométriques permettent de piéger les photons, qui rebondissent sur leurs faces, pour en capter jusqu’à deux fois plus qu’avec une surface plane.
Ce procédé dispose d’au moins trois grands avantages. D’abord, les cellules sont bifaciales, ainsi, la face arrière de la cellule étant également active, une partie des rayons du soleil réfléchis par le sol peut être captée, permettant ainsi un gain de rendement de conversion de l’énergie lumineuse en électricité autour de 10 %.
Ensuite, alors que toutes les cellules solaires voient leur rendement baisser à mesure que la température du dispositif augmente avec l’exposition au soleil, grâce à l’hétérojonction, le coefficient thermique des cellules est bien meilleur. La «perte» de rendement passe d’environ 0,35% par degré à 0,25% par degré.
Enfin, grâce à des rendements de conversion élevés, l’hétérojonction permet d’utiliser moins de matière (cellule, modules, structures de montage). De même, ces procédés de fabrication ont un moindre impact environnemental. Notamment le procédé s’effectue à 200°C, soit de deux à quatre fois moins que pour les procédés des cellules classiques.
Industrialisation
Le seuil des 24% a été obtenu en prenant toute la surface de cellules de taille industrielle M2 de 244 cm2, précise un communiqué de CEA-Tech/Liten.
Le laboratoire, qui travaille sur le développement de la technologie depuis une quinzaine d’années, a en outre réussi à produire ces cellules avec des équipements industriels sur une cadence de 2 400 pièces par heure. Des résultats obtenus en optimisant notamment le dépôt par PECVD des couches nanométriques de silicium amorphe, en améliorant les couches d’oxyde transparent conducteur tout en réduisant les dommages liés à la manipulation des plaques durant la production, précise le Liten.
Ces travaux confirment le potentiel de la technologie des cellules photovoltaïques à hétérojonction de silicium, tant du point de vue technologique qu’industriel. Les chercheurs du Liten poursuivent leurs efforts pour améliorer l’industrialisation de la technologie (réduction des coûts de fabrication, amélioration de la qualité et de la productivité), et porter le rendement de conversion au-delà de 24%.
D’ores et déjà, les travaux du CEA Liten sont sur le champ industriel, via le lancement par 3Sun, la filiale de l’italien Enel Green Power, d’une usine fonctionnant 24h/24, capable de livrer 200 MWc par an, à Catane. Une usine à 80 millions d’euros, financée partiellement par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, plus particulièrement le programme Ampere (Automated photovoltaic cell and Module industrial Production to regain and secure European Renewable Energy market), auquel est intimement associé le CEA Liten.
Comme l’a bien résumé, lors de l’ouverture de la conférence européenne de l’énergie photovoltaïque (EU PVSEC) 2019, à Marseille, en juillet dernier, Florence Lambert, directrice du CEA Liten et présidente de ladite manifestation : «le solaire va se généraliser et devenir la principale énergie mondiale. Nous devons avoir la volonté de convertir cette dynamique en opportunité industrielle et en faire de la valeur économique en France et en Europe». Le PV européen en est désormais à un pas.
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