Issue d'un laboratoire de recherche, la start-up Norimat fabrique des matériaux possédant de hautes performances grâce au procédé de frittage SPS (Spark Plasma Sintering). Grâce à sa maîtrise de cette technologie, elle est capable de concevoir des pièces en 3D pour des industriels. Rencontre avec le cofondateur de cette entreprise.
Fondée en 2016, la start-up Norimat est une spin-off du CIRIMAT, le Centre inter-universitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux. Après 15 années de recherche et développement, ce laboratoire de l’université de Toulouse a réussi à lever un verrou technologique pour fabriquer des pièces en 3D possédant de hautes performances grâce au procédé de frittage SPS (Spark Plasma Sintering). L’entreprise poursuit le développement de ce procédé afin de l’industrialiser. Elle commercialise déjà des pièces pour le secteur du luxe et des prototypes pour celui de l’aéronautique. Ancien chercheur du CIRIMAT, Romain Epherre est l’un des cofondateurs de Norimat et son CEO. Il nous parle de la technologie développée par son entreprise.
Techniques de l’Ingénieur : En quoi consiste le procédé de frittage SPS et quels sont ses avantages ?
Romain Epherre : Il s’agit d’un four qui permet de fabriquer des matériaux à très haute densité, sans porosité et sans défaut. Ce four est constitué d’un moule en graphite à l’intérieur duquel sont placés différents types de poudre, notamment céramique et métallique. Ensuite, un courant de forte intensité est injecté directement dans le moule pour faire chauffer la poudre, à l’image d’un filament électrique. À la différence des fours classiques qui sont équipés de résistances placées sur la partie extérieure de la paroi de l’enceinte afin de la chauffer, le frittage SPS est très économe en énergie puisque le courant électrique sert quasi exclusivement à chauffer la poudre. Le temps de cuisson est très rapide, car l’échauffement est quasi instantané, avec des vitesses de montée et de descente en température de l’ordre de 100 degrés par minute, contre 1 à 5 degrés pour les procédés classiques de frittage. Par exemple, le traitement thermique à 1 500 degrés dure moins d’une heure, contre 20 à 30 heures pour les procédés conventionnels. La rapidité de la chauffe permet d’obtenir des microstructures très fines et bien contrôlées, avec très peu de croissance granulaire, et au final d’améliorer la performance des matériaux par rapport au frittage conventionnel. Enfin, les pertes de matières sont limitées à moins de 1 %, alors qu’elles peuvent grimper jusqu’à 80 % sur certaines pièces conçues pour l’aéronautique.
Le frittage SPS a été inventé dans les années 60 et est arrivé en Europe au début des années 2000, qu’est-ce qui différencie votre technologie de vos concurrents ?
Nous sommes la seule entreprise dans le monde à savoir fabriquer des pièces en 3D avec ce procédé. Toutes les autres conçoivent uniquement des galets en 2D. Cette technologie présente un grand intérêt, mais est difficile à maîtriser. Nous avons créé de véritables jumeaux numériques de ces fours dans le but de modéliser ce qui se passe à l’intérieur, afin de prédire et d’anticiper les différentes réactions avant de commencer le traitement. Cela nous permet d’optimiser les cycles ainsi que les outils que nous utilisons, et de diminuer les gradients thermiques dans les pièces pour obtenir un traitement des pièces homogènes thermiquement. Il s’agit d’une des clés dans notre maîtrise de la technologie.
Ensuite, nous avons développé un modèle de suivi de la production, basé sur le traitement statistique et l’analyse des données, afin de suivre la fabrication et atteindre les standards de qualité fixés et le contrôle renforcé des pièces.
Quelles sont les principales applications de votre procédé ?
Nous fabriquons beaucoup de pièces en céramique, car elles correspondent aux marchés les plus matures actuellement, notamment pour des applications dans le domaine de la défense, du luxe et de l’outillage. Par exemple, nous avons développé des céramiques colorées qui servent à la fabrication de pièces d’habillage de montres ou de joaillerie. La vitesse de notre processus nous permet d’utiliser des pigments qui ne peuvent pas être employés par d’autres procédés. Dans l’outillage, nous concevons des pièces qui servent à fabriquer des outils de coupe et de forages qui possèdent une très grande résistance à l’abrasion, à la rayure, et une grande dureté. Dans l’aérospatial, nous concevons des pièces pour des environnements moteurs, pour repousser leurs limites d’utilisation, notamment de résistance à des températures très élevées, afin de fabriquer des moteurs plus puissants et plus efficients.
Quel est le business modèle de Norimat ?
Nous avons développé trois secteurs d’activité. Nous sommes un bureau d’études et nous développons de nouvelles pièces grâce à notre procédé de frittage SPS. Ensuite, nous sommes capables de les fabriquer grâce à une première ligne de production mise en service en 2019. Une seconde ligne est en cours d’acquisition et devrait être opérationnelle en début d’année prochaine. Enfin, nous accompagnons nos clients qui utilisent le frittage SPS et nous pouvons même délocaliser notre production directement chez eux. Nous développons également une quatrième activité dans le domaine de l’édition de logiciels destinés aux utilisateurs du procédé SPS. Notre logiciel sera commercialisé d’ici quelques semaines.
Nous produisons déjà des pièces pour le secteur horloger, et nous sommes en phase de prototypage pour celui de l’aéronautique. Nous explorons de nouveaux marchés, notamment celui de l’automobile pour fabriquer des pièces utilisées dans l’environnement moteur ainsi que celui de l’énergie pour des applications dans le domaine de l’hydrogène et du nucléaire.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE