En ouverture du One Planet Summit, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a invité le monde à proposer des «solutions concrètes et efficaces». Objectif : «opérer sur le terrain le changement d’échelle indispensable». Car António Guterres, le secrétaire général de l’Assemblée générale des Nations unies, l’affirme : «la finance peut et doit être le facteur décisif». L’objectif annuel de 100 milliards de dollars consacrés à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement en provenant de financements privés et publics d’ici 2020 sera certainement atteint. Mais pour verdir l’ensemble du système financier international, cela restera plus difficile.
Les annonces réalisées dans le cadre de ce sommet sont assez disparates et restent une goutte d’eau face au défi qui attend le secteur financier. Car si les projets concrets sont en nombre croissant, leur enveloppe et le nombre d’acteurs restent encore largement insuffisants. Comme le rappelle le Premier Ministre des Fidji et Président de la COP23 Frank Bainimarama, «tous les nouveaux investissements devraient être regardés à l’aune de l’Accord de Paris». Il invite les acteurs privés et publics à « travailler main dans la main pour exploiter les capitaux et surmonter les défis » Mais les 12 engagements pris lors de ce sommet montrent qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.
Arrêter de financer le charbon ?
Peu de banques commerciales et de développement se sont engagées à se détourner des investissements à destination des énergies fossiles. La seule banque à avoir pris des engagements sérieux est la Banque Mondiale. Elle arrêtera le financement des projets pétroliers et gaziers dès 2019. Mais le charbon ne sortira pas de son portefeuille d’investissements. Le Président de la Banque Mondiale a aussi précisé que des rapports sur les émissions de carbone seraient désormais publiés pour tous les projets financés. « C’est bien ce que fait la banque mondiale, mais toutes les banques doivent faire de même pour que tous les financements aux combustibles fossiles cessent », insiste toutefois Juha Sipilä, Premier ministre de la Finlande.
Notons tout de même la déclaration de la banque néerlandaise ING qui ne financera plus de nouveaux clients dont le business du charbon représente plus de 10% de son activité. Et dès 2025, cette part sera abaissée à 5 %. En revanche, rien n’a été annoncé pour les investissements existants. Par ailleurs, AXA, le géant français de l’assurance, s’éloigne progressivement des énergies fossiles. L’assureur met fin à l’assurance et aux investissements dans les sociétés de sables bitumineux et les pipelines. Il se désengage aussi des nouveaux projets de construction liés au charbon. En parallèle, il quadruple ses investissements dans les énergies renouvelables et les bâtiments pour atteindre 12 milliards d’euros en 2020.
Vers des marchés carbone suffisants ?
Les choses évoluent du côté du marché du carbone. Actuellement, seulement 15 % des émissions mondiales sont couvertes par des taxes carbones, dont les trois quarts sont à moins de 10 dollars la tonne. Mais la Carbon pricing leadership coalition, une coalition de plus de 40 entreprises, appelle à un prix du carbone aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris. C’est-à-dire à la mise en place d’un prix autour de 40 euros la tonne en 2020.
Leur appel est entendu par plusieurs Etats et régions qui se sont prononcés en faveur de la mise en place d’un tel marché. C’est notamment le cas d’une coalition de pays européens dont la France et l’Allemagne. Par ailleurs, un marché commun devrait être mis en place dans les Amériques : Canada, Colombie, Chili, Mexique, Etats de Californie, Washington, Alberta, Colombie, Britannique, Nouvelle Ecosse, Ontario et Québec. Enfin, la Chine vient de lancer son marché du carbone, le plus grand de ce type au monde. « Par le biais de la construction d’un marché du carbone, nous allons mobiliser les entreprises, renforcer la finance verte et les assurances vertes et encourager les investissements vers les domaines bas carbone », détaille Ma Kai, vice-Premier ministre de la Chine. Reste à savoir quel sera le prix affiché par ces différents marchés.
Des annonces disparates !
Sous la pression d’Emmanuel Macron, tout le monde est venu avec sa petite annonce. Ce qui a parfois donné l’impression d’une succession d’annonces sans rapport les unes avec les autres. Parmi celles-ci, notons que, d’ici 2020, l’Union Européenne facilitera 9 milliards d’euros d’investissements en Afrique et dans ses pays voisins pour les villes durables, l’énergie durable, l’agriculture durable, les entrepreneurs ruraux et l’agroalimentaire. La Commission européenne publiera aussi en mars 2018 un plan pour encourager la finance verte. Il devrait inviter les banques et les investisseurs à prendre en compte la durabilité dans leurs décisions, mais surtout clarifier ce qui peut être considéré comme une finance durable.
Un autre fonds vise à lutter contre la détérioration des terres et la désertification : c’est le « Land degradation Neutrality fund ». Il vise la restauration de 12 millions d’hectares dégradés chaque année sur un total de 2 milliards d’hectares concernés. Le fonds sera lancé en 2018 avec 300 millions de dollars. De son côté, le «Tropical Landscape Financing Facility» vise à mobiliser d’ici 2025 10 milliards de dollars de fonds privés pour financer des projets ayant un impact environnemental et social significatif dans les pays les plus vulnérables.
Si les banques rechignent à se détourner du charbon, l’alliance « Powering past coal » lancée à la COP23 le mois dernier comprend désormais 58 membres dont 26 pays, 8 gouvernements locaux et 24 entreprises dans le monde. Contre 25 membres lors de son lancement. Ils s’engagent à bannir le charbon de leur approvisionnement électrique d’ici 2030. À l’opposé, l’Alliance Solaire internationale souhaite mobiliser 1.000 milliards de dollars d’ici à 2030, auprès d’investisseurs publics et privés, pour développer le solaire. Enfin, 32 villes, 15 pays et plusieurs entreprises se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour se préparer rapidement, ils publieront leurs stratégies avant 2020.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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