La conquête de l’espace a commencé après la seconde guerre mondiale. De cette volonté d’aller dans l’espace est née la station spatiale MIR puis l’ISS. Dans l’optique d’exploiter de manière optimale les séjours des astronautes dans ces stations spatiales, le Centre national d’études spatiales (CNES), a créé une filiale en 1986, Novespace, afin de pratiquer des expérimentations dans le même environnement, c’est-à-dire en micro-pesanteur. Rencontre avec Frédéric Gai, ingénieur et responsable de l’activité vols paraboliques de Novespace.
Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont vos activités ?
Frédéric Gai : Nous fournissons un environnement de micropesanteur, c’est-à-dire un environnement physique dans lequel objets et humains sont soumis à l’attraction terrestre, sans en ressentir les effets. Notre objectif premier, c’est d’embarquer des expériences scientifiques (protocoles, chercheurs et matériel).
Quel est l’intérêt de cet environnement de micropesanteur ?
La gravité cache certains comportements et les expériences en micropesanteur contournent ce problème, ce qui permet de mieux comprendre et mieux modéliser les phénomènes physiques, biologiques, médicaux, chimiques, etc. Notre avion est un laboratoire multidisciplinaire.
Comment faites-vous en pratique pour créer cet environnement de micropesanteur ?
C’est le même environnement qu’on trouve dans l’espace, que ce soit à bord de la station spatiale internationale (ISS) ou d’une navette. On recrée les conditions d’apesanteur avec un avion, un Airbus A310, baptisé « Zéro G ». Au cours du vol, l’avion effectue une série de petites paraboles, ce qui permet de se libérer des effets de la gravité pendant une vingtaine de secondes par parabole.
Quel est le profil de votre clientèle ?
Nos clients sont principalement des agences spatiales, telles que l’ESA, le CNES ou l’agence spatiale allemande. Les équipes de scientifiques qui effectuent les expériences à bord du Zéro G sont sélectionnées au mérite et invitées gracieusement par ces agences.
Il arrive parfois, mais rarement, que des entreprises privées louent l’avion pour tester par exemple du matériel destiné à être embarqué sur un satellite, ou même pour tester des molécules.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’expériences effectuées à bord du Zéro G ?
Notre avion est un laboratoire multidisciplinaire, il permet d’effectuer des expériences en physique, en biologie et médecine, des tests technologiques, etc. Ainsi, lors de la 61ème campagne de vols paraboliques pour le compte du CNES, ayant eu lieu du 20 septembre au 1er octobre 2021, onze expériences ont été mises en œuvre. Voici quelques exemples : tests en condition d’impesanteur de réflecteurs auto-déployables destinés à assurer les communications radio pour des nano-satellites ; réalisation de flux d’ébullition de liquide dans des tubes verticaux ; étude de l’effet Soret (thermodiffusion dans des fluides) en micropesanteur pour des fluides (eau ou alcool) ayant dissout du dioxyde de carbone ;
rôle de la proprioception dans l’apprentissage locomoteur ; étude de la morphologie cardiaque en 3D.
Pourquoi avez-vous décidé d’ouvrir l’accès de l’avion au grand public ?
Les vols publics sont destinés à financer une partie du coût de notre activité principale, à savoir la recherche scientifique. Il faut bien comprendre qu’une campagne scientifique comprenant trois vols par exemple et trente et une paraboles par vol, soit plus de dix minutes d’apesanteur par vol, coûte plus d’un million d’euros en frais divers.
Comment vous positionnez-vous à l’échelon international ?
Dans le monde, il y a trois avions capables de fournir un environnement de micropesanteur : un avion russe, un avion américain destiné principalement au tourisme, et le nôtre, unique en Europe.
La qualité de notre micropesanteur a décidé récemment les chercheurs de la NASA à utiliser notre avion pour y effectuer leurs propres expériences scientifiques.
Nous travaillons avec les mêmes clients depuis des décennies, qui sont donc extrêmement fidèles.
Nous sommes très heureux et même fiers de constater le très grand nombre de publications scientifiques liées aux expériences menées dans notre avion. C’est la preuve de notre utilité envers la société. C’est très valorisant pour nous.
Propos recueillis par Jeanne Périé
Crédit image de une : Novespace
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