Le 8 février, un communiqué du ministère de la Transition écologique a fait sensation dans le monde de la sûreté nucléaire. Le gouvernement compte réunir les compétences techniques de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) à celles de l’ASN.
En 2002, naissait l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) sur décision du ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. Il résultait de la fusion entre l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), créé en 1976, et l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) créé en 1994. L’objectif était alors de renforcer les liens entre la sûreté nucléaire et la radioprotection, en rendant l’évaluation des risques indépendante des décideurs et des promoteurs des technologies nucléaires.
En séparant l’IPSN du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le ministre cherchait également davantage d’indépendance et de transparence. Depuis, l’IRSN et ses 1 500 collaborateurs ont deux missions : l’expertise et la recherche. L’institut fournit ainsi des avis techniques sur les questions liées aux risques nucléaires et radiologiques, constitue le socle de l’expertise sur les sujets les plus complexes et fait progresser les connaissances. L’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial fonctionnant sous un régime de droit privé via la tutelle conjointe de cinq ministères (Défense, Environnement, Industrie, Recherche et Santé).
Fusionner l’IRSN et l’ASN ?
L’annonce a été faite par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires via communiqué le 8 février 2023. Le gouvernement souhaite fusionner l’IRSN avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Depuis 2006, l’ASN est une autorité administrative indépendante chargée de contribuer à l’élaboration de la réglementation, de contrôler son bon respect par les installations et de participer à l’information du public.
Par cette décision, le gouvernement annonce vouloir « fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’ASN » pour faciliter la relance de la filière nucléaire et « augmenter les synergies en matière de recherche et développement ». Il assure que cela permettra de « renforcer l’indépendance du contrôle en matière de sûreté nucléaire, au sein d’un pôle unique et indépendant de sûreté ».
Le risque de rapprocher l’IRSN de la prise de décision
Dans un communiqué daté du 15 février, la commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN exprime son profond désaccord avec le projet de démantèlement de l’IRSN. La confiance accordée dans l’institut et sa reconnaissance internationale est due au fait « qu’il n’est pas l’entité décisionnelle en matière de sûreté nucléaire », explique-t-il. La commission estime que « la confusion entre expertise et prise de décision au sein d’une même entité constituerait un recul considérable puisqu’il priverait d’indépendance cette expertise ».
« Ne pas avoir à prendre la décision, donne une liberté extraordinaire d’analyser l’ensemble des risques et de les mettre sur la table », confirme Maryse Arditi, physicienne nucléaire, ex-membre du comité d’orientation de la recherche en sûreté et en radioprotection de l’IRSN, pour le compte de France Nature Environnement. Elle souligne l’importance « d’avoir des gens dont le métier unique est de vérifier au maximum tous les risques et de tout faire pour les éviter ». Elle qualifie cette réforme à venir de « catastrophe », estimant que « c’est 30 ans en arrière pour la sécurité nucléaire ».
Accélérer et fluidifier sans réduire la confiance ?
Le projet de fusion est bien inscrit dans le projet de loi relatif à l’accélération du nucléaire via l’amendement n°CE602 du 25 février. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a demandé au président de l’ASN et au directeur général de l’IRSN de lui rendre leurs propositions sur la mise en œuvre détaillée de la réforme d’ici juin.
Dans un nouveau communiqué daté du 23 février, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires veut rassurer. Il rappelle que « les compétences en matière de recherche et d’expertise en sûreté nucléaire en radioprotection, en protection et surveillance de l’environnement, seront maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté ». La nouvelle organisation devra continuer à assurer la séparation entre « le contrôle et l’expertise » qui étaient assurés par l’IRSN et le « rôle de décision et de pilotage stratégique porté par le collège de l’ASN ».
La commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN s’interroge toutefois sur la méthode et le calendrier. « Les enjeux liés au renouvellement du parc électronucléaire français et à la prolongation de la durée de vie des centres d’exploitation électronucléaires auraient dû conduire à renforcer les moyens alloués à l’indépendance et à la compétence du dispositif en charge de la radioprotection, l’Institut actuellement. » La réforme risque au contraire de déstabiliser un système qui a pourtant montré son efficacité.
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