Robotique, impression 3D, transport… L’objectif de s’installer durablement sur la Lune nécessite de nombreuses innovations technologiques. Les idées et les concepts foisonnent.
Pour s’installer durablement sur notre satellite naturel, il va falloir maîtriser tout autant le lieu d’habitation, les modes de transports que l’accès aux ressources (énergie, eau, gaz, vie biologique). Tout un écosystème à recréer qu’il faut construire et entretenir. Parmi les secteurs technologiques les plus mis à contribution, on retrouve bien évidemment la robotique.
Des robots à gogo
Le secteur robotique est particulièrement sollicité pour les projets d’implantation sur la Lune : que ce soit en orbite sur le Gateway, sur les différents véhicules, pour l’exploration, les activités minières, la maintenance etc., les robots doivent permettre à la fois de préparer l’implantation, d’explorer, de construire et d’éviter la mise en danger ainsi que les travaux difficiles aux futurs astronautes (expositions aux radiations, à la poussière, aux météorites etc.). Symboliquement, le premier partenariat international officiellement signé pour le Gateway porte d’ailleurs sur un bras robotisé. Le Canadarm3 sera ainsi conçu et assemblé par l’agence spatiale canadienne. Les précédentes versions de ce bras équipent déjà l’ISS et la navette spatiale. Cette fois le Canadarm devrait inclure en réalité deux bras : un principal pour les réparations et les sorties, et un deuxième plus petit pour des tâches plus précises et plus complexes, un peu comme un « homme à tout faire robotique », pour des opérations de maintenance notamment. En outre, le Canadarm 3 doit aussi pouvoir être autonome pour un certain nombre de travaux puisque le Gateway fonctionnera régulièrement sans la présence d’un équipage humain, contrairement à l’ISS. Pour le Canada, il fait partie du budget spatial alloué pour les 24 années à venir : 1,56 milliard de dollars pour le développement du bras et pour un soutien aux PME canadiennes qui développent des solutions technologiques, robotiques, d’IA etc. dans le secteur spatial.
Et les robots ne sont pas que de bras ou des véhicules terrestres, ils pourront aussi être volants. Le 14 juin dernier, Bumble est ainsi devenu le premier Astrobee mis en service. Les Astrobees sont des robots volants en microgravité. Ils sont là pour aider l’équipage de la station spatiale internationale dans des tâches de routine (monitorage d’expérience, surveillance environnementale, inventaire, prise d’image) et devraient être ensuite utilisés en assez grande autonomie dans le Gateway. Ils constituent aussi une plateforme d’accueil pour des expériences en gravité zéro. Les Astrobees peuvent se déplacer dans toutes les directions, tourner sur eux-mêmes et sont munis d’un bras pour pouvoir s’amarrer à différents endroits de l’ISS. Leur système de navigation s’appuie sur des caméras et ils fonctionnent sous Android, permettant des développements rapides et aisés de leurs fonctionnalités. Ils peuvent être commandés à distance par les astronautes ou depuis la Terre. Ils font suite aux Spheres en fonction dans l’ISS depuis 10 ans.
La conquête de la Lune représente à terme un débouché très intéressant en termes de recherche et développement pour le secteur robotique, car elle demande exigence et créativité et ce, pour des applications extrêmement variées.
Habitat : il faut préparer le terrain
Parmi les nombreuses recherches en cours sur les technologies possibles pour installer une station habitée sur la Lune, la plupart des pays envisagent une préparation du site via des robots déposés sur la Lune. Fin mars 2019, l’agence spatiale japonaise (JAXA) et ses partenaires ont présenté les tests de leur solution pour préparer le terrain et installer un module d’habitation. Des engins télécommandés depuis la Terre avec des ajustements automatiques pour compenser les délais de communication.
