Les événements qui ont marqué l'actualité du secteur Environnement/Energie en mars 2013. Au programme : une entreprise française réussit dans le nucléaire, un modèle anti-apartheid appliqué à l'industrie des énergies fossiles, et un projet européen pour la production industrielle d'hydrogène. Bonne lecture !
NucAdvisor, l’exemple unique d’une jeune start-up du secteur nucléaire
Même si cela reste une aventure parfois difficile, créer une start-up n’étonne plus vraiment personne aujourd’hui. Pour autant, quand ce sont d’anciens grands patrons de l’industrie et de la recherche qui décident de ne pas opter pour une retraite paisible mais de sauter le pas, qui plus est dans un secteur comme le nucléaire, on ne peut qu’être surpris. Aujourd’hui, après quatre années d’existence, ponctuées d’obstacles, classiques pour une start-up, mais aussi traversées par des événements majeurs comme le Printemps arabe et la catastrophe de Fukushima, la petite entreprise NucAdvisor, que préside Alain Bugat, ancien Administrateur Général du CEA, a acquis une solide image dans ce petit monde très fermé du nucléaire. Retour sur l’émergence et le développement de cette expérience originale.
« Je voulais vivre une expérience nouvelle. J’ai toujours rêvé de créer une entreprise », rappelle d’emblée Alain Bugat. Durant les dernières années de sa vie professionnelle comme Administrateur Général du CEA, plusieurs voyages effectués en compagnie notamment des Présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy dans de nombreux pays où le nucléaire est présent, afin de promouvoir la technologie française dans ce domaine, l’amène a se rendre compte, comme aux Emirats, que la France arrive trop tard. « Les Américains et, plus généralement, les Anglo-Saxons disposent de sociétés de conseil en ingénierie positionnées très en amont des opérations industrielles de ventes de réacteurs ce qui leur permet d’influence les orientations stratégiques et, ultérieurement, d’imposer leurs approches, leurs standards et leurs produits », résume-t-il. Or à l’époque, la France ne possède pas de structure équivalente. C’est dans ce contexte que Alain Bugat décide en 2008 de créer « aux forceps », comme il tient à la souligner, l’Agence France Nucléaire International (AFNI). Mais cette structure ne répondant pas vraiment aux problèmes auxquels est confrontée l’industrie nucléaire française, celui-ci, une fois en retraite, franchit une nouvelle étape en créant, avec quelques partenaires comme Dominique Vignon, l’ancien président du groupe Framatome, une start-up baptisée « NucAdvisor » au capital de laquelle entre Ingérop. « Pour être crédible, il fallait nous appuyer sur un groupe industriel », précise-t-il.
Après 18 mois de prospection commerciale au cours desquels 36 pays sont visités, les responsables de NucAdvisor, dont l’unique mission est alors l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les pays étrangers souhaitant s’engager dans le nucléaire, disposent alors d’une cartographie relativement précise des pays intéressés. En cette fin des années 2000, on parle d’une renaissance de l’énergie nucléaire dans le monde. Tunisie, Libye, Koweit, Lituanie … NucAdvisor enregistre ses premières « touches » sérieuses. Mais l’échelle de temps de l’industrie nucléaire est longue ce qui est quasiment « invivable » pour une start-up. Et avant même qu’explose le Printemps arabe et survienne la catastrophe de Fukushima, les créateurs de la start-up ont pris la décision de recentrer le tir en ouvrant une seconde activité de conseil au sein de l’entreprise qui s’adresse cette fois-ci à des clients déjà présents sur le marché du nucléaire. Une activité qui démarre bien mais va rapidement subir les effets des soubresauts dans les pays arabes et de la catastrophe au Japon. « Nous avons alors perdu plusieurs contrats. D’où un nouveau ralentissement de nos activités », se rappelle Alain Bugat qui compare ces moments à la traversée d’une tempête.
