Déjà 25% de la population est couverte par l'extension des consignes de tri des emballages. La loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit une couverture nationale d'ici fin 2022. Cela laisse cinq ans aux centres de tri pour assurer leur mutation industrielle. Un défi majeur pour le secteur.
À l’occasion des Assises des déchets de Nantes, les professionnels du recyclage ont insisté sur le défi majeur que pose la modernisation des centres de tri pour répondre à l’extension des consignes de tri des emballages. Cette dernière sera progressive à travers 4 vagues successives d’appels à projets étalés de 2018 à 2021. « L’ensemble des acteurs devront se positionner sur cette période », assure Carlos de los Llanos, Directeur Recyclage de Citeo, l’éco-organisme résultant de la fusion d’Eco-Emballages et Ecofolio.
Des centres de tri industriels pour plus de rentabilité?
«On a déjà procédé à une phase d’extension sur 15 millions d’habitants, le quart du territoire », rappelle l’expert du recyclage. « On a un peu plus de 200 centres de tri en activité en France, soit environ un centre de tri pour 300.000 habitants », prévient-il. Mais ce serait trop. « Les technologies qui existent aujourd’hui nécessitent des centres de tri de taille supérieure », complète-t-il. D’ici 5 ans, il devrait y avoir au maximum 130 centres de tri sur le territoire. Alors, comment se préparer à la reconversion des sites?
L’extension des consignes de tri impose de développer des centres de tri plus importants. Pour André Flajolet, Vice-président de l’Association des Maires de France (AMF), il faudra une couverture nationale cohérente. « Un certain nombre de centres peuvent être modernisés dans leurs bâtiments et leurs process, mais il va falloir construire de nouveaux centres sur de nouveaux périmètres », complète-t-il.
Une concertation indispensable en amont
Qui dit centre de tri plus important dit « bassin de tri » plus important, analyse Sylvain Pasquier, Coordinateur de secteurs à l’ADEME. Il va falloir créer des coopérations entre les territoires et conduire des études préalables pour savoir comment implanter de nouveaux centres ou en regrouper des existants. L’idée est bien d’avoir des implantations et des tailles adaptées, avec des solutions différentes. « L’objectif n’est pas d’arriver qu’à des gros centres, mais à des centres un peu plus importants dans des territoires vraiment ruraux », soutient-il.
Dans les territoires ruraux, « il faut avoir une réflexion pour avoir un seul centre de tri pour le département », prévient Sylvain Pasquier. Comme cela a été fait par Eco-Emballages dans son expérimentation, par exemple, pour la Lozère, le Jura et les Ardennes. En revanche, « au niveau des grosses agglomérations, il faut réfléchir à des centres de tri industriels qui vont desservir un million d’habitants », assure-t-il. Les centres desservant moins de 200.000 habitants, ne pourront en effet pas amortir les investissements de modernisation. Des travaux sont notamment en cours pour étudier la possibilité d’installer un tri en deux étapes sur les territoires les moins denses. Il consisterait à faire plusieurs premiers tri simplifiés qui redirigeraient les emballages vers un une seule usine industrielle pour un tri complémentaire. Les conclusions sont attendues pour la fin de l’année, avant le premier appel à projet.
Améliorer les taux de captage
L’extension des consignes de tri répond à une demande sociétale forte. Les citoyens veulent en effet des consignes simples et harmonisées. Grâce à elles, tout emballage ira désormais dans la poubelle de tri. Mais les refus de tri augmenteront inexorablement. Car il n’existe pas encore de filière de recyclage pour tous les emballages, notamment en plastique. Néanmoins, cette situation devrait être transitoire, car certaines filières apparaitront, avec l’augmentation des captages.
La France ne recycle encore que 24% de ses emballages en plastique, presque uniquement des bouteilles et des flacons. Une fois l’extension des consignes de tri réalisée, Citéo estime que ce taux grimpera autour de 40%. Il faudra travailler sur la recyclabilité et l’éco-conception des produits pour atteindre 55%. Et développer les technologies de recyclage chimique, notamment de dépolymérisation des plastiques pour espérer aller au-delà. Cela est possible : sur l’ensemble des emballages plastiques, entre 70 et 80% sont techniquement recyclables. Mais c’est la rentabilité qui fait souvent défault. En fin de compte, il faudra accepter qu’une part de ces emballages soit valorisée énergétiquement, notamment les emballages en polystyrène et certains films souples.
En revanche, que dit-on aux habitants? Ils ne veulent pas être trompés. « On doit leur dire qu’on va faire la meilleure valorisation possible : tout ce qui est recyclable doit être recyclé », assène Carlos de los Llanos. « Il y a la solution de l’incinération avec valorisation énergétique. Lorsqu’elle n’existe pas, il y a le développement des filières de combustibles solides de récupération (CSR)», prévient-il. « La valorisation énergétique, c’est le complément nécessaire, indispensable, à l’extension des consignes de tri des plastiques pour pouvoir dire aux habitants que tout ce qui rentre dans le bac jaune sera valorisé de la meilleure façon en fonction des technologies disponibles », ajoute-t-il. Les refus de tri ne finiront donc plus en décharge, comme le somme la loi de transition énergétique.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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