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Décryptage

Nos données de demain sur une molécule ?

Posté le par La rédaction dans Chimie et Biotech

Depuis des années, chimistes et physiciens rêvent de stocker de l’information à l’échelle d’une molécule et de disposer ainsi de mémoires toujours plus légères et petites. Un nouveau pas vient d’être franchi en ce sens par une équipe franco-américaine. Explications.

Pour réaliser ces molécules, la chimie de coordination constitue une approche particulièrement intéressante. En effet, elle permet au chimiste d’organiser de façon contrôlée des ions métalliques (fer, manganèse, cuivre…) en utilisant des petites molécules organiques aussi appelées ligands. Les objets ainsi formés, qui sont de la taille de quelques nanomètres, possèdent des propriétés tout à fait remarquables (magnétiques, optiques, conductivité électrique…) induites par ces assemblages et les propriétés intrinsèques des ligands et des ions métalliques. La chimie de coordination présente le double avantage de contrôler la matière à l’échelle de la molécule et de mettre en forme ces molécules par des techniques peu coûteuses, comme par exemple, le dépôt en solution.  Sous l’effet de la température ou de la lumière, certains composés de coordination voient leurs états magnétiques et leur couleur se modifier de manière réversible. Stocker une information au niveau de ces molécules est envisageable quand le changement induit par la température ou la lumière implique au moins deux états aux propriétés bien différentes (dans le cas binaire, les deux états peuvent être assimilés à un codage 0 ou 1). Ainsi, à la fin des années 1990, l’équipe japonaise du Prof. Hashimoto découvre un matériau non magnétique qui se transforme en aimant sous l’effet d’une lumière rouge à basse température. Ce matériau est obtenu à partir d’un précurseur moléculaire de l’ion fer entouré par six ligands cyanures (-CºN) et de l’ion cobalt. L’assemblage final forme une architecture tridimensionnelle similaire au bleu de Prusse dans laquelle les ions fer et cobalt sont liés par des ponts cyanures dans les trois directions de l’espace selon un réseau cubique. Quand ce solide est irradié par la lumière, un électron est transféré à travers le pont cyanure depuis l’ion fer vers l’ion cobalt. Ainsi, ce matériau bascule d’un état diamagnétique (d’aimantation nulle en champ magnétique nul) à un état d’aimant. Ce phénomène est parfaitement réversible puisqu’une augmentation de température (>150 K) est suffisante pour que le solide retrouve son état non magnétique initial.

De nouvelles avancées
Ce résultat a motivé de nombreux groupes de recherche à travers le monde pour obtenir un équivalent moléculaire de ce réseau qui serait plus facile à manipuler et à mettre en forme dans les dispositifs du futur. C’est ce challenge qu’a très récemment relevé une équipe internationale de chimistes américains et français composée de chercheurs du Centre de recherche Paul Pascal et de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS) soutenue par un Projet International de Coopération Scientifique du CNRS.Pour obtenir cet équivalent moléculaire, la stratégie de synthèse choisie par cette équipe consiste à bloquer certains sites de coordination sur les ions fer et cobalt pour éviter la formation de la structure tridimensionnelle. En 2008, cette stratégie a permis à ces mêmes chercheurs d’obtenir une molécule en forme de cube, [Fe4Co4] (environ 2,5 nm), qui représente un fragment moléculaire de la structure tridimensionnelle du type des bleus de Prusse. Très récemment, ils ont synthétisé et étudié une molécule carrée, [Fe2Co2], encore plus petite (environ 1,8 nm) qui est en fait une face du cube [Fe4Co4] précédemment obtenu. Ce nouveau composé présente deux états distincts (« 0 » ou « 1 »), contrôlables par la lumière et/ou la température. Ces deux états ont pu être étudiés à l’aide de techniques structurales, optiques et magnétiques. La combinaison de ces trois techniques a permis de démontrer le mécanisme de transfert d’électron entre les ions fer et cobalt au sein même de la molécule carrée. Ainsi le composé rouge (magnétique) (FeIII2CoII2) à haute température devient vert et diamagnétique (FeII2CoIII2) à basse température. Mais s’il est irradié par une simple lumière blanche, il redevient rouge et magnétique. Le passage d’un état à l’autre s’effectue sans fatigue apparente car le phénomène est essentiellement d’origine moléculaire. Ce composé répond donc parfaitement à la fonction de stockage des composants classiques de nos disques durs entre deux états magnétiques et optiques que l’on peut coder comme des états « 0 » et « 1 ».Ces résultats illustrent la capacité de la chimie de coordination à concevoir de façon contrôlée, à l’échelle de quelques atomes, de nouvelles molécules pour le stockage de l’information dans les ordinateurs de demain, et ouvrent ainsi de nouvelles perspectives dans la miniaturisation des dispositifs de stockage.

Posté le par La rédaction


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