Depuis quelques mois, des frémissements sont perceptibles selon le président de NucAdvisor. Ainsi l’entreprise a fini par signer un contrat avec la Jordanie où elle assiste l’organisation atomique de ce pays dans le cadre de la construction d’un réacteur de recherche par les Coréens. Parallèlement, la jeune entreprise française a répondu a différents appels d’offres, en particulier au Kenya, où il s’agit de conseiller le gouvernement de ce pays pour le démarrage d’un programme nucléaire, mais aussi en Afrique du Sud, où là encore, il s’agit de conseiller le gouvernement sud-africain à propos de la gouvernance de leur programme, mais aussi sur la façon d’attirer des investisseurs financiers et d’organiser la sélection des technologies. « Nous venons justement d’être sélectionné par l’Afrique du Sud, pour une mission de six semaines », se réjouit Alain Bugat qui ajoute : « C’est le signe d’un redémarrage, d’autant plus que nous attendons également des résultats de la Banque Européenne de Développement et de la Banque Européenne d’Investissement ». Dans la foulée, NucAdvisor ouvre une troisième activité centrée sur l’assistance à maîtrise d’ouvrage sur les programmes de démantèlement.
Aujourd’hui, NucAdvisor dispose d’une équipe permanente de 4 personnes et de dix experts-partenaires actifs et s’appuie sur une soixantaine d’experts associés. « L’aventure se poursuit, même si la mise en place a été plus longue que prévue », reconnaît son président. Pour Alain Bugat, le principal atout de cette entreprise est de « proposer une expertise collective » et de couvrir toute l’étendue du spectre, depuis les aspects financiers, réglementaires, internationaux, politiques, jusqu’aux aspects plus techniques du cycle et du réacteur. Or en cela, NucAdvisor peut se targuer de ne pas avoir d’équivalent dans le monde. Seul handicap de cette start-up, mais peut-on parler d’un handicap, le fait que l’industrie nucléaire française soit considérée comme la meilleure du monde. « Dans ces conditions, les acteurs anglo-saxons du secteur ont tendance à nous considérer, bien à tort, comme des french cookies », déclare Alain Bugat non sans une pointe d’ironie. D’où le travail, en termes d’image de l’entreprise réalisé avec succès, en particulier auprès de Westinghouse, qui a fini par lui transmettre des éléments sur l’AP1000, « afin que nous puissions avoir une bonne connaissance technique de leur produit », se félicite-t-il.
Source : bulletins électroniques
Désinvestir : le modèle anti-apartheid appliqué à l’industrie des énergies fossiles
A travers le pays, des centaines d’étudiants participent à une campagne « Divest for Our Future » pour que leurs universités cessent d’investir des fonds dans les entreprises liées aux énergies fossiles. Cette initiative s’inspire de la campagne menée dans les années 80 contre l’apartheid en Afrique du Sud. Près de 156 universités avaient alors cessé d’investir dans des entreprises ayant des activités dans ce pays. Une campagne similaire a eu lieu dans les années 90 contre l’industrie du tabac. La campagne « Divest for Our Future », lancée par le mouvement 350.org et plusieurs autres organisations, vise à affaiblir le pouvoir économique et politique (à travers les activités de lobbying) des compagnies liées aux énergies fossiles.
Après un tour dans 21 villes au cours des derniers mois pour encourager ce projet et sensibiliser la population aux enjeux du réchauffement climatique, Bill McKibben, fondateur de 350.org, estime que des mobilisations en faveur du « divestment » sont en train d’être organisées dans 256 universités. Comme il l’expliquait dans un article paru dans Rolling Stone au mois de juillet dernier « Global Warming’s Terrifying New Math », il faudrait se tenir en deçà de 565 gigatonnes de dioxyde de carbone supplémentaires pour éviter un réchauffement supérieur à 2°C. Or, cela représente un cinquième des réserves actuelles d’énergies fossiles et les entreprises pétrolières et gazières cherchent constamment de nouvelles ressources. Il estime donc qu’il est nécessaire et urgent de limiter la production et la consommation d’énergies fossiles. L’ancien vice-président américain Al-Gore, fortement engagé dans la lutte contre le changement climatique depuis plusieurs années, a apporté son soutien à cette initiative.
