Si les jeunes sont vigilants face aux atteintes à l'environnement, leurs parents semblent éprouver un sentiment de malaise qui s'exprime de différentes manières. Les grands parents, eux, se montrent particulièrement pessimistes. 4ème et dernier volet de l’enquête.
L’enquête menée auprès des parents fait clairement ressortir un malaise qui touche l’ensemble de la génération. Les formes d’exprimer cette sensation diffèrent cependant selon chacun. Chez certains parents, il s’agit d’un sentiment global de culpabilité à l’égard des jeunes générations, auxquelles ils laissent un problème majeur en héritage. Un sentiment de responsabilité, aussi, éprouvé plus particulièrement par ceux qui doivent faire des choix technologiques dans leur domaine professionnel. « Il faut donner des conseils aux ETP (entreprises de travaux publics), pour mieux gérer, moins produire de déchets », affirment certains. Pour d’autres, il faut « réparer le développement non maîtrisé de 50 ans. Quand on développe, on ne contrôle pas tout. On ne connaît pas les effets secondaires ». Ils regrettent une perte de sens, et s’inquiètent de voir se perdre les acquis. Enfin, dans une grande majorité, tous déplorent que des responsabilités importantes ne soient pas assumées.
« Un problème majeur en héritage »
« Aujourd’hui c’est l’anarchie. Tout doit venir d’en haut. Malheureusement, les intérêts financiers sont plus importants que la préservation de la planète. Les gens vont commencer à s’angoisser quand il y aura des alertes sérieuses », déplorent les parents, qui restent toutefois confiants dans les capacités de la jeunesse : « les jeunes seront beaucoup plus responsables que nous, car sensibilisés dès le plus jeune âge, aussi peut-être parce qu’ils n’auront plus le choix ».Les parents des jeunes générations font part de leur ambivalence à l’égard de la modernité, du développement. D’une part, il s’agit « de réparer le développement non maîtrisé », « de convaincre tous les pays du même effort », mais aussi de parvenir à une « prise en charge par tous ».D’autre part, le progrès doit profiter à tous, car il « engendre le progrès social ». Son contrôle permet de « préserver l’environnement », et « les progrès scientifiques peuvent solutionner des points inquiétants ». L’idée positive que le développement peut servir à réparer les dégradations que ses propres effets négatifs ont entraînées anime aussi beaucoup de parents.
Un trop plein d’informations
Ils restent profondément sceptiques sur leurs possibilités d’être correctement informés. « Je ne suis pas persuadée de savoir qui je peux croire, qui manipule intentionnellement les informations qui nous sont livrées. Je ne suis pas experte dans la matière et pour cela je juge des choses plutôt intuitivement. Il y a énormément d’informations, qui sont souvent hors contexte et présentées par des journalistes pas tout à fait professionnels. De ce fait, je ne peux adopter une opinion à 100 % », déclare par exemple une femme médecin de 54 ans.
Les plus âgés : entre inquiétude et culpabilité
Chez les adultes les plus âgés, la tonalité est particulièrement pessimiste : « quel monde laisserons-nous à nos enfants et aux générations futures ? On a tellement saccagé la planète. Il faut revenir à beaucoup plus de raison. J’ai honte devant les futures générations ». Dans la même veine, cet ancien ingénieur de 70 ans affirme « quil y aura peut-être une réaction quand la situation deviendra intolérable, mais il sera peut-être trop tard. Je ne crois pas à l’autodiscipline. J’ai un espoir : la pollution due aux hydrocarbures cessera dans 50 ans environ, quand les réserves seront épuisées. Quelles seront les sources d’énergie de remplacement ? Et quelles nuisances engendreront-elles ? ».La prise de conscience des problèmes existe, mais elle s’exprime aussi parfois en des termes évasifs, se référant à la beauté de la nature, à la propreté, à l’ambiance agréable, désormais perdue : « l’environnement se dégrade. Je me souviens que la nature et les alentours de ma ville étaient très agréables à vivre, propres ».
Entre culpabilité et fatalité
Les personnes âgées font part de leur nostalgie et de leur désarroi face aux problèmes de l’environnement, dans la mesure où ils appartiennent à une génération qui a accompagné le développement de la modernité, la montée de la croissance. En fait, hormis ceux qui, de par leur métier, se trouvaient au cœur de ces questions, les autres personnes âgées paraissent se situer en marge de problèmes qui n’ont pas fait partie de la culture de leur enfance.Bien au contraire, ils ont vécu enfants les handicaps liés à l’absence de modernité domestique. Ils ont vu la production se développer, les transports s’étendre. A l’âge adulte, ils ont accueilli comme une chance le développement des médias, du nucléaire, des technologies de la communication. Les retombées sur l’environnement n’ont pas pour eux le même sens que pour la jeunesse actuelle, qui vit dans un monde qui a toujours porté les stigmates de ce développement.
Les séniors, respectueux de l’environnement et amoureux de la nature
On trouve ainsi chez ces personnes âgées une sensibilité accrue à la beauté de la nature, à sa dimension romantique, romanesque. Elle est souvent appréhendée comme un cadre, un lieu de vie dont la recherche de qualité entre dans le choix du lieu de résidence. La santé constitue pour eux un baromètre révélateur de la qualité de leur environnement. Lorsque le baromètre est déréglé, l’environnement est accusé d’avoir porté préjudice.Ces « séniors » se définissent spontanément comme des personnes très respectueuses de l’environnement, dans la mesure où leur sphère d’activité s’est considérablement réduite, qu’il s’agisse de leurs déplacements en voiture, en transport en commun, de leurs stratégies de consommation. Pour toutes ces raisons, la réflexion en termes de « décroissance » semble relativement éloignée de leurs préoccupations.
Interventions à grande échelle contre « petits riens »
On constate un clivage significatif entre les hommes et les femmes, qui traduit des différences de condition, avec des femmes majoritairement « au foyer », en ménage avec des hommes qui se sont définis, au contraire, par leur activité professionnelle. Ces femmes font donc surtout référence à la sphère privée, domestique, à leur environnement proche.Elles mettent en avant le paysage, les fleurs, les champignons, les activités de l’enfance dans la nature, leur amour des plantes et les soins qu’elles leur dispensent. Les hommes se tournent davantage vers la sphère publique, les politiques « d’en haut ». Ils valorisent plutôt les interventions à grande échelle et minimisent les « petits » changements au quotidien, considérés comme « des petits riens ». La culture des grands parents est dans ce sens bien différente de celle des petits enfants qui, pour résoudre les problèmes d’énergie et d’environnement, valorisent autant les gestes individuels du quotidien que les changements à grande échelle.Par Christine Castelain Meunier, chercheur au CNRS, auteur de Adieu Pétrole! Vive les énergies renouvelables, Dunod
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