Les Japonais ont ainsi identifié quatre étapes clés pour l’installation d’un module d’habitation : préparation du terrain, excavation, installation du module, enterrement (pour la protection contre les météorites). Les quatre phases ont été testées sur terre à l’aide d’engins de chantiers de l’ordre de 7 tonnes munis de différents capteurs et fonctionnalités intelligentes (reconnaissance du terrain et adaptation,) avec un travail pour recréer d’éventuels incidents (coupure du signal, coupure de la géolocalisation, interférences entre les différentes commandes des différentes machines etc.). Les tests effectués ont montré la faisabilité de cette option de construction (voir cet article de la JAXA. De manière générale, la problématique de l’habitat spatial et extra-terrestre stimule l’imagination, les projets et les concours sur cette thématique en témoigne (cf. La NASA planche sur les habitats spatiaux et Une maison dans l’espace : 6 projets incroyables).
Transport : plus loin, plus vite
Une installation durable sur la Lune signifie aussi le besoin de se déplacer facilement, à l’abri des radiations et de la poussière. Fini donc le rover style jeep des missions Apollo. Place à un véhicule fermé et d’une autonomie redoutable pour aller explorer facilement, vite et loin. Parmi les projets, on peut noter celui des Japonais. Début mars 2019, la Jaxa annonçait qu’elle travaillait avec Toyota au développement d’un rover lunaire : un véhicule pressurisé prévu pour transporter 2 astronautes (4 en cas d’urgence). Ce véhicule, imposant, serait alimenté par des piles à combustibles avec une autonomie de l’ordre de 10 000 km. De quoi parcourir à peu près la Lune d’un pôle à l’autre aller-retour ! Les plans actuels prévoient une longueur de 6 m sur 5,2 de large et près de 4 m de hauteur. Muni de 6 roues, l’espace de vie intérieur serait de l’ordre de 13 m3 et il pourrait transporter jusqu’à 500 kg de charge utile. Sinon, les concepts actuels de village lunaire prévoient de manière générale un déplacement souterrain par tunnel avec ou sans véhicule léger entre les différents bâtiments.
L’impression 3D, une technologie centrale
La plupart des projets d’installation sur la Lune s’appuient sur des technologies d’impression 3D pour exploiter les ressources locales, notamment le régolithe comme matériau de construction ou encore pour pouvoir fabriquer des pièces de rechange pour la maintenance. En 2013, l’ESA avait déjà mis en avant deux sociétés qui travaillaient sur la construction d’une station à partir de l’impression 3D. C’était par ailleurs le thème du concours de la Nasa de projets d’habitat lunaire en 2015. Six ans plus tard, les technologies n’ont de cesse de s’améliorer et les projets deviennent concrets. A titre d’exemple, en mai 2019, l’avenir du projet « Moonrise », issu d’une coopération entre le centre du laser d’Hanovre et l’institut des systèmes spatiaux (IRAS) de l’université technique de Braunschweig, est présenté. Ce projet vise à mettre au point un équipement laser capable de fondre le régolithe lunaire pour l’imprimer en 3D via une commande qui passent par des caméras à haute résolution. La technologie doit être testée en conditions réelles, sur la Lune, lors de la première mission de PTScientists en 2021. PTScientist est une start-up allemande qui collabore avec les principaux partenaires spatiaux mondiaux (ESA, DLR, Arianegroup) avec des bureaux à Berlin, Salzbourg et Houston (USA) et qui met au point un atterrisseur lunaire (Alina) et deux rovers qui doivent s’envoler avec l’un des premiers vols d’Ariane 6 en 2021. Si l’expérience est concluante, le procédé sera mis à une échelle suffisante pour produire des structures plus grandes telles que des fondations, des couloirs ou des surfaces d’atterrissage. Le projet est soutenu financièrement par la Fondation Volskwagen et son programme « Open – for the Unusual ». La mission de PTScientist s’inscrit quant à elle dans le programme ISRU de l’ESA (In-situ Resource Utilisation) qui vise aussi à tester des méthodes d’extraction d’oxygène ou d’eau à partir des ressources lunaires locales.
Mais ce ne sont là que quelques exemples. La R&D autour des technologies et des solutions pour l’exploration spatiale et l’installation sur la Lune concerne des milliers d’entreprises et d’étudiants à travers le monde dans des domaines aussi divers que la génomique, l’agronomie, les sciences des matériaux, l’énergie, la robotique, l’intelligence artificielle ou la psychologie. Avec à la clé, le développement d’applications qui pourront être transférées à d’autres industries sur Terre.
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