Des robots, des caméras, des plantes et… l’agriculture durable
On se croirait dans un film d’anticipation. Imaginez une sorte de grand bâtiment, renfermant notamment des serres modulables et des chambres climatisées en confinement à l’intérieur desquelles les parties aériennes et racinaires de milliers de plantes, dont certaines convoyées depuis les lieux de culture par des robots, sont filmées par des caméras dans différentes longueurs d’ondes ! Bienvenu à l’intérieur de la Plateforme de Phénotypage Haut Débit (PPHD) de Dijon qui sera inaugurée le 6 juillet prochain. Unique en son genre, celle-ci permettra aux chercheurs de l’Unité Mixte de Recherche Agroécologie (INRA/CNRS/Université de Bourgogne/AgroSup Dijon), et plus largement à la communauté scientifique nationale et internationale de disposer d’un équipement « high-tech » pour produire, dans des conditions parfaitement contrôlées, et caractériser, à l’aide de moyens non-destructifs, du matériel végétal.
Le développement d’une agriculture dite « durable », autrement dit qui respecte davantage l’environnement, exige un renouvellement des systèmes de cultures basé sur l’exploitation accrue de la variabilité génétique des plantes et celle des interactions entre organismes. « Il est donc nécessaire de caractériser les phénotypes de plantes cultivées, de focaliser sur les interactions plantes – microorganismes telluriques pathogènes/mutualistes et l’effet de l’environnement abiotique », explique Christophe Salon, Directeur de recherche à l’INRA et Directeur scientifique de la PPHD. Or cela implique de pouvoir réaliser l’exploration systématique intra ou inter spécifique de la diversité génétique naturelle ou induite des plantes et de leur adaptation à des conditions environnementales fluctuantes, contraintes, voire stressantes. D’où la nécessité de disposer de plateformes phénotypiques en conditions contrôlées associant un haut débit et une mesure précise et continue de l’environnement des plantes et de leur phénotype.
Une serre où les plantes sont sous l’oeil de caméras
La PPHD qui sera inaugurée le 6 juillet prochain à Dijon est l’aboutissement d’un projet qui a commencé dès 2006 et dont le développement a été financé par l’INRA, le Conseil Régional de Bourgogne, les fonds européens FEDER, le plan de relance 2010, et pour une partie, dans le cadre des investissements d’avenir via le projet PHENOME qui fédère toutes les compétences françaises en matière de phénotypage des plantes. Déjà impliquée dans plusieurs projets Européens comme ABSTRESS, ARIMNET et European Plant Phenotyping Network (EPPN), cette plateforme dijonnaise est dotée d’un certain nombre de dispositifs innovants parmi lesquels deux systèmes de phénotypage, basés sur l’analyse d’images dans différentes longueurs d’ondes, qui représentent des outils phares. Ils permettent en effet de caractériser différentes unités biologiques à l’aide de moyens non-destructifs automatisés. « Ce phénotypage pourra être mené soit sur un très grand nombre de plantes sur lesquelles nous effectuerons un nombre limité de mesures, soit sur un nombre réduit de plantes, caractérisées plus fréquemment au quotidien », résume Christophe Salon.
Ainsi le premier système de phénotypage, adapté aux unités de petite taille que sont les graines en boîte de pétri, les plantules ou encore les colonies de microorganismes, est équipé d’une caméra mobile capable de balayer la zone de mesure. Destiné davantage aux grosses unités telles les plantes en pots et les rhizotrons, le second de ces systèmes de phénotypage est doté de caméras fixes devant lesquelles les plantes seront amenées depuis les zones de cultures via des convoyeurs. Les caméras fonctionnent évidemment dans le visible, mais aussi le proche infrarouge, certaines d’entre elles utilisant même la fluorescence, ce qui permet de suivre, via une « protéine rapporteur », le niveau, la fréquence ou le site d’expression in situ d’un gène d’intérêt.
