Clément Rinaudo est expert des technologies quantiques chez Accenture Lab. Il est chargé de recherche autour des technologies quantiques. Il nous détaille les défis technologiques auxquels sont confrontés les chercheurs s’attelant au développement d’un ordinateur quantique performant et stable dans le temps.
E.T.I: Comment fonctionne l’ordinateur quantique ?
Clément Rinaudo: La meilleure méthode pour essayer de comprendre comment fonctionne un ordinateur quantique est d’essayer de le comparer à un ordinateur classique. Dans un ordinateur classique, on a des 0 et des 1 – des bits – qui transitent dans le système. A partir de là, soit il y a de l’électricité dans les composants, soit il n’y en a pas. C’est un système binaire, qui rend l’ordinateur classique très déterministe : si vous avez un jeu de données que vous faites passer par le même algorithme, vous obtiendrez toujours le même résultat à la fin.
L’ordinateur quantique fonctionne différemment.
L’ordinateur quantique, lui, ne fonctionne pas avec des bits mais des qubits. Les qubits sont des objets de physique : des électrons, des atomes… en fait, tout ce qui est régi par la mécanique quantique et dont les propriétés – quantiques – sont mesurables.
On peut utiliser n’importe quelle propriété de la physique quantique – un spin d’électron, une polarisation de photon dans la lumière – pour développer un ordinateur quantique. Les contraintes sont plutôt d’ordre technologiques.
Qu’est ce qui va différencier les bits et les qubits ?
A l’intérieur d’un qubit, tout se passe comme si on avait une superposition d’états simultanés. Du coup, le qubit, au contraire d’un bit classique qui ne porte qu’une information, en porte deux. Le problème que nous rencontrons est que quand le qubit est dans un état superposé, il ne peut pas nous donner les deux informations en même temps. C’est-à-dire que quand on le mesure, il va nous donner soit 0, soit 1, mais jamais les deux en même temps. C’est ce qu’on appelle l’effondrement, il est aléatoire, et on ne sait pas l’expliquer pour le moment.
Cette superposition d’états fait la particularité de l’informatique quantique.
Oui. Le résultat, c’est que l’ordinateur quantique n’est pas du tout déterministe comme peut l’être l’ordinateur classique : si je prends un jeu de données et que je leur applique le même algorithme quantique, je n’aurai pas le même résultat.
Il faut donc vérifier, a posteriori, que le résultat est le bon, avec des outils statistiques. Cela consiste à répéter l’expérience pour valider que le résultat obtenu est – statistiquement – le bon.
Les premiers ordinateurs quantiques ont fait leur apparition il y a peu.
L’ordinateur quantique existe aujourd’hui, au sens technologique du terme. IBM a présenté un ordinateur à 20 qubits, Dwave propose de manière commerciale son ordinateur quantique…
Quels sont les défis auxquels font face les chercheurs aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les challenges que les chercheurs doivent surmonter sont d’ordre technologique : en effet, les ordinateurs quantiques ont un énorme problème de stabilité dans le temps.
Quand vous faites tourner un algorithme quantique sur un ordinateur quantique en réel, il y a énormément d’externalités qui peuvent venir perturber l’état quantique de votre programme, qui est déjà très fragile.
Comment cela se traduit-il ?
Cela veut qu’au niveau temporel, on est de moins en moins sûr d’obtenir le même résultat, à cause de l’instabilité du système. C’est un sujet de recherche très important aujourd’hui.
Pour illustrer la problématique de l’instabilité, il faut savoir que les chercheurs refroidissent ces systèmes jusqu’à une température extrêmement proche du degré absolu afin d’obtenir un environnement satisfaisant.
Cela pose aussi des problèmes quant à la quantité de qubits embarqués sur les ordinateurs quantiques.
Oui. Un autre challenge technologique concerne la quantité de qubits que l’on va pouvoir prendre en considération. A chaque fois qu’on augmente la capacité d’un ordinateur quantique d’un qubit, on divise sa stabilité par deux.
L’algorithmie contient également son lot de défis.
Ce challenge est plutôt d’ordre humain : en tant que développeurs, nous allons être obligés de repenser l’intégralité de l’algorithmie qu’on connaît pour l’adapter à l’informatique quantique. Nous n’avons pas à l’heure actuelle de passerelles efficaces entre l’informatique classique et l’informatique quantique.
Vos recherches sur les technologies quantiques ne se limitent pas à l’ordinateur quantique.
Je travaille aussi sur l’aspect communication quantique. Nous nous demandons comment on peut utiliser la mécanique quantique pour faire de la cryptographie quantique, notamment via la lumière. Nous utilisons donc les propriétés de la photonique afin de pouvoir, de manière sécurisée, partager des clés cryptographiques entre deux acteurs.
Aussi, les protocoles qui peuvent être mis en place sont capables de détecter si quelqu’un est sur la ligne de communication. Le protocole utilisé ici est le BB84, c’est le plus utilisé à l’heure actuelle pour pouvoir partager des clés cryptographiques via la photonique.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE