« Les pouvoirs publics donnent au monde agricole de grands objectifs à atteindre sans leur assurer les moyens », regrette Caroline Faraldo, responsable agriculture et alimentation à la Fondation Nicolas Hulot. Selon la nouvelle étude du think tank de cette fondation dévoilée mardi 9 février, les financements publics et privés en soutien aux acteurs de l’alimentation « confortent le système en place ».
L’étude qui se base sur une revue bibliographique de plus de 200 rapports, exploite la base de données du Réseau d’information comptable agricole et une vingtaine d’entretiens d’experts et d’agriculteurs, estime les financements publics aux acteurs de l’alimentation à 23,2 milliards d’euros chaque année. Ces financements relèvent à 40 % d’aides de la PAC et environ à 60 % du budget propre de l’Etat français, ainsi que d’allègements fiscaux. Les financements privés s’élèvent quant à eux à 19,5 milliards d’euros. Ils prennent la forme de prêts bancaires, de levées de fonds ou encore d’indemnités d’assurances. Ces financements sont particulièrement importants pour les agriculteurs : 73 % des financements publics et 61 % des financements privés aux acteurs de l’alimentation leur sont attribués.
Des financements qui ne contribuent pas à la transition écologique
« Il y a le maintien d’un statu quo », note Caroline Faraldo et « sur la quasi-entièreté de ces financements privés, il n’y a pas de critère de durabilité associé ». Le constat est similaire pour les financements publics. « Moins de 1 % des aides publics ont un impact avéré sur la diminution des pesticides », complète-t-elle. Pour Nicolas Hulot, ancien ministre de la transition écologique et solidaire, il s’agit là d’un « cas d’école qui éclaire quelques profonds dysfonctionnements dans notre démocratie ».
L’étude pointe ainsi le rôle de la fiscalité. Les allègements de charges et de cotisations sociales sur les salariés représentent plus d’un tiers des financements publics aux acteurs de l’alimentation et ont augmenté de 49 % entre 2014 et 2020. Ils bénéficient davantage aux exploitations les plus utilisatrices de pesticides. Celles-ci toucheraient environ 2,6 fois plus d’allègements de cotisations sociales que la moyenne des exploitations. En plus, elles toucheraient 2,7 fois plus de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Et aussi 2,6 fois plus de déductions d’impôts pour aléas et pour investissements.
Des politiques publiques qui favorisent les pesticides
Le poids de l’échec de la réduction de l’usage des pesticides est trop souvent mis sur les épaules uniquement des agriculteurs, estime la Fondation Nicolas Hulot. Elle souhaite aussi chercher l’échec du côté des politiques publiques d’accompagnement.
Alors que le groupe des exploitations agricoles les plus utilisatrices de pesticides grandit beaucoup plus vite que les modèles alternatifs, 57 % des agriculteurs se retrouvent en effet hésitants entre deux modèles, calcule la fondation. « On a besoin de politiques publiques pour inverser la donne et donner une solution », prévient Caroline Faraldo.
« Il faut impérativement sortir de deux postures totalement stériles : l’agrobashing et l’écolobashing, partage pour sa part Nicolas Hulot. Il y a une responsabilité partagée. Une petite partie de la profession capte une grande partie des aides publiques. Et une petite partie de la profession est à l’origine de l’augmentation et de l’usage des pesticides. Ce n’est pas une fatalité, c’est une question encore une fois de méthode, de réparation, de conditionnalité des aides et de cohérence. »
Jouer sur la PAC pour attirer vers l’agroécologie
« La déclinaison nationale de la PAC est en cours de préparation depuis quelques semaines et on a 6 mois pour rendre notre copie à la Commission européenne », rappelle Caroline Faraldo. Elle ose imaginer une déclinaison française très ambitieuse d’un point de vue environnemental et climatique. «Il faut inverser la tendance et démultiplier les aides à la bio, de conversion à la bio de certaines MAEC [Mesures agro-environnementales et climatiques, ndlr] pour qu’elles soient à disposition du plus grand nombre d’agriculteurs, prévient-elle. Par exemple, il faudrait 5 fois plus de moyens qu’actuellement pour la bio pour atteindre nos objectifs en termes de surface agricole utile. »
La Fondation Nicolas Hulot aspire à 100 % d’installation et de transmission en agroécologie d’ici 10 ans. Elle demande la mise en place d’un malus pour tous les acteurs qui ne sont pas acteurs de l’agroécologie. Cela permettrait d’éviter que les moyens d’accompagnement des agriculteurs ne soient plus « antinomiques avec les effets souhaités », prévient Nicolas Hulot.
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