Autre dispositif particulièrement original de cette plateforme, les fameux rhizotrons dont elle va pouvoir être dotée grâce aux investissements versés dans le cadre de PHENOME. Constitué de deux lames de verres entre lesquelles sont placés la terre et le système racinaire de la plante cultivée, ce type de dispositif permet en particulier de visualiser l’interaction entre la plante et les microorganismes telluriques, résultant par exemple dans la formation de nodosités chez les légumineuses. « Ce travail est d’autant plus important que le système racinaire, auquel les chercheurs s’intéressent pourtant depuis longtemps, a été délaissé de part sa difficulté d’accès », rappelle Christophe Salon. Plus d’un millier de rhizotrons vont être ainsi progressivement mis en place au sein de la PPHD qui, dans quelques mois, pourra alors se targuer d’être la seule au monde à disposer d’un système d’une telle ampleur.
Innovation, un mot qui résume parfaitement la PPHD
Des rhizotrons particulièrement innovants conçus dans le cadre d’un partenariat entre l’INRA et Inoviaflow, une PME bourguignonne. « Ces rhizotrons nous permettront en effet de cultiver des plantes en conditions stériles, ce qui est une première. Nous pourrons ainsi sélectionner un type de plante et un microbe ou une collection de microorganismes et les combiner dans ce type de rhizotron pour observer comment ils se comportent », s’enthousiasme le Directeur scientifique de la PPHD. Autant d’innovations qui permettront, à terme, de déboucher sur la création et la sélection de nouvelles variétés de plantes. A l’aide d’une telle plateforme, les chercheurs vont pouvoir en effet combiner plus rapidement les vitesses de phénotypage et de génotypage et progresser plus vite dans la compréhension du génome des plantes. « Notre objectif est de trouver les génotypes qui correspondent le mieux à nos besoins et sont les plus aptes à s’adapter aux conditions environnementales dans lesquelles nous souhaitons les développer », indique Christophe Salon qui ne cache pas que les industriels qui pratiquent la sélection variétale, en particulier les semenciers, sont très intéressés par les travaux qui seront développés au sein de cette plateforme. Un outil exceptionnel, qui n’a pas d’équivalent, dont vont pouvoir bénéficier certains projets labellisés par le pôle Vitagora impliqué pleinement dans le développement de la PPHD, en particulier via le projet PHENOME.
Source : Bulletins électroniques
Ecornet : un réseau de recherche écologique
Sept instituts de recherche pionniers dans le domaine de la durabilité en Allemagne ont récemment uni leurs forces pour former un réseau de recherche écologique : Ecornet. Principale organisation, hors réseau universitaire, d’instituts de recherche allemands axés sur la durabilité, la mission d’Ecornet repose sur la mise en place des bases scientifiques nécessaires à la réussite d’une transformation sociale pour construire une société et une économie durables post-combustibles fossiles.
Changement climatique, destruction de l’environnement, sécurité alimentaire ne sont que quelques-uns des domaines de recherche dans lesquels les instituts Ecornet [1] sont engagés. Ils ambitionnent de relever ces défis grâce au large spectre de compétences qu’ils réunissent, allant de la recherche appliquée en durabilité, à l’étude des politiques internationales climatique et environnementale et l’utilisation efficace des ressources, jusqu’à l’intégration de l’éducation environnementale et de conseils stratégiques auprès des autorités compétentes. Ecornet rassemble les leaders de divers domaines de recherche devenus aujourd’hui des thèmes incontournables, tels que la sûreté des réacteurs et la sortie du nucléaire, l’évaluation des bilans énergétiques, la protection du climat, les transports, la gestion durable des entreprises, et le développement de méthodes de recherche transdisciplinaires.
Dans le cadre de l’Année de la Science 2012 dédiée à la recherche pour le développement durable, le réseau écologique mettra en place des événements de différents formats pour échanger autour des thèmes et des défis à affronter sur le chemin d’une société durable.