Les défenseurs de la campagne expliquent que les universités sont investies d’une responsabilité particulière pour la lutte contre le réchauffement climatique et doivent donc veiller à l’éthique de leurs investissements. Ils avancent plusieurs raisons pour cela. Tout d’abord, c’est dans les universités et leurs laboratoires qu’ont eu lieu les avancées scientifiques permettant de mieux comprendre la réalité du réchauffement climatique et ses impacts. Les universités ont toujours eu un rôle important dans la diffusion des connaissances.
Des efforts ont d’ailleurs été faits au cours des dernières années dans un grand nombre d’universités américaines pour pendre en compte ces nouveaux enjeux dans leurs formations et la gestion de leur campus. Ce sont 665 présidents d’universités qui ont déjà signé le « President’s Climate Commitment » par lequel ils s’engagent à prendre des mesures pour rendre leur curriculum et leur campus plus durables (et même neutres en carbone). Pour les étudiants, professeurs et anciens étudiants qui portent cette campagne, il est maintenant nécessaire que les universités traduisent également cette préoccupation dans leur politique d’investissement. Les fonds des universités ne sont pas négligeables. Une étude menée par le journal USA Today l’an dernier a montré qu’ils représentaient une somme totale de 400 milliards de dollars. A titre d’exemple, Middlebury College, une petite université de 2 500 étudiants qui a été la première à dévoiler la répartition de ses investissements, a investi 3,6% de ses fonds de dotation (qui s’élèvent à 900 millions de dollars), soit 32 millions de dollars investis dans des industries liées aux énergies fossiles.
Ils évoquent aussi la responsabilité des universités vis-à-vis de leurs étudiants qui, compte tenu des frais d’inscription très élevés contribuent aux fonds des universités. Or ceux-ci seront les premiers à souffrir des conséquences du réchauffement climatique. Les promoteurs de la campagne estiment qu’une modification des portefeuilles d’investissements des universités ne devrait pas entraîner de pertes. Ils ne demandent pas une interruption brutale mais un gel et un désengagement progressif des investissements liés à l’industrie des énergies fossiles en 5 ans. Ils ont pour cela établi une liste de 200 entreprises liées à l’industrie du charbon, du pétrole ou du gaz. Les organisateurs de la campagne considèrent d’ailleurs que ces sommes seraient bien plus rentables si elles étaient investies dans des projets d’efficacité énergétique sur les campus, qui assurent de forts taux de retour sur investissement et comportent peu de risque. Un récent rapport estime le taux moyen annuel de retour sur investissement de tels projets à 30%.
Plusieurs succès ont déjà été enregistrés. Hampshire College, dans le Massachusetts a été la première université à s’engager à cesser ses investissements dans le domaine des énergies fossiles. Il est intéressant de noter que c’était déjà la première université à interrompre ses investissements dans des entreprises ayant des activités en Afrique du Sud en 1979. Deux autres universités (Unity College dans le Maine et Sterling College dans le Vermont) ont également suivi. Parmi les universités disposant d’un fond de dotation supérieur à un milliard de dollars (qui étaient au nombre de 74 en 2011), aucune n’a pour l’instant accepté de reconsidérer ses investissements. A Harvard (dont le fond de dotation dépasse 31 milliards de dollars), une coalition d’étudiants (Students for a Just and Stable Future) s’est formée pour porter cette revendication et a organisé un vote parmi les étudiants (favorable à 72%) mais elle s’est heurtée à une réponse négative de l’administration : « nous apprécions toujours d’entendre le point de vue de nos étudiants mais Harvard n’envisage pas actuellement de cesser ces investissements dans les entreprises liées aux énergies fossiles » (« We always appreciate hearing from students about their viewpoints, but Harvard is not considering divesting from companies related to fossil fuels »)
Le mouvement rencontre néanmoins un important succès, y compris médiatique. Le sénateur démocrate Sheldon Whitehouse l’a mentionné comme un exemple d’action face à l’inaction du Congrès sur les questions climatiques, le magazine Time et le New-York Times y ont consacré un article. Il semble également que l’impact de la campagne s’étende au-delà des universités. En décembre dernier, le maire de Seattle, Mike McGinn, a appelé sa ville à adopter des mesures pour que ses fonds de pension (la ville aurait actuellement 17,6 millions de dollars investis dans Chevron et ExxonMobil, ainsi que d’autres plus petites entreprises de pétrole et de gaz) ne soient pas investis pour les énergies fossiles, arguant du fait qu’investir dans ces compagnies était contre-productif pour la ville. Plus les énergies fossiles sont encouragées, plus les émissions de carbone, responsables du réchauffement climatique, augmentent et plus la ville aura à souffrir de ses conséquences, notamment de la montée du niveau des eaux. Début février, une résolution a également été proposée appelant le bureau du système de retraite des employés de San Francisco à cesser les investissements dans les entreprises liées aux armes à feu et aux énergies fossiles (ce qui représenterait 1,9 milliards de dollars) d’ici 5 ans.
