Depuis le début de la crise liée à l'épidémie de coronavirus, l'économie française est grippée. Dans ce contexte de fragilisation économique, Techniques de l'Ingénieur s'est entretenu avec plusieurs personnalités qui expliquent la crise et imaginent les modèles futurs. Pour Jean-Guilhem Darré, délégué général du syndicat des indépendants et des TPE, l'interdépendance des marchés mondiaux a rendu la crise inévitable pour les entreprises. Pour lui, relocaliser certaines unités de production, et favoriser les circuits courts pourraient être une solution pour endiguer la crise.
Selon un bilan rendu public par la ministre du Travail Muriel Pénicaud ce lundi 27 avril, 10,8 millions de travailleurs seraient actuellement concernés par les mesures de chômage partiel. Mais les salariés ne sont pas les seuls touchés par la crise du Covid-19. Malgré les mesures de soutien successivement annoncées par Emmanuel Macron et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, les TPE et PME sont également exposées aux difficultés économiques. Pour Jean-Guilhem Darré, délégué général du syndicat des indépendants et des TPE, cette situation était inéluctable. Il pense cependant qu’une relocalisation partielle de l’économie pourrait redynamiser les entreprises françaises en sortie de crise.
Techniques de l’Ingénieur : La crise actuelle pose nombre de difficultés aux entrepreneurs. Était-ce prévisible et évitable ?
Jean-Guilhem Darré : Je ne pense pas que les professionnels, et notamment les entrepreneurs, auraient pu prévoir la crise du Covid-19. Dans l’état actuel d’interdépendance des secteurs et d’externalisation des unités de production, les difficultés économiques des entreprises étaient inévitables. Certains secteurs sont plus touchés que d’autres, c’est notamment le cas du secteur industriel. Si une usine dépend de matières premières venues de Chine par exemple, elle se retrouve forcément à l’arrêt. C’est l’effet domino. Ensuite, face aux mesures de confinement, il était inéluctable que certaines entreprises se retrouvent à l’arrêt, et perdent ainsi des revenus. Cela vaut pour les restaurateurs, mais également les transports.
L’économie actuelle repose-t-elle sur un équilibre instable ? Devrait-on penser un autre modèle ?
En réalité le nouveau modèle commence déjà à s’installer. Cela est dû à une nouvelle tendance insufflée par les consommateurs. Effectivement, avant cet épisode de coronavirus, les entrepreneurs avaient déjà remarqué que leurs clients préféraient de plus en plus se tourner vers les activités locales et les circuits courts. Je pense que ce mode de fonctionnement sera renforcé à l’avenir.
Est-ce que l’État doit faire évoluer la législation en termes de protection des entreprises ?
Dans un premier temps, il faudrait se poser la question de la mondialisation. Et dans un second temps, se demander comment mettre en place un environnement économique favorable. Il faudrait se demander si la France est réellement compétitive face aux autres pays dans la mondialisation. Il faudrait plus de collaboration et de coopération européenne. Pourquoi ne pas favoriser le développement d’un monde où on aurait moins besoin de se déplacer ? Où on aurait tout, près de chez soi ? Il serait également nécessaire de repenser notre politique fiscale. Pourquoi ne pas envisager un système qui encouragerait les entreprises et les marchés à exercer leurs activités à une plus petite échelle, sur un secteur géographique réduit ?
Pensez-vous que cette orientation économique puisse être prochainement mise en place ?
Le gouvernement allait déjà dans ce sens-là avant même le début de cette crise en enjoignant les artisans et les commerçants à aller vers plus de proximité. C’est ce que montrent notamment les plans de repopulation des centres-villes. Il en est de même pour les politiques de rénovation urbaine, et de développement des transports.
Pensez-vous qu’il serait souhaitable d’orienter l’économie vers une démondialisation ?
Alors, la démondialisation est peut-être un grand mot. Cependant, il serait probablement bon d’être plus attentif à l’équilibre des productions. En clair, je pense qu’il serait pertinent que nous ne soyons plus dépendants des échanges internationaux pour nos besoins essentiels. Il serait bon de rapatrier un certain nombre de productions sur le territoire national. Nous pourrions prendre exemple sur l’Allemagne. Les Allemands dépendent en grande partie de leurs propres capacités de production. Mais cela ne doit pas empêcher tous les échanges internationaux. Cependant, un protectionnisme fort ne serait pas souhaitable.
Quelles seraient les unités de production que la France devrait relocaliser ?
Il s’agirait essentiellement des filières industrielles. La France devrait voir revenir sur son territoire les productions de médicaments et le matériel médical. Nous devrions, par exemple, faire en sorte d’avoir suffisamment de respirateurs dans les hôpitaux. Nous devons rechercher notre autonomie sanitaire. Et de manière générale, nous devrions être moins dépendants de la Chine et de ses unités de production.
La récession doit-elle nous faire craindre une accélération des faillites d’entreprises ?
Tout va dépendre de la durée du confinement et de la date de reprise des activités. Les mesures de soutien du gouvernement évoluent rapidement. Fin 2019, 20 % des TPE n’étaient pas économiquement saines. Ce sont ces entreprises qui sont les plus exposées aux risques de faillites. En ce qui concerne les créations d’entreprises, il serait assez compréhensible qu’elles ralentissent dans les prochains mois. Cependant, les Français désirent de plus en plus travailler de manière autonome. C’est pourquoi même si une période de ralentissement est possible, il y aura toujours de nouvelles créations d’entreprises.
Propos recueillis par Chaymaa Deb.
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