Après avoir débouté à deux reprises des ONG écologistes et représentants du monde agricole en 2021 et 2022, le Conseil d’État reconnaît finalement l’illégalité des dérogations françaises autorisant l’usage des néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières.
Le 19 janvier 2023, la Cour de justice européenne publiait un arrêt rappelant aux 27 pays membres de l’Union européenne l’interdiction des semences enrobées de néonicotinoïdes. Il juge les dérogations systématiques octroyées par le gouvernement comme illégales au regard du droit européen. Dans la foulée, le 23 janvier, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré renoncer à autoriser par dérogation les néonicotinoïdes en France immédiatement.
Depuis 2018, l’UE a interdit ces insecticides de mise sur le marché au sein de son territoire. Pourtant, une dizaine de pays, dont la France, avaient pris des dérogations pour préserver les rendements sucriers grâce à ces insecticides. Alors que le Conseil d’État avait rejeté à deux reprises les requêtes d’ONG écologistes et de représentants du monde agricole et apicole, il reconnaît finalement dans une décision du 3 mai que « les dérogations permettant leur utilisation pour les cultures de betteraves sucrières accordées en 2021 et 2022 étaient […] illégales ». Et pour cause, « aucune dérogation n’est en effet possible si la Commission européenne a formellement interdit un pesticide », confirme le Conseil d’État.
L’association Agir pour l’environnement y voit une « victoire posthume », mais au « goût amer ». En effet, elle souligne que « la réautorisation illégale des néonicotinoïdes a permis aux betteraviers de semer près de 100 milliards de graines et d’ainsi polluer illégalement la nature ».
Retour sur des dérogations françaises
Le 4 novembre 2020, la France adoptait une loi autorisant l’usage de néonicotinoïdes en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Suite à ce vote, 60 députés et 60 sénateurs avaient saisi le Conseil Constitutionnel pour suspendre l’autorisation dérogatoire de leur usage sur les betteraves jusqu’en 2023. Le 10 décembre, le Conseil Constitutionnel jugeait toutefois la loi conforme à la Constitution. Mais il rappelait que celle-ci devait se faire dans les conditions prévues par le règlement européen.
L’arrêté du 5 février 2021 autorisait les « semences de betteraves sucrières traitées avec des produits contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam ». L’association Agir pour l’environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès (UNAF) et la Fédération française des apiculteurs professionnels (FFAP) avaient demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre cet arrêté. Le Conseil d’État a rendu sa décision en référé n°450194 le 15 mars 2021. Il jugeait l’arrêté conforme à la Constitution et au droit européen. « L’arrêté attaqué, qui se borne à mettre en œuvre cette autorisation pour la campagne 2021, ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeilles », expliquait alors le Conseil d’État.
Rebelote en 2022. Dans sa décision en référé n°461238 du 25 février 2022, le juge des référés estime qu’en l’absence de solution alternative, la dérogation autorisant les néonicotinoïdes pour les betteraves sucrières en 2022 est légale. Ce n’était finalement pas le cas.
Cette interdiction définitive des néonicotinoïdes « va empêcher l’ajout de nouvelles pollutions » se félicite pour sa part l’ONG Pollinis, dans un communiqué. Elle prévient toutefois : « L’agriculture conventionnelle les a utilisés pendant 20 ans. Ce sont des molécules qui persistent dans l’environnement. Cela va prendre un certain nombre d’années avant que la France ne soit plus polluée, tant nous étions arrivés à un niveau de pollution important ».
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