À cause notamment de la pandémie, la production de microprocesseurs n’arrive pas à fournir la demande mondiale. Les ventes de différents secteurs comme l’automobile et l’électronique grand public sont impactées. Cette situation souligne aussi l’extrême dépendance de l’Europe, mais aussi des États-Unis et de la Russie, vis-à-vis de deux fondeurs asiatiques. Pour s’en sortir, l’Europe et les États-Unis les accueillent à bras ouverts et multiplient les investissements colossaux.
La pandémie de Covid-19 a fait flamber la demande de semi-conducteurs. La sortie mondiale de deux nouvelles consoles de jeux (PlayStation 5 et XBox X) et le début du déploiement des infrastructures des réseaux 5G ont été impactés. Cette pénurie mondiale a aussi touché des secteurs industriels comme l’automobile.
Et la guerre en Ukraine n’arrange rien. Résultat, cette situation devrait perdurer cette année, car la capacité de production des fondeurs de semi-conducteurs est insuffisante par rapport aux besoins. Or, ce marché est aux mains de deux fondeurs, le Taiwanais TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) et le Sud-Coréen Samsung.
Impossible pour un concurrent de casser cette position de duopole, même par le géant américain Intel qui a multiplié les erreurs et ne maîtrise pas les dernières technologies. Le nouveau patron du géant américain du secteur, Pat Gelsinger, a beau annoncer des investissements initiaux de 20 milliards de dollars pour ces nouveaux sites en Arizona, le retard est impossible à combler. Les deux poids lourds asiatiques investissent des dizaines de milliards de dollars par an depuis dix-quinze ans !
L’Europe met 43 milliards sur la table
Dans ce contexte, de nombreux pays, y compris les États-Unis et la Russie, tentent d’être moins dépendants. Dès le début de l’invasion en Ukraine, différents fondeurs (les Américains Intel et AMD mais aussi TSMC) ont annoncé qu’ils arrêtaient les livraisons de composants électroniques à la Russie. Une épine de plus dans le pied de Poutine ! Même si la Russie a développé ses propres circuits électroniques, sous la marque Baïkal, ces derniers sont fabriqués par… TSMC.
Pour le vieux continent, il y a urgence à renforcer le plus vite possible ses capacités de production de microprocesseurs sur son sol. L’Europe a pris conscience que les microprocesseurs sont partout. Le Chips Act est un signal fort. Pour multiplier par deux la part de marché de l’Europe – actuellement 10 % – dans les semi-conducteurs d’ici 2030, la Commission a annoncé une enveloppe budgétaire de 43 milliards d’euros.
L’Europe a des atouts pour les prochaines années sur la chaîne complète de fabrication des microprocesseurs. À commencer par ASML. Inconnu du grand public, ce groupe néerlandais est le leader mondial de la fabrication de machines de photolithographie pour l’industrie des semi-conducteurs.
« Peut-elle accoucher d’un TSMC ? Non, selon moi, car nous n’avons plus le temps. Il faudrait des dizaines de milliards d’investissements et de la compétence. La bonne démarche, et qui a déjà démarré, c’est “bienvenue aux fondeurs asiatiques” ! Si ces deux fondeurs disposent d’usines sur le vieux continent, nous serons à l’abri, géographiquement parlant, d’une guerre ou d’un conflit entre la Chine et Taïwan. Il ne faut pas tarder, car ces projets mettent 4 à 5 ans pour être concrétisés, surtout en Europe avec les lourdeurs administratives et la guéguerre entre les pays pour savoir où seront installées ces usines », prévient Louis Naugès, spécialiste des technologies numériques.
Conserver ARM, un acteur clé pour l’Europe
Le vieux continent pourrait ainsi s’assurer une forte résilience et se mettre à l’abri des chocs éventuels qui pourraient se produire dans les autres continents. Sa stratégie s’inspire d’ailleurs de celle adoptée par les États-Unis. Des usines des deux leaders asiatiques sont en cours de déploiement. Pour l’Europe et les États-Unis, la principale crainte réside dans l’invasion de Taiwan par la Chine. La mainmise de la Chine continentale sur les activités de TSMC aurait un impact très fort sur l’industrie mondiale du numérique.
« Une fermeture éventuelle du robinet “microprocesseurs” TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) par la Chine continentale aurait plus d’impacts sur l’économie mondiale que la crise pétrolière de 1973 », considère Louis Naugès.
L’Europe doit aussi protéger ses cartes maîtresses comme ASML qui est en forte croissance. Pour Louis Naugès, il est également important d’investir dans « ARM, car c’est un concepteur clé pour tous les microprocesseurs intégrés dans les smartphones. »
Le rachat d’ARM par l’américain NVIDIA a été définitivement bloqué en 2022, suite au blocage des Européens et des Américains. Softbank, son actionnaire japonais actuel, prévoit donc de faire rentrer en bourse ARM et a choisi New York.
« Ce serait une excellente opportunité pour l’Europe de faire en sorte que des industriels européens du secteur prennent une participation forte dans ARM, suffisante pour leur donner le contrôle de la société. Avec ARM, ASML, Soitec, STMicroelectronics, Infineon et quelques autres entreprises importantes, l’Europe dispose d’une industrie qui peut continuer à jouer un rôle actif dans cette industrie des microprocesseurs », estime Louis Naugès.
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