Metaverse ! Les GAFAM et les éditeurs de jeux vidéo en parlent comme le prochain Graal. Imaginé en 1992 par Neal Stephenson dans le roman de science-fiction « Le Samouraï virtuel », ce concept réunit un ou plusieurs mondes virtuels partagés en 3D qui sont interactifs, immersifs et collaboratifs.
Le film de science-fiction « Ready Player One » (2018) offre un aperçu de ce que de nombreuses entreprises technologiques prédisent comme étant la prochaine grande nouveauté d’Internet. Inspiré d’un roman d’Ernest Cline paru en 2011, le héros (un adolescent orphelin) du film fuit sa triste existence morne dans le monde réel en se plongeant dans la réalité virtuelle (RV). Le garçon enfile son casque, qui ressemble à une paire de lunettes RV, et s’échappe dans un univers virtuel délirant, baptisé « OASIS ».
Sans le savoir, de nombreuses personnes connaissent un Metaverse si elles ont des adolescents ou si elles sont elles-mêmes joueuses. Le plus connu du grand public est en effet le jeu Fortnite. Les plus anciens ont certainement entendu parler de Second Life. Apparu au début des années 2000, ce jeu rassemblait dans son univers réaliste des centaines de milliers d’« habitants ». Il avait son propre système monétaire. Trop avant-gardiste et trop complexe, il est retombé dans un relatif oubli.
La fatigue due aux réunions Zoom
Mais pourquoi cet intérêt de Facebook pour les Metaverses ? Le réseau social s’étant aperçu qu’il était distancé par d’autres poids lourds (comme Epic Games, éditeur de Fortnite), il veut miser sur sa division de réalité virtuelle et de réalité augmentée, « Facebook Reality Labs » (FRL), pour que « d’ici 5 ans environ (…) les gens nous perçoivent avant tout comme une entreprise du Metaverse », a déclaré son fondateur, Mark Zuckerberg.
Baptisé « Horizon Workrooms », le projet (pour l’instant en version bêta) de métavers de Facebook constitue une nouvelle façon de collaborer au travail via son casque de RV « Oculus Quest 2 ». Un utilisateur peut partager des fichiers depuis son bureau et faire du brainstorming sur des tableaux blancs infinis. Il peut discuter avec ses collègues dans la salle virtuelle (16 personnes maxi) ou avec des personnes qui l’ont rejoint par appel vidéo (jusqu’à 34 autres personnes).
Quelques mois auparavant, Microsoft avait déclaré être « positionné de manière unique » avec une pile d’outils d’intelligence artificielle et de réalité mixte pour aider les entreprises à commencer à développer des applications de Metaverse.
Les Metaverses apparaissent comme une évolution du bureau post-covid. Dans un récent rapport, les analystes du cabinet Forrester expliquaient que la création d’un bureau dans un cadre virtuel pourrait être un antidote à la fatigue du Zoom. Et de citer 4 principaux avantages :
- la reproduction de l’expérience d’un bureau en « vrai » ;
- créer une expérience partagée et renforcer les valeurs de l’entreprise ;
- développer une culture commune ;
- mettre fin au débat entre le plan de bureau ouvert et le bureau privé.
L’expérience des employés étant présentée comme une priorité croissante pour les entreprises, certaines ont tenté de tirer profit des contraintes sanitaires pour explorer d’autres pistes. C’est le cas d’Accenture qui compte quelque 7 000 collaborateurs en France.
En 2020, ce cabinet qui accompagne les organisations dans leur transformation technologique et humaine a commencé ses expériences de réalité virtuelle. Il a construit un salon virtuel pour 150 directeurs généraux dans 25 pays. L’entreprise dispose désormais d’un « Nième étage » pour créer une expérience partagée entre les employés ou organiser des formations.
Autre usage concret d’un Metaverse : des simulations pour l’industrie. L’une des références en la matière est le Metaverse de Nvidia (un poids lourd américain connu notamment pour ses cartes graphiques).
Des « jumeaux numériques »
Baptisée Omniverse, sa plateforme héberge un espace virtuel partagé à destination d’ingénieurs, de développeurs et de créateurs afin de créer des simulations dans le monde virtuel, de les tester puis de les exporter en version physique si le résultat est satisfaisant.
Omniverse peut simuler des particules et des fluides, des matériaux et même des machines, jusqu’à leurs ressorts et leurs câbles.
Omniverse est utilisé par un nombre croissant d’industries pour des projets tels que la collaboration en matière de conception et la création de « jumeaux numériques », c’est-à-dire des simulations de bâtiments et d’usines du monde réel. BMW Group l’utilise pour créer une usine du futur, tandis que Mercedes teste son programme de conduite autonome. Quant à Ericsson, il utilise Omniverse pour simuler la propagation des ondes 5G dans les zones urbaines denses.
Mais les Metaverses pourraient aussi révolutionner d’autres secteurs, y compris celui de l’art. « L’art numérique, avec les NFT, est très présent dans les Metaverses. Il y a énormément de musées et d’expositions en ligne. C’est un nouveau mode de présentation et même de collection. Cela représente un tournant extrêmement important dans l’histoire de l’art. En ce moment, je propose une exposition hybride avec les mêmes œuvres dans une galerie à Paris et dans le Metaverse de Cryptovoxels. Il ne s’agit pas de remplacer les usages, mais au contraire de les augmenter et de proposer de nouvelles façons d’appréhender des œuvres numériques », explique Denis Santelli qui a enseigné l’art des nouveaux médias à l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy et la conception de médias interactifs à l’Institut de l’Internet et du Multimédia.
Aujourd’hui artiste, Denis Santelli estime que ce sera « la ruée dans les prochains mois, car toutes les marques et les enseignes veulent leur espace dans le Metaverse pour offrir des collections à leurs clients et prospects, proposer d’acheter des NFT… Après avoir créé leur site web puis leurs applications, les entreprises vont maintenant développer leur monde virtuel ».
Cet article se trouve dans le dossier :
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