Le phénomène physique est bien connu et étudié depuis très longtemps : c’est « l’effet de sillage ». A l’arrière d’une éolienne, un sillage tourbillonnaire se développe, et la vitesse moyenne du vent après l’hélice est réduite puisque l’éolienne a capté une partie de l’énergie cinétique du vent.
L’effet de sillage signifie ainsi une diminution de la vitesse du vent derrière l’éolienne entraînant notamment une baisse de production des éoliennes situées après la première. D’où l’importance d’une distance ad hoc entre les éoliennes d’un parc.
Par ailleurs, une distance suffisante entre les sites est essentielle car les parcs éoliens réduisent la quantité d’énergie qui peut être fournie par le vent sur une vaste zone environnante. Si les études montrent qu’une baisse de productible peut-être observée dans un cas « classique » d’installations, dans les cas extrêmes, c’est-à-dire quand les parcs sont trop proches les uns des autres, cet effet peut réduire la productivité d’un parc voisin d’un quart ou plus, indiquent Agora Energiewende et Agora Verkehrswende.
Dans le cadre de l’étude, réalisée uniquement sur la zone économique exclusive de l’Allemagne en mer du Nord (la zone sur laquelle l’Allemagne a la souveraineté, où divers parcs éoliens sont prévus), les think tanks se sont appuyés sur des chercheurs de l’Université technique du Danemark (DTU) et de l’Institut Max Planck de bio-géochimie (MPI-BGC) de Iéna qui ont appliqué deux modèles différents afin d’examiner divers scénarios. Ces scénarios différaient en ce qui concerne l’emplacement du parc éolien et le nombre et la capacité des turbines par kilomètre carré. Les rendements éoliens totaux ont ensuite été estimés pour chaque scénario.
Alors que les modèles variaient considérablement en termes d’approches sous-jacentes, les résultats sont « remarquablement cohérents », notent les chercheurs Axel Kleidon (MPI-BGC) et Jake Badger (DTU).
« Les décideurs politiques et les autorités responsables de la planification extracôtière seraient bien avisés de veiller à ce que les futurs parcs éoliens disposent de suffisamment d’espace », indique, dans un communiqué publié à cette occasion, Patrick Graichen, directeur d’Agora Energiewende. « Alors que l’Allemagne et ses voisins sur la mer du Nord prévoient de développer considérablement l’énergie éolienne offshore, des activités de planification conjointes sont essentielles et permettront un déploiement optimal du parc éolien. »
L’éolien en mer clé de l’approvisionnement énergétique européen ?
L’éolien offshore devrait devenir un pilier clé de l’approvisionnement énergétique futur de l’Europe, dans le cadre du Green Deal. Quelque 400 à 450 gigawatts pourraient être installés dans toute l’UE d’ici à 2050. La capacité éolienne offshore pourrait potentiellement être également augmentée de 500 gigawatts afin de répondre à l’énorme demande d’électricité associée à la production d’hydrogène vert (par exemple pour les besoins industriels), selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
En Allemagne, les scénarios actuels prévoient 50 à 70 gigawatts de capacité éolienne offshore d’ici à 2050 et 20 GW dès 2030. Avec une production annuelle de 200 à 280 térawattheures, cette capacité devrait couvrir entre un tiers et la moitié de la consommation électrique actuelle du pays.
L’étude conclut que les parcs éoliens allemands devraient être construits non seulement sur la Baie allemande (c’est-à-dire la partie sud-est de la mer du Nord, mais aussi dans des zones plus éloignées, car les parcs seraient sinon situés trop près les uns des autres, ce qui réduirait leur potentiel de rendement annuel entre 3 000 et 3 300 heures à pleine charge, contre 4 000 heures à pleine charge, estiment les chercheurs. Ces derniers précisent que leurs résultats s’appliquent principalement aux parcs éoliens offshore à grande échelle, qui sont en train de devenir la norme (plus de 500 MW, jusqu’à 1 000 MW, voire plus).
Les chercheurs signalent en outre que si leur étude se cantonne à la zone économique allemande en mer du Nord, leurs recommandations valent également pour la mer Baltique, où le potentiel éolien offshore développable est de quelque 80 GW.
L’étude signale en outre qu’elle ne prend en compte que le déploiement prévisible des parcs dans la zone allemande, sans s’intéresser à ce qui se passe également aux Pays-Bas au Royaume-Uni ou encore au Danemark. Or, les installations prévues en cours dans ces pays pourraient, à terme, impacter également la Baie allemande, réduisant ainsi les vents dans cette zone. D’où la nécessité d’analyser et de coordonner les développements dans ces zones. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, chaque pays se lançant dans le déploiement en prenant en compte sa seule zone économique, déplorent les chercheurs.
Sans oublier, signale l’étude, que l’éolien flottant, qui est d’ores et déjà prévu dans le cadre de la trajectoire européenne à hauteur de 100 à 150 GW, constitue une réponse à cet enjeu de « tassement » des parcs.
Les chercheurs ajoutent également qu’une étude plus détaillée devrait être menée afin de voir quel sera l’impact d’un tel déploiement massif de parcs offshore sur l’éolien terrestre, qui est implanté également fortement dans cette partie de l’Allemagne.
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