L’article du journaliste Juhani Saarinen publié le 2 avril dans ce grand quotidien et intitulé « La nouvelle centrale d’Olkiluoto coûte plus cher que n’importe quel gratte-ciel de luxe dans le monde » illustre le ras-le-bol finlandais.
Le groupe Areva a dû envoyer un courrier pour tenter de justifier les coûts astronomiques de ce chantier EPR. Virginie Moucquot-Laiho, chargée de la com d’Areva en Finlande, a rappelé qu’il s’agit d’une centrale de troisième génération un peu moins dangereuse que celles des générations antérieures.
L’Helsingin Sanomat jouit d’une excellente réputation pour le sérieux de ses analyses, du niveau de celles du Frankfurter Allgemeine Zeitung ou du New York Times. Touchant 8% de la population finlandaise, et 75% de la population de la capitale Helsinki, il s’agit de l’un des journaux les plus influents au monde par habitant. « Fondée en 1889, la « Gazette d’Helsinki », aussi couramment appelée Hesari, est le premier quotidien finlandais et nordique en terme de diffusion (…). La quasi-totalité des articles de la version papier est disponible sur ce site facile d’utilisation et entièrement gratuit », résume Courrier International.
11 000 millions de dollars
Le coût de l’EPR finlandais a dépassé le seuil des 11 milliards de dollars. Le complexe hôtelier le plus luxueux du monde, le Marina Bay Sands Hotel de Singapour, coûte 5.2 milliards de dollars, soit deux fois mois cher. La comparaison avec le coût du Mausolée en marbre du Taj Mahal en Inde et de la pyramide de Kheops en Egypte n’est pas possible, écrit Helsingin Sanomat, mais peut-être qu’ils étaient meilleurs marché.
Le contrat d’origine signé en 2003 entre Teollisuuden Voima (TVO) et le consortium Areva-Siemens indiquait que le coût de la centrale serait de 3,2 milliards d’euros et que la mise en service aurait lieu en 2009. Mais la facture a flambé année après année, pour atteindre 8,5 milliards d’euros. Les différents acteurs se rejetant mutuellement la responsabilité des retards, des pénalités vont être fixées par la justice internationale.
Plus de 5 euros par Watt installé
La centrale nucléaire canadienne de Darlington, constituée de 4 réacteurs CANDU d’une puissance totale de 3524 MW et achevée en 1993 au bord du lac Ontario, avait coûté 13,8 milliards d’euros. Olkiluoto 3 a une puissance de 1600 MW, ce qui est équivalent à 5,3 euros le Watt. Contre 3,9 euros le Watt pour Darlington.
Au printemps 2014, selon AREVA, 86% de la construction est achevée. Autrement dit il manque encore 14%. De quoi donner de nouvelles frayeurs aux parties prenantes de ce gouffre financier. L’un des chantiers en cours consiste en l’installation de groupes diesel de secours afin de venir en aide à la centrale en cas de catastrophe. En avril 1991, un incendie s’est produit dans un transformateur électrique, ce qui a conduit à une défaillance du réseau électrique et à l’îlotage des réacteurs nucléaires Olkiluoto 1 et 2.
Un coût bien supérieur à celui des énergies renouvelables
EDF a demandé au gouvernement britannique un tarif d’achat de 10,9 centimes le kWh pour ses projets d’EPR Outre-Manche. Un niveau un tiers plus élevé que celui de l’éolien terrestre, une énergie inépuisable. Les EPR finlandais et français dépendent d’uranium 235 importé, dont le stock mondial est très limité, et dont l’extraction est fortement consommatrice en eau.
Avec l’ensoleillement de la région Aquitaine les grandes centrales photovoltaïques au sol sont rentables à environ 9 centimes le kWh, ne présentent aucun danger pour les populations avoisinantes et ne produisent aucun déchets radioactifs à longue durée de vie à gérer par les générations futures.
Une étude récente de l’Agence Internationale de l’Energie montre qu’intégrer de hauts niveaux d’éolien et de solaire dans un mix électrique est tout à fait possible techniquement et économiquement.
Dans un entretien à L’Usine Nouvelle Bernard Bigot, directeur du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, appelle à a la construction de 35 réacteurs nucléaires EPR d’ici 2050 en France.
Martine Aubry, lors des primaires du PS pour la présidentielle de 2007, et Ségolène Royal, aujourd’hui Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie ont déclaré être favorables à une sortie complète du nucléaire à cet horizon. François Hollande s’est engagé à réduire la part du nucléaire de 75% aujourd’hui à 50% en 2025, mais a refusé de se prononcer sur l’après 2025.
Par Olivier Daniélo
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