L’écoconception est définie dans le rapport technique ISO/TR 14062 comme étant « l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits ». Le terme « produit » fait référence à la fois aux matériels et logiciels nécessaires à un « service numérique » (consulter son compte en banque, réserver un train, regarder une vidéo, etc.). Pour mieux comprendre les enjeux liés à cette écoconception, nous avons interrogé Raphaël Guastavi, chef du service Produits et Efficacité Matières de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Techniques de l’Ingénieur : Lorsqu’on évoque l’écoconception ou l’impact du numérique, les experts préfèrent utiliser « service numérique ». A quoi cela fait référence ?
Raphaël Guastavi : Parmi les principales briques du service numérique, nous avons l’usage qui fait appel au fonctionnement des datacenters et des terminaux. Ensuite, des logiciels qui viennent à différentes strates : au niveau des terminaux, mais également ceux qui pilotent l’organisation des clouds et de la diffusion des contenus, et ceux qui font le lien entre l’opérateur télécom, le datacenter et le terminal utilisateur. Et il y a également des couches logicielles qui viennent piloter les échanges au niveau intermédiaire. Par exemple, le edge computing, le peer-to-peer. Sur ces différentes strates, on peut avoir une approche écoconception pour avoir un meilleur fonctionnement.
Lorsqu’on parle d’écoconception, de quoi s’agit-il exactement ?
L’écoconception va permettre d’identifier les marges de manœuvres et leviers d’amélioration possibles pour diminuer l’impact environnemental tout en gardant une performance d’utilisation pour concevoir différemment les services. Pour cela, on va regarder l’ensemble du cycle de vie dans la conception des services numériques. On peut même parler de cycle de vie de la donnée. Si on parle de code, il s’agira de mieux le concevoir pour qu’il ait moins d’impact sur les étapes de cycle de vie.
Que comprend ce cycle de vie ?
Quand on parle d’un produit, on parle de conception, fabrication, distribution, utilisation, et fin de vie. En fait, il faut pouvoir appliquer ces différentes étapes de cycle de vie à des approches plus logicielles pour voir si leur fonctionnement ne va pas impacter – de façon majoritaire – telle partie de cycle de vie d’un datacenter, d’un terminal, etc. Et également se demander que devient la donnée : est-elle détruite ou perdure-t-elle alors qu’elle n’est pas utilisée ? Et tant qu’elle perdure, elle a un impact notamment par sa conservation car elle fait tourner des datacenters qui sont doublonnés [la donnée est copiée sur plusieurs serveurs, ndlr] pour la sécurité.
Quels sont les enjeux ?
L’enjeu est lié au risque d’accroissement quasi exponentiel de ce sujet numérique au niveau mondial, par le renouvellement d’équipements trop fréquents, des nouveaux produits qui apparaissent, les usages qui explosent, et le risque assez important d’augmentation très rapide du numérique. Même si le numérique peut être utilisé pour la transition écologique, il a quand même son propre impact. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’avoir une vision de maîtrise et d’augmentation d’efficacité du matériel et des services pour limiter l’emballement.
On parle de plus en plus de sobriété…
Effectivement, mais il ne s’agit pas de tout arrêter. Il est plutôt question de maîtriser son impact par plus d’efficacité et de sobriété. Sobriété dans le sens de mieux concevoir et appliquer les principes de l’écoconception pour continuer de fournir des services avec moins d’utilisation d’énergie et de matière [voir « 115 bonnes pratiques » de GreenIT, qui fait partie des références données par le Shift Project, NDLR]. La sobriété pourra freiner l’augmentation exponentielle de cet impact.
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