Les sept membres d’Ecornet sont les suivants :
– l’Institut écologique de Berlin
– l’Institut de recherche sur l’énergie et l’environnement de Heidelberg (IFEU – Bade-Wurtemberg)
– l’Institut d’étude économique d’écologie de Berlin (IOW)
– l’Institut de recherche socio-écologique de Francfort-sur-le-Main (ISOE – Hesse)
– l’Institut d’écologie appliquée de Fribourg (Bade-Wurtemberg)
– l’Institut indépendant des questions environnementales de Berlin (UfU)
– l’Institut pour le climat, l’environnement et l’énergie de Wuppertal (Rhénanie du Nord-Westphalie)
Source : Bulletins électroniques
Une part importante des eaux servant à l’irrigation sont non renouvelables
Environ 20% de l’eau utilisée pour l’irrigation n’est pas renouvelable. C’est ce que les hydrologues de l’Université d’Utrecht et de Deltares ont calculé. Leurs recherches montrent également que la consommation d’eau souterraine non renouvelable a triplé depuis 1960. « Cela conduit dans de nombreux endroits à l’épuisement des réserves d’eau souterraine et pourrait présenter à l’avenir un danger pour la production de nourriture » a déclaré Marc Biekens.
Environ 40% de la nourriture consommée dans le monde est cultivée en utilisant une forme d’irrigation. C’est notamment le cas dans les régions où la pluie ne peut suffire à l’agriculture. L’eau servant à l’irrigation est la plupart du temps issue des cours d’eau ou des réservoirs. Comme ces réserves d’eau sont limitées ou trop éloignées des cultures, les agriculteurs utilisent souvent des eaux souterraines avec un système de pompage.
La taille des cercles indique la quantité d’eau utilisée pour l’agriculture. Les couleurs utilisées sont le vert ( l’eau de pluie), le bleu (l’eau provenant des réservoirs et des cours d’eau), le bleu foncé (l’eau issue de réserves souterraines non renouvelables). Le reste présente les autres sources (telle que l’eau issue du dessalage ou importée). Les tableaux indiquent pour chaque pays le pourcentage d’eau non renouvelable utilisée pour l’irrigation. Les couleurs à l’arrière plan montrent l’état d’épuisement des réserves souterraines.
L’eau souterraine non renouvelable
Une équipe d’hydrologues dirigée par Marc Bierkens, professeur d’hydrologie géographique à l’Université d’Utrecht, a calculé à l’aide d’un modèle hydrologique global la recharge des eaux souterraines mondiales : quelle part de l’eau de pluie, sur les différents endroits du globe, rejoint une nappe phréatique ? Les chercheurs ont estimé à l’aide de modèles statistiques la quantité d’eau utilisée pour l’irrigation et son origine (lacs et réservoirs, ainsi que les nappes phréatiques). De cette manière, les scientifiques d’Utrecht peuvent déterminer combien d’eau souterraine peut être utilisée pour que les nappes puissent se reconstituer naturellement.
L’eau souterraine devient rare
« Le problème de ces extractions d’eau souterraine, c’est l’épuisement des ressources » explique Bierkens. « Aujourd’hui, on produit de plus en plus de nourriture avec de l’eau qui sera bientôt épuisée ou plus difficilement accessible. Si vous devez nourrir une population croissante dépendante des réserves en eau souterraine, cela risque de conduire à des pénuries alimentaires « . Dans le nord de l’Inde par exemple, on pompe plus d’eau qu’il n’en tombe durant la période des pluies. Cela entraîne une diminution du niveau des nappes phréatiques, qui baissent jusqu’à un mètre par an.
Les grands utilisateurs mondiaux
Les résultats de l’étude montrent qu’entre 1960 et 2000, la consommation d’eau non renouvelable a augmenté de 75 à 234 km3 par an (par rapport au 3,4km3 de l’Ijsselmeer, le lac le plus important des Pays-Bas). Ces 20% d’eau souterraine utilisée pour l’irrigation servent à produire 8% de la nourriture mondiale. Les principaux utilisateurs de ces réserves d’eau souterraine sont l’Inde (68km3 par an), le Pakistan (35km3 par an), les Etats-Unis (30km3 par an), l’Iran (20 km3 par an), la Chine (20km3 par an), le Mexique (10km3 par an) et l’Arabie Saoudite (10km3 par an).
Publication :
Y. Wada, L.P.H. van Beek en M.F.P. Bierkens (2012), Nonsustainable groundwater sustaining irrigation: A global assessment, Water Resources Research 48, W00L06, doi:10.1029/2011WR010562.
Source : Bulletins électroniques