Fruit d’une décennie de recherche et de deux années de développement, le Para-PM fonctionne grâce à un filtre électrostatique à trois niveaux, qui se révèle capable de capter jusqu’à 95 % des particules fines d’une taille comprise entre 10 nanomètres et 10 micromètres. Peu gourmand en énergie, le système se destine notamment à des lieux enterrés ou semi-enterrés, tels que les tunnels urbains ou les couloirs de métro, mais se révèle également pertinent pour dépolluer l’air extérieur de nos villes. En témoigne l’un des tout premiers projets de déploiement grandeur nature officialisé par Aerophile : l’installation de modules Para-PM aux abords du village des athlètes des JO 2024 de Paris. C’est ce que nous dévoile le co-fondateur d’Aerophile Jérôme Giacomoni, qui revient également en détail sur la genèse de l’invention et sur son principe de fonctionnement.
Techniques de l’Ingénieur : Comment le Para-PM a-t-il vu le jour ?
Jérôme Giacomoni : Nous sommes constructeurs de grands ballons captifs depuis trente ans. L’un des plus connus est le ballon Generali, à Paris. Dans le cadre de l’exploitation de ces ballons, nous avons constaté que, très vite, ceux-ci deviennent très noirs, très sales. Nous avons fini par en comprendre les raisons. Cela est dû aux phénomènes d’électricité atmosphérique. L’air est un isolant. Or, la Terre est conductrice, tout comme l’ionosphère[1] ; entre les deux, on a donc 400 000 volts. Le ballon se comporte en fait comme une électrode : relié au sol, il monte jusqu’à 150 mètres et crée donc une différence de potentiel d’environ 15 000 volts.
L’autre partie de l’explication est liée aux rayons cosmiques : ces rayons entraînent des phénomènes d’ionisation. Ces ions vont se coller sur certaines particules présentes dans l’atmosphère, qui vont alors se charger positivement et venir se coller sur le ballon chargé négativement.
En observant et en quantifiant ce phénomène, nous avons alors eu l’idée de créer un filtre électrostatique d’un nouveau type, que nous avons donc fini par développer, et qui s’appelle le Para-PM.
Quelles ont été les grandes étapes de recherche et développement qui vous ont permis d’aboutir à la conception de ce dispositif ?
Il y a tout d’abord eu dix années de R&D sur la connaissance des phénomènes électrostatiques que j’évoquais ainsi que sur la compréhension de l’évolution de la qualité de l’air. Pour concevoir l’appareil à proprement parler, nous avons mis deux ans environ. À l’issue de ces deux années de travail intense sur le projet, nous avons réussi à faire fonctionner le dispositif au-delà même de ce que nous espérions. Nous nous sommes donc lancés dans une phase d’industrialisation. Les premiers exemplaires du système vont sortir sur le marché d’ici très peu de temps.
Quel est le principe de base du fonctionnement du Para-PM ?
Sur notre ballon, nous avions testé un système de photocatalyse qui fonctionnait très bien pour parvenir à le rendre auto-nettoyant. Mais cela n’était pas transposable sur le filtre qui équipe le Para-PM, car le phénomène est trop lent. Nous nous sommes donc concentrés sur la conception du filtre en lui-même : il s’agit d’un filtre électrostatique à trois étages, qui est breveté. Il commence par ioniser les particules polluantes, qui sont ensuite collectées avec un champ électrique très intense. Nous avons, en plus, ajouté un troisième étage, une innovation sur laquelle porte notre brevet. Il permet d’accroître drastiquement l’efficacité du système. Les filtres électrostatiques existent depuis des décennies, mais le dispositif que nous avons inventé se révèle ainsi particulièrement adapté pour traiter les pollutions de l’air ambiant. Le Para-PM est en effet capable de capturer 95 % des particules fines d’une taille comprise entre 10 nanomètres et 10 micromètres. Nous avons testé différents types de particules fines, de différentes natures, et il semble a priori que le Para-PM soit capable de toutes les capturer. Nous n’avons bien entendu pas encore tout testé, mais jusqu’à présent les résultats sont conformes à ce que nous attendions.
