Le jeudi 4 avril, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi visant à protéger la population contre les risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Ce texte reprend en grande partie les recommandations du rapport « PFAS, pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? » élaboré par le député MoDem Cyrille Isaac-Sibille. La proposition de loi prévoit l’interdiction des rejets de PFAS dans l’environnement et le financement de la dépollution des milieux. Elle doit désormais être confirmée au Sénat.
La proposition de loi veut interdire certains usages non essentiels, tels que les farts, les cosmétiques et les textiles d’habillement contenant des PFAS à partir du 1er janvier 2026. Mais les députés n’ont pas trouvé de consensus sur l’interdiction de ces produits dans les ustensiles de cuisine. L’UE travaille pour sa part à restreindre leur usage dans les emballages alimentaires à partir de 2026, dans le cadre du règlement emballages (PPWR).
Les PFAS, partout dans l’environnement
Les PFAS sont une large famille de plusieurs milliers de composés chimiques omniprésents dans notre quotidien. D’après Vie publique, 256 seraient produits industriellement, mais une base de données sur la toxicité, de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, en répertorie plus de 14 000. Cette large répartition pose des difficultés pour dresser un état des lieux des pollutions et bien documenter les impacts sanitaires potentiels. Malgré tout, les industriels en sont friands en raison de leurs propriétés chimiques, notamment de résistance à l’eau et aux températures élevées. Nous les retrouvons dans les ustensiles de cuisine, les textiles, les emballages alimentaires et les cosmétiques.
Cette famille de composés chimiques entre donc dans la composition de poêles antiadhésives, avec des revêtements en PTFE (polytétrafluoroéthylène), plus connu sous le nom commercial de « téflon » depuis 1945. Un autre PFAS, le PFOA (acide perfluorooctanoïque), servait à fabriquer ce PTFE. Il a été interdit en juillet 2020 en Europe en raison de sa toxicité et de sa persistance dans l’environnement. En décembre 2023, le PFOA a d’ailleurs été classé comme « cancérogène pour les humains » (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Le PFOA a été remplacé par d’autres produits chimiques, comme les polymères GenX ou le PFBS (acide perfluorobutane sulfonique) et ses sels, dont l’innocuité pose également question. L’Agence européenne des produits chimiques (Echa) les a inscrits sur sa liste des substances extrêmement préoccupantes en 2019.
Des scientifiques montent au créneau
Alors que Tefal se réjouit de l’exclusion des ustensiles de cuisine de la future loi d’encadrement de l’usage des PFAS, un collectif de scientifiques et de vulgarisateurs a publié une tribune dans le Monde pour demander que « les PFAS soient gérées comme une classe chimique unique, au nom de leur persistance et de leurs risques démontrés ou potentiels sur la santé humaine et environnementale ». Cela permettrait de mieux encadrer les usages liés à l’utilisation de ces composés dont il reste difficile de documenter l’ensemble des risques sanitaires. Alors qu’il en existe des milliers, « l’évaluation du risque sanitaire causé par chaque PFAS peut prendre des décennies », rappelle le collectif.
Pierre Labadie, directeur de recherche en chimie de l’environnement au CNRS, estime auprès de France info que « dire qu’il n’y a pas de problèmes avec le PTFE est une contre-vérité ». La fiche toxicologique du PTFE fournie par l’INRS mentionne : « Dans les différentes opérations de transformation et lors des manipulations, le risque principal est dû au dégagement de particules fines et de gaz sous l’action de la chaleur. Les risques dus aux additifs, essentiellement aux charges, se manifestent surtout au moment de leur incorporation ou lors des travaux d’usinage. Certains produits (acide phosphorique, acide chromique, sels de chrome) employés avec le polymère pour les revêtements ont, en plus de leur nocivité propre, la propriété de diminuer notablement la stabilité du polymère à la chaleur. La décomposition commence alors à des températures inférieures à celles couramment admises. » En plus, via l’émission de particules et gaz toxiques, l’institut signale que « les opérations de transformation du polytétrafluoréthylène présentent des risques certains lorsqu’elles font intervenir des températures supérieures à 350°C. »
Les industriels soulignent le peu de risques que fait courir le PTFE lors de conditions normales d’utilisation. Mais il convient de s’intéresser aux impacts du PTFE lors de sa production et non pas seulement lors de son utilisation. En ce sens, Pierre Labadie rappelle que « la production et l’utilisation de fluoropolymères comme le Téflon peuvent engendrer des émissions de toute une gamme de composés dans l’environnement ». Il ajoute qu’« on peut penser que le PTFE puisse se fragmenter et générer des microparticules voire des nanoparticules capables de pénétrer dans les cellules des organismes vivants ».
Pour sa part, le gouvernement vient de lancer un plan interministériel sur les PFAS, structuré autour de cinq axes d’actions. Premièrement, face au manque d’informations sur les impacts des PFAS sur la santé et sur l’environnement, il s’agira de développer des méthodes de mesure des émissions, des contaminations de l’environnement et de l’imprégnation des humains et des autres organismes vivants. Il s’agira ensuite de développer des « scénarios robustes d’évaluation d’exposition des organismes (humains et autres organismes vivants) prenant en compte les multiples voies (ingestion, inhalation, contact cutané) et sources d’exposition ». Le gouvernement entend enfin renforcer les dispositifs de surveillance des émissions, réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS et soutenir la recherche, tout en améliorant l’information auprès de la population.
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