Si l’impact global de ce mouvement est pour l’instant difficilement perceptible, sa rapide propagation, dans les universités et au-delà, montre l’importance croissante de la mobilisation au niveau local aux Etats-Unis pour lutter contre le changement climatique.
Source : bulletins électroniques
Un projet européen pour la production industrielle d’hydrogène
Le centre de recherche madrilène IMDEA Materials pilote un nouveau projet européen dédié à la production d’hydrogène : CARINHYPH. Le projet, soutenu par la Commission Européenne dans le cadre du 7ème PCRD, a débuté au 1er janvier pour trois ans. Il réunit des laboratoires, universités et entreprises de 5 pays européens avec un budget de 3,8 M euros. La réunion de lancement du projet a eu lieu à Madrid en février.
L’hydrogène pourrait être la base d’un nouveau système énergétique mondial, remplaçant les énergies fossiles. Cependant, de nombreux obstacles sont à surmonter avant de faire de cela une réalité. Parmi ceux-ci, la production en masse d’hydrogène est le défi le plus important.
La photosynthèse est un processus naturel qui se base sur des réactions chimiques assurant dans les premières étapes la production d’hydrogène. Les chercheurs veulent ainsi mettre au point des matériaux photocatalytiques qui utilisent l’énergie solaire pour entraîner la photolyse des molécules d’eau et produire ainsi l’hydrogène. Dans ce cadre, les nanotechnologies offrent de nouvelles possibilités aux chercheurs.
La maîtrise de nouveaux matériaux et de leurs propriétés permet d’envisager la mise au point de structures multipliant le rendement de production d’hydrogène à partir d’énergie lumineuse par 25 par rapport aux structures utilisées actuellement. En combinant des nanomatériaux carbonés (nanotubes, graphène) avec des oxydes métalliques photoactifs réduits à des tailles nanométriques, les structures produites présenteraient des caractéristiques intéressantes.
Par leurs dimensions nanométriques, elles offriraient une surface extrêmement élevée par rapport à la quantité de matière mise en jeu, augmentant ainsi la surface utile de photolyse de l’eau. Ensuite, les composés carbonés présentent une large bande d’absorption de la lumière par rapport aux matériaux actuels. Enfin, le couplage de différents matériaux assurent une durée de vie plus longue de la séparation de charge nécessaire à la dissociation de la molécule d’eau, laissant plus de temps à la réaction pour se produire. Ces trois propriétés permettent d’améliorer fortement le rendement des réactions chimiques en jeu.
L’objectif du projet européen est de réaliser ces structures nanométriques, d’en démontrer l’efficacité et d’en assurer ensuite une production industrielle. Chaque acteur aura son rôle à jouer que ce soit dans la production des matériaux de base, leur association pour créer la structure finale, l’évaluation de ses capacités et la production des dispositifs de fabrication à l’échelle industrielle. Ce projet est un exemple de l’utilisation de compétences réparties dans différents laboratoires européens afin de parvenir à résoudre des problèmes scientifiques et techniques dont l’utilité pour la société est très grande.
Source : bulletins électroniques
Publié par Pierre THOUVEREZ
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