Une fois les particules captées sur le filtre, celui-ci doit être nettoyé périodiquement. Nous l’avons pour l’instant testé sur quelques mois et les quantités accumulées se révèlent relativement faibles. La périodicité du nettoyage devrait donc se situer entre quelques semaines et quelques mois. Mais cela va énormément dépendre de la nature du site sur lequel on implante l’appareil.
Je vois par ailleurs notre système un peu comme une deux-chevaux… C’est-à-dire quelque chose de simple pour un coût faible, avec toutefois des performances importantes et utilisant très peu d’énergie extérieure, tout en étant facile d’entretien. Par rapport à nos concurrents que sont les filtres mécaniques, nous rassemblons toutes ces qualités. Le fonctionnement est d’autant plus simple qu’une prise électrique suffit à faire fonctionner le dispositif, qui ne consomme que 300 watts. Il existe d’autres solutions, très lourdes, qui se situent à peu près au même coût que le Para-PM, qui vient pourtant tout juste de voir le jour. Notre solution est quant à elle très simple à mettre en place, c’est cela qui fait sa force, sa véritable différence, liée à notre brevet.
Au-delà de l’efficacité de capture de 95 % que vous évoquiez, quels volumes d’air le Para-PM se révèle-t-il capable de traiter ?
Le Para-PM est avant tout un module, capable de traiter 1 m³ d’air par seconde. Si l’on combine 10 de ces modules, on atteint ainsi une capacité de traitement de 36 000 m³ par heure.
Dans quelles zones le déploiement de modules Para-PM est-il le plus pertinent ?
Cela fonctionne très, très bien dans des zones semi-fermées, enterrées, comme des tunnels, le métro… En plus des milieux urbains ouverts. Nous avons fait des calculs théoriques et nous avons abouti à la conclusion que le système pourrait permettre de dépolluer l’air de villes entières, dans le cas notamment de lieux très encaissés. Cela revient en quelque sorte au problème de la baignoire qui se remplit et se vide : tout dépend en fait de la différence entre le volume d’air entrant, et celui du flux d’air traité. Nous réalisons des simulations numériques, pas encore pour des villes toutes entières, mais pour des sites urbains. Et jusqu’à présent, la théorie est confirmée par la pratique.
Quelles sont vos ambitions en matière d’industrialisation ?
Nous avons plusieurs projets en cours. Le premier d’entre eux, tout à fait officiel, est le projet de la SOLIDEO[2], qui sera mis en place dans le cadre des JO de Paris 2024. Nous allons équiper le village des athlètes avec notre dispositif. Nous allons aussi réaliser d’autres annonces prochainement…
Quels coûts le déploiement du système que vous avez développé pourrait-il représenter ?
Pour l’instant, nous sommes à peu près à 15 000 € d’investissement pour un appareil capable de nettoyer un mètre cube d’air par seconde. Ce chiffre devrait fortement diminuer au fil de l’augmentation des volumes de ventes. Il ne s’agit pour l’instant que de produire les premières séries.
Outre l’industrialisation, poursuivez-vous des travaux de R&D ?
Oui, tout à fait. Nous avons une équipe chargée de l’industrialisation, et, en parallèle, une autre équipe qui poursuit des travaux de recherche fondamentale. Une dizaine de personnes se consacre aujourd’hui au développement du Para-PM, et l’entreprise Aerophile dans son ensemble compte quant à elle 150 équivalents temps plein.
[1] L’ionosphère est une zone de la moyenne atmosphère et de la haute atmosphère terrestres, qui va de 50 ou 60 km jusqu’à 500 à 600 km d’altitude environ et qui est constituée par une superposition de diverses couches formées d’ions et d’électrons libres à la suite de l’action de rayonnements électromagnétiques émis par le Soleil dans des domaines de longueurs d’onde particulièrement énergétiques. Source Météo-France
[2] La Société de livraison des ouvrages olympiques est une structure mise en place par l’Etat, pour construire et livrer les ouvrages et infrastructures pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. (Source : SOLIDEO)
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