Les stations de pompage-turbinage (STEP) ont été développées en Europe dans les années 1970, en parallèle du développement de l’énergie nucléaire. Jusqu’au début des années 2000, elles pompaient l’eau pour stocker le surplus d’électricité d’origine nucléaire dans des bassins d’accumulation, la nuit (phase de pompage). Elles la rendaient disponible pendant les périodes de forte demande la journée (phase de turbinage). « Depuis une dizaine d’années, les STEP sont utilisées de manière beaucoup plus dynamique : là où on les démarrait pendant la nuit pour pomper et la journée pour turbiner, dans beaucoup de pays, essentiellement où il y a beaucoup d’éolien, comme en Allemagne ou au Portugal, les STEP démarrent en pompage quand il y a une pointe de production éolienne et démarrent en turbinage quand il y a un creux de production éolienne », explique Olivier Teller, Directeur produit chez General Electric Hydro. « Ces systèmes qui ont été conçus pour 3 démarrages par jour, sont désormais démarrés 10 à 15 fois par jour », précise-t-il.
Mais les machines n’ont pas été conçues pour cet usage et le pompage ne peut pas être régulé en puissance : celui-ci doit se faire à pleine puissance lorsqu’il est activé. C’est un problème dans les pays qui commencent à avoir un fort taux de pénétration d’énergies renouvelables intermittentes. « Si une STEP peut généralement turbiner entre 50 et 100 % de sa puissance, une machine conventionnelle ne peut pas réguler sa puissance en mode pompage », nous éclaire Olivier Teller. Tout l’enjeu est de moderniser les STEP pour permettre de les opérer à vitesse variable et ainsi mieux intégrer les énergies renouvelables intermittentes sur le réseau. « Une STEP à vitesse variable peut descendre jusqu’à 30 % de sa puissance en turbinage. En pompage, elle peut varier sa puissance entre 70 et 100 % », précise l’expert.
Le Projet européen eStorage s’intéresse à la conversion des machines existantes en machines variables. Son objectif est d’évaluer les solutions technologiques pour mettre à niveau 75 % des STEP européennes. « Pour rendre des machines plus flexibles, il existe 3 options : améliorer la conception de la turbine pour qu’il y ait moins de vibrations, rendre plus robuste la turbine pour qu’elle résiste mieux aux vibrations, ou mieux piloter la turbine pour enregistrer l’usure de la machine et informer l’opérateur des maintenances à réaliser », détaille Olivier Teller. « Pour passer en vitesse variable, il faut changer l’alternateur de la station. L’investissement nécessaire représente environ 10 % du coût d’investissement dans une nouvelle centrale ». La première STEP à vistesse variable a été introduite en Europe en 2004. Deux stations sont actuellement en construction en Suisse et une au Portugal.
Malgré tout, les opérateurs qui ont besoin de faire de la régulation, mais n’ont pas le temps d’entreprendre les travaux, font tourner les pompes et les turbines en même temps. Dans ce cas, certains producteurs utilisent simultanément certaines de leur turbines et d’autres pompes : le pompage se fait à pleine puissance et la puissance de turbinage est régulée en fonction des besoins. C’est notamment le cas en Allemagne et en Autriche, « Ce n’est pas le cas en France, car les énergies intermittentes sont encore très minoritaires. Mais si on continue leur développement, le besoin va se faire sentir de plus en plus », prévient Olivier Teller.
Comment s’assurer que le revenu ne baisse pas ?
Si les turbines des STEP tournent moins, le revenu devrait baisser. Mais ce serait oublier que les STEP bénéficient de plusieurs sources de revenus : certes, elles vendent l’électricité sur le marché de l’électricité, mais elles jouissent aussi d’un marché de la puissance. Le marché d’ajustement de la puissance est piloté par les opérateurs qui cherchent à vendre de la régulation de puissance primaire, secondaire ou tertiaire. Car à tout moment, la production électrique doit être égale à la consommation sur le réseau.
En France, RTE assure en temps réel cet équilibre et tient compte des aléas de consommation ou de production. Pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande, RTE doit disposer en temps réel d’une réserve d’ajustement de puissance, à la hausse comme à la baisse. Il existe trois types de réserves qui peuvent être sollicitées successivement : les réserves primaires et secondaires qui permettent d’augmenter ou de diminuer automatiquement la production des centrales et les réserves tertiaires sollicitées par RTE pour modifier très rapidement leur programme de fonctionnement prévu. Les plus gros acteurs sur ce marché sont les barrages et les turbines à gaz : une STEP peut déjà passer de 50 % à 100 % de sa capacité en moins de 15 secondes, alors qu’une centrale gaz demande plusieurs minutes. « En Allemagne, par exemple, les STEP sont déjà passées d’une rentabilité basée sur le prix de l’électricité à un modèle de vente de services de réglage de puissance pour combler les variations de la demande dues à la production intermittente », assure Olivier